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Un réseau de solidarité pour le Bibliobus de la ville de Sucre en Bolivie

Armelle PEYRON

11 / 1998

Il est huit heures, la ville de Sucre, s’éveille doucement, le Bibliobus ouvre ses portes, comme chaque lundi, devant l’école du quartier Villagomez, entre ville et campagne. Avec le chauffeur-animateur Hernando Cueto, professeur de collège, les volontaires, une ou deux personnes des associations Ayni(1)et Tanga-Tanga, installent les chaises et les livres dans le Bibliobus. Les enfants " du matin " passent leur dire un rapide bonjour avant d’entrer à l’école, promettant qu’ils viendront les voir dans l’après-midi pour lire un conte ou se faire aider dans leurs devoirs. Puis arrivent ceux qui n’iront en classe que l’après-midi, car l’école fonctionne à mi-temps. Ils passeront une demi-heure, une heure dans le Bibliobus, car par ailleurs, ils aident leurs parents en gardant les petits frères ou en allant gagner quelques bolivianos contre des petits travaux. Les plus petits qui ne savent pas encore lire viendront rêver à l’écoute d’une histoire. Et les aînés s’arrêteront lire une bande dessinée, s’informeront pour leur prochain exposé ou résoudront un épineux problème de mathématiques.

En choisissant de se rendre dans cinq des quartiers les plus pauvres de la ville, le Bibliobus se met ainsi à la disposition des enfants défavorisés pour lesquels il est difficile d’avoir accès aux bibliothèques toutes situées dans le centre-ville.En effet, ils vont en cours dans les écoles publiques et gratuites, près de chez eux, mais surchargées et souvent en grève. De plus, bien souvent ces enfants ne peuvent pratiquer l’espagnol à la maison car leurs parents ne parlent que le quechua.

C’est en partant de ce constat que la Mairie de Sucre et l’association El Museo de los Niños-Tanga-Tanga ont créé le Bibliobus en 1994. Le Minibus a été fourni par la municipalité de Sucre, qui assure également son entretien et rémunère Hernando Cueto qui conduit le bus et accueille les enfants. Tanga-Tanga est un espace pour les enfants qui dispose d’un programme structuré d’expositions, jeux et activités diverses. Une bibliothèque pour enfants fonctionne régulièrement depuis 1995, et ramifie ses activités avec le Bibliobus en apportant des livres régulièrement et en mettant à disposition des animateurs.

Hernando Cueto résume ainsi l’idée directrice du projet : "Je ne prétends nullement réduire le taux d’échec scolaire en Bolivie mais seulement faire en sorte que le Bibliobus soit un lieu d’accueil sécurisant pour des enfants livrés à eux-mêmes et confrontés à des responsabilités qui ne sont pas les leurs. Le Bibliobus serait donc un espace de lecture où ils pourraient également trouver une aide pour leurs devoirs scolaires mais aussi laisser libre cours à leur imagination et leur créativité grâce à l’organisation d’ateliers de théâtre, de marionnettes et d’animations autour d’un conte. Il ne faut pas considérer le livre seulement comme un outil de lecture, mais aussi comme un matériau riche pour la création, le jeu, l’imagination et la liberté d’expression. Et c’est précisément cet aspect pédagogique qui est négligé dans le système scolaire bolivien."

Céline, une étudiante française volontaire pour un an dans le Bibliobus, parle de son expérience: "Ce sont des enfants qui, du fait de l’organisation scolaire ont beaucoup de temps libre et il n’existe ici que peu de structures d’accueil pour les occuper. Le Bibliobus est donc une réponse très adaptée à ce besoin. En effet, sa forme ambulante permet d’aller à la rencontre des enfants. Avec ses couleurs gaies, le Bibliobus attire de plus en plus de curieux qui veulent savoir ce qui se passe dans ce drôle de camion. Ce qui m’a le plus impressionnée, c’est de voir la passion avec laquelle les enfants redécouvrent chaque semaine les joies de la lecture : c’est toujours très émouvant de les voir tous agglutinés autour du bus, assis sur le trottoir ou sur les quelques chaises disponibles, tous captivés par leur lecture. Et même ceux qui ne savent pas lire murmurent une histoire à eux inventée à partir des images..."

Nous sommes déjà en fin d’après-midi, après l’heure d’affluence de la sortie des classes, quelques enfants restent encore, voulant terminer leur histoire, sachant que le Bibliobus ne reviendra que la semaine prochaine. Celui-ci plie ensuite tables et chaises, referme ses portes et démarre, salué par les derniers enfants qui jouent encore sur le trottoir. Demain, ce sera autour des enfants du quartier de San Juanillo de rêver, transportés dans le monde des dragons et autres sorcières...

Depuis avril 1998, l’association française Ayni soutient ce projet de Bibliobus par des apports financiers qui servent à l’achat de livres et de matériel (tables, chaises, fournitures...), ainsi qu’à la rénovation du bus.

Une volontaire de Ayni, Stéphanie, étudiante en théâtre, est partie en Octobre 1998 rejoindre l’équipe du Bibliobus pour aider à l’animation autour du bus : elle mettra notamment en place un atelier de théâtre et de marionnettes. Elle s’occupera également, avec la collaboration de Tanga-Tanga, de l’organisation de manifestations destinées à faire connaître les activités du Bibliobus en Bolivie.

Par ailleurs, Ayni a créé un réseau d’échanges culturels entre les enfants du Bibliobus et ceux de classes d’espagnol de collèges français. Pour l’année scolaire 1998/99 Ayni organise des échanges de courriers électroniques entre les enfants du Bibliobus et deux classes de 3ème du Collège Ariste-Chauvel, de la Suze-sur-Sarthe. En partant d’un travail de documentation avec leur professeur d’espagnol et le bibliothécaire du collège,les élèves établissent des contacts directs avec la Bolivie qui apportent une dimension humaine à leur recherches.

Mots-clés

coopération Nord Sud, bibliothèque, enfant, développement culturel


, France, Bolivie, Sucre

Commentaire

La richesse de cette expérience réside dans le fait que le projet initial est le résultat de réflexions locales sur le manque de moyens d’accès à la lecture dans ces quartiers. Le Bibliobus a fonctionné pendant plusieurs années avec une vingtaine de livres à son bord et ne s’est jamais éssouflé! Ayni se veut être un soutien visant à la pérennisation de l’expérience : aujourd’hui, nous donnons des livres et un peu de notre temps, mais demain, notre rêve serait que des gens croient en ce projet et participent à la consolidation de l’expérience initiée par le Bibliobus en appuyant tous ceux qui le font vivre et fonctionner, sans que nous soyons là.

Notes

(1)"Ayni" : Mot quechua signifiant la réciprocité, un échange de biens et de service, concept fondamental dans le système socio-économique andin.

Contact : Ayni, 134 rue du Théâtre - 75015 Paris. Tel 01.45.79.34.08. dvu@easynet.fr

Cette expérience a été remarquée par l’UNESCO qui l’a insérée dans son catalogue des projets 1998/99.Cette publication rentre dans le cadre de son programme de co-action qui vise à promouvoir les idéaux de l’organisme en soutenant financièrement des initiatives locales.

Entretien avec CUETO, Hernando; PEYRON, Céline

Source

Entretien ; Document interne

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