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Santé et innovation : l’assistance que le Sud apporte au Sud via le Nord

L’exemple de l’appareil de dialyse simplifié TQT 86

Pierre Yves GUIHENEUF

03 / 1999

Un vietnamien résidant en France, atteint d’insuffisance rénale, met au point avec sa femme un appareil de dialyse simplifié, au départ pour son propre usage. Il essaie ensuite à le diffuser au Viêt-Nam. Intéressé par l’appareil, un chercheur malien en fait autant dans son pays et décide de narrer ses efforts, aux résultats incertains. Cette histoire met en lumière le passage difficile entre invention et diffusion mais montre également le potentiel existant dans la recherche de matériels adaptés aux besoins des plus pauvres.

A la source de la démarche du couple Tran Quang : le coût exorbitant des appareils de dialyse, de l’ordre de 150 à 250.000 F. Insuffisant rénal, lui désirait se rendre temporairement dans son pays d’origine, mais avait besoin de trois séances hebdomadaires de dialyse pour survivre. Comme il n’existait pas de rein artificiel en état de marche dans le Viêt-Nam dévasté par la guerre, ce voyage était irréalisable. La solution lui est apparue avec évidence : il allait construire lui-même un appareil simplifié. Au bout de deux ans de recherches, grâce à beaucoup d’ingéniosité et aux encouragements de quelques médecins, l’aventure est couronnée de succès. Tran Quang Tuan, confiant dans sa machine, l’expérimente sur lui-même avec toute satisfaction. Le couple peut alors réaliser son impossible voyage, l’appareil étant hébergé à l’hôpital de la capitale où il reçoit un accueil dubitatif, bientôt remplacé par une admiration étonnée.

Après leur voyage, Tran Quang Tuan et son épouse Margot décident de diffuser leur invention afin de permettre aux insuffisants rénaux des pays les plus pauvres de disposer de soins alors inaccessibles pour eux. En effet, l’appareil est d’un coût dix fois moins élevé et permet de réduire de 5 à 8 fois le prix d’une séance de dialyse. Transportable, autonome et facilement réparable, l’engin - joliment appelé "TQT 86" par les médecins de Hô Chi Minh-Ville, en référence à son inventeur et à l’année de son passage - est également d’un entretien aisé et d’une parfaite efficacité. Aux premiers prototypes construits par Tran Quang Tuan, succèdent des appareils de seconde génération qui bénéficient de l’aide d’associations (en l’occurrence, le CCFD et la FPH)avant d’être expédiés au Viêt-Nam. Là-bas, les Tran Quang se voient décerner la médaille de la ville et traités avec tous les honneurs.

Après ce plébiscite, notre couple de héros ambitionne pour son appareil une destinée planétaire. Une association (l’AIRTIMO : Aide aux insuffisants rénaux du tiers-monde)est créée afin de monter un atelier de fabrication en série à Hô Chi Minh Ville. Mais ailleurs, la diffusion piétine. Ismaïla Sow, psychologue malien, se fait l’apôtre de son expansion en Afrique et se heurte vite à l’indifférence. Des médecins visiblement peu motivés, des services publics qui misent sur une prise en charge par le secteur privé, des entreprises privées peu pressées d’acquérir le brevet même à un prix symbolique, d’autant plus que celui-ci est détenu par une association à but non lucratif... Sow en arrive à se demander si la cause des insuffisants rénaux de la population pauvre intéresse réellement ses compatriotes. Il désespère d’obtenir les données statistiques sur la maladie. Il constate finalement que l’absence de spécialistes en néphrologie empêche probablement une identification précise de l’insuffisance rénale et une prise de conscience de l’importance du problème.

Finalement, il mise sur les centres de soins communautaires gérés par des associations locales à but non lucratif, agréées par l’Etat. Un réseau existe au Mali, susceptible de diffuser rapidement l’appareil. Reste à former le personnel à la conduite et à la surveillance des séances d’hémodialyse. Après l’enthousiasme du début, le pragmatisme et la patience s’imposent désormais...

Mots-clés

santé, médecine, innovation technologique, transfert de connaissances, diffusion de l’innovation, diffusion des techniques, innovation


, France, Vietnam, Mali

Commentaire

Cette histoire édifiante, narrée avec tendresse par Ismaïla Sow, montre s’il en était besoin que l’ingéniosité d’un homme et d’une femme poussés par des motivations personnelles et des considérations humanitaires, peut trouver des "raccourcis" technologiques aussi inattendus que bienvenus. La diffusion de l’appareil était encore en cours au moment où le document a été réalisé, ce qui donne à ce récit un goût d’inachevé. On brûle de connaître la fin de l’histoire, en particulier au viêt-Nam où l’avenir semble ouvert.

Source

Livre

SOW, Ismaila, santé et innovation :l'assistance que le Sud apporte au Sud via le Nord, Charles Léopold mayer in. Document de travail, 1997/07 (France), n° 86

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