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Développement agricole, agriculteurs et territoires dans le sud de l’Union Européenne

Ethel DEL POZO

03 / 1996

Cette communication aborde l’évolution de l’agriculture des quatre pays les plus méridionaux de l’Union Européenne (UE)(Portugal, Espagne, Italie, Grèce)en s’appuyant sur l’analyse de trois thèmes: les modalités et les résultats du développement agricole depuis les années 1950; les transformations et les différenciations des exploitations agricoles; les rapports entre l’agriculture et le territoire.

En ce qui concerne le développement, les résultats sont mitigés:

-Ces agricultures sont actuellement incapables de subvenir aux besoins alimentaires des populations à partir de leurs propres ressources: c’est le résultat du bas niveau de développement économique au début de la période (années cinquante), des choix de politique économique effectués à ce moment-là et des concurrences sur les marchés agricoles que l’intégration successive des quatre pays à l’UE a accentuées.

-Dans la lutte pour la conquête des marchés, tant vis-à-vis des autres pays de l’UE que ceux d’autres régions du monde, les quatre pays du sud de l’UE ne parviennent pas à équilibrer leurs importations (produits de base pour l’élevage et pour l’alimentation humaine)par leurs exportations de produits "méditerranéens" (fruits, agrumes, légumes); en conséquence ils ont tous une balance agro-alimentaire déficitaire.

-Cette situation est directement liée à la faiblesse relative de ces agricultures dans la mise en oeuvre des avantages comparatifs, elle-même expliquée, notamment, par une maîtrise des systèmes de production inférieure à ce que permettrait l’état des connaissances scientifiques, à l’efficacité médiocre de l’organisation commerciale, à l’état des structures foncières et au manque de ressources naturelles.

-Si l’on se réfère à l’exemple de l’Italie, pays le plus déficitaire, l’intégration à l’UE et l’application de la PAC aux pays du sud de l’UE n’a pas eu d’effet rééquilibrant sur la balance commerciale ni sur les revenus des agriculteurs, le soutien aux productions "méditerranéennes" étant nettement inférieur à celui reçu par les cultures et les élevages dominants dans le nord de l’UE.

Quant aux exploitations, elles appartiennent à des structures agraires généralement très hétérogènes où:

-Le poids important des unités de production fondées sur le travail salarié contraste avec le très grand nombre de très petites exploitations.

-La "modernisation" de l’agriculture paysanne, dominante dans les années cinquante, n’a fait surgir qu’un petit nombre d’exploitations familiales conformes aux canons de l’agriculture des pays occidentaux les plus développés (le modèle "farmer").

-L’absence de politiques volontaristes concernant les structures foncières a été le principal facteur du maintien d’une grande hétérogénéité dans les formes sociales de production.

-Les revenus des exploitants se caractérisent par une double dissymétrie: de très fortes inégalités au sein de chaque pays et une infériorité considérable des agriculteurs du sud par rapport à ceux du nord de l’UE.

-La question reste posée de l’avenir d’un très grand nombre de petites et très petites exploitations: leur pérennité, après tant d’années, ne serait-elle pas due à leur capacité à s’intégrer dans le tissu économique? ce qui, si l’hypothèse se révélait exacte, n’en ferait pas des reliquats encombrants de structures agraires bloquées mais des éléments fonctionnels de systèmes économiques locaux.

Enfin, l’étude des rapports entre l’agriculture et le territoire montre une concentration spatiale considérable de la production et la marginalisation d’une part croissante de l’espace:

-Sur la longue période, on observe une véritable inversion des hiérarchies territoriales: les zones de montagne, de collines et de vallées intérieures, les premières colonisées et concentrant autrefois l’essentiel de la production, ne représentent maintenant qu’une très faible proportion de la production, par rapport à celle des plaines littorales ou intérieures, souvent irriguées.

-Les politiques publiques visant à développer les équipements hydrauliques dans les plaines ont renforcé cette tendance, elle-même alimentée par les avantages qu’y rencontre l’agriculture mécanisée intensive.

-Les tendances au dépeuplement d’espaces considérables sont la conséquence directe de la concentration de l’agriculture dans les zones propices à l’application des moyens les plus productifs et les plus rentables pour la transformation et la commercialisation; de ce point de vue, les mesures de la PAC en faveur des zones de montagne et défavorisées ne jouent qu’un rôle contre-poids mineurs.

-L’existence de foyers de "résistance à la marginalisation" dans les zones en voie de dépeuplement, démontre une certaine capacité des agriculteurs à s’adapter aux nouveaux usages des territoires et aux nouvelles fonctions de l’agriculture (entretien des paysages, tourisme et loisirs, productions de qualité, etc.)mais ne garantit en rien la permanence d’une population agricole suffisante pour revitaliser les vastes zones rurales marginalisées des quatre pays du sud de l’UE.

Mots-clés

agriculture familiale, développement rural, agriculteur


, Europe, Portugal, Espagne, Italie, Grèce, Pays méditerranéens, Union Européenne

Commentaire

Après une analyse longue et détaillée, faite sur la base de nombreuses statistiques, l’auteur pose la question: quel peut être l’avenir de ces agricultures méridionales de l’UE, compte tenu de ce qu’elles sont devenues après quarante ans de soumission au développement économique, d’abord dans un cadre national, puis européen et maintenant mondial? Selon lui, une note d’optimisme reste encore possible si on se place non plus dans le seul cadres des échanges européens, méditerranéens et mondiaux mais on introduit la dimension locale de l’économie. Dans ce cas, il est d’abord possible de prévoir l’approfondissement et l’amélioration des articulations des exploitations avec le tissu économique de leur environnement proche. La conquête de parts de marchés locaux et régionaux à partir de produits de qualité et de circuits de commercialisation de proximité fait partie des défis à relever. Ensuite, il ne faut pas négliger les potentialités contenues dans le lien que peuvent constituer les agriculteurs de ces pays entre le patrimoine naturel et historique local et la demande urbaine d’un environnement de qualité, de loisirs et de tourisme: il reste une marge considérable de progrès par la diversifications des activités professionnelles au sein des exploitations. Enfin, le débat sur le devenir des espaces marginalisées n’est pas clos. Les Européens tiennent à une campagne habitée par des agriculteurs: la mise en place d’une politique de réel soutien aux exploitations de ces espaces, combinant les mesures communautaires, nationales et régionales, peut être acceptée par l’ensemble de la société.

Notes

Colloque " Agriculture Paysanne et Question Alimentaire ", Chantilly, 20 - 23 Février, 1996

Source

Compte rendu de colloque, conférence, séminaire,…

(France)

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