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Stabex : description et traits marquants de l’évolution du système

Peut-on utiliser la conditionnalité pour favoriser la concertation ?

Anne SIMON

02 / 1999

A l’époque où j’étais stagiaire à la Commission, une collègue avec qui j’aimais bien discuter me prévenait à l’avance quand il ne fallait mieux pas que j’aille dans son couloir, parce que l’ambiance était électrique. Elle travaillait au service du STABEX, et certains jours, les jours de négociations, j’étais très impressionnée, des ambassadeurs entourés de leurs équipes, venaient en réunion, et il parait que ça chauffait! Aujourd’hui alors que les négociations sont en cours sur le futur de la Convention de Lomé, le maintien ou non du Stabex, est toujours un des points sensibles des discussions.

Tout d’abord, qu’est ce que le STABEX? C’est le Système de stabilisation des exportations (des produits agricoles), système unique proposé par la Commission européenne dès la première Convention de Lomé, mettant à disposition des Pays ACP, des moyens importants pour financer leurs secteurs agricoles lorsque ceux-ci sont mis en difficulté par la baisse de leurs recettes d’exportations. Le système intervient après constatation des pertes de recettes d’exportations, sans intervenir sur le marché. Par pays, un niveau de référence est fixé, et le système garantit au pays bénéficiaire, un transfert de ressources financières égale en totalité ou partie à la différence entre la valeur effective et ce niveau de référence. C’est devenu un enjeu très important en termes de volumes financiers puisqu’il représente 13 % du FED affecté aux Etats ACP pour la période 1995-2000 soit 1800 millions d’ECU .

Le Stabex a évolué depuis la première Convention de Lomé, aujourd’hui il intervient uniquement sous forme de dons, le principe dit de reconstitution par les Etats ACP est abandonné. Ces modifications portent sur le plan technique (définition et liste des produits couverts, mode de base des calculs), financier (comptes ouverts en EURO dans un Etat membre mobilisable sur double signature)et surtout sur les modalités d’affectation des transferts STABEX.

La notion de conditionalité a été introduite dans le système. Depuis 1975, progressivement, la Commission avait exigé des informations de plus en plus complètes sur l’utilisation des ressources transférées au pays. Depuis 1990, en contrepartie de la suppression du principe de reconstitution, elle a obtenu que les modalités d’utilisation des ressources fasse l’objet d’un accord avec le Gouvernement ACP (appelé Cadre d’obligations mutuelles). Ce cadre d’obligations mutuelles est en outre assorti de clauses suspensives dont le respect par les Etats ACP conditionne les différentes tranches. C’est là un changement majeur qui signifie, pour cet instrument la fin de transferts directs, indifférenciés, non négociés (si ce n’est le cadre général de la Convention, lui négocié).

Cette réorganisation du système a causé inévitablement de lourdes tensions, les gouvernements bénéficiaires n’ont pas"totalement accepté l’introduction des Cadres d’Obligations mutuelles", et"n’admettent pas toujours de devoir négocier et justifier de l’utilisation des fonds"qui jusque là leur étaient attribués en compensation de pertes de recettes d’exportations préjudiciables à leur économie. Selon ses défenseurs, le Stabex a retrouvé sa vocation d’origine, faire bénéficier les producteurs des pays ACP d’une assurance qui leur garantisse des ressources aussi stables que possibles et rapportent des devises nécessaires au développement du pays. Les cadres d’utilisation signés, portent fréquemment sur la privatisation des filières, la restructuration des organismes nationaux de compensation, l’aide directe aux producteurs (accès au crédit, aux intrants). L’évaluation générale de l’aide aux ACP cite l’exemple de l’impact que le Stabex a joué sur la réorganisation de la filière caféière en Tanzanie et des paiements compensatoires directs qui ont été rendus possibles. (410.000 fermiers ont pu en bénéficier alors que les cours mondiaux étaient au plus bas). En Côte d’Ivoire, le STABEX a permis de faciliter l’accès au système bancaire à une centaine d’organisation de producteurs, ou au Cameroun de distribuer des"chèques planteur".

L’insuffisance des montants disponibles dans les périodes de forte dépréciation des prix des matières premières est un autre sujet de dissension. Les montants alloués n’ont permis par exemple de ne couvrir qu’à 40 % les besoins de compensations calculés, appelés"bases de transferts"dans les années 90-92. Ce"manque à gagner"selon les règles du système, calculé sur la décennie 1980, a finalement été annulé en 1990, par le Conseil des ministres conjoint UE-ACP

Mots-clés

coopération UE ACP, politique internationale, production agricole, marché international


, Pays ACP

Commentaire

Ce portrait brossé en quelques traits de l’évolution du STABEX, entre son introduction dans la Convention de Lomé en 1975 et aujourd’hui, montre que ce système unique reconnu comme une innovation notable a suivi l’évolution politique et économique (asymétrisation des relations UE/ACP au sein de la Convention, développement du libéralisme dans les économies ACP).

En 1990, des conditionalités sont apparues dans l’utilisation des fonds alloués. Les modalités d’utilisation sont aujourd’hui négociées entre la Commission et le gouvernement. Les gouvernements ACP semblent ressentir cette modification comme une ingérence.

Que penser ? Si les conditionalités introduites peuvent signifier une perte d’autorité des gouvernements, allant à l’encontre du principe d’ownership que la Commission défend par ailleurs dans le futur des relations UE-ACP, on constate que plusieurs des actions menées sur des fonds Stabex aujourd’hui tendent à renforcer la participation et l’implication des producteurs, ou groupements de producteurs. Il s’agit donc d’un renforcement de l’implication et de la dynamisation des"Acteurs"(privé)et d’une tentative de recentrage (au moins partiel)de l’aide vers les milieux paysans. Si le Stabex doit perdurer, l’enjeu serait que ce processus de"conditionalisation"soit construit dans chacun des pays en se basant sur une concertation aussi profonde que possible entre les gouvernements et les catégories socio-professionnelles concernées sur l’évolution des secteurs agricoles d’exportation. Ce qui reviendrait à faire de la négociation des COM (cadres d’obligations mutuels)un élément de la dialogue économique et socio-professionnel dans le pays.

Notes

Pour plus d’informations, voir l’évaluation du Stabex, CERDI, mars 1998.[Fiche produite dans le cadre du débat public "Acteurs et processus de la coopération", appelé à nourrir la prochaine Convention de Lomé (relations Union Européenne/Pays ACP). Lancé à l’initiative de la Commission Coopération et Développement du Parlement Européen et soutenu par la Commission Européenne, ce débat est animé par la FPH.]

Source

Rapport

COMMISSION EUROPEENNE, Le système Stabex et les revenus d'exportations des pays ACP; Egalement, <Evaluation of European Union Aid managed by the Commission, to African, Caribbean and Pacific Countries>, november 1998, p 21.

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