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dialogues, propositions, histoires pour une citoyenneté mondiale

Gens du Nord, payez le juste prix : que les pollueurs soient les payeurs !

Gildas LE BIHAN

11 / 2000

Le Fonds pour l’environnement mondial (FEM)a été officiellement établi en 1991 et compte actuellement 165 pays membres. Il aurait dû être un fonds de compensation. C’est un "fond(s)de culpabilité" créé par les pays du Nord pour faire oublier les dégâts qu’ils ont déjà provoqués dans l’atmosphère.

Le problème

Au cours des années 1980, les pays du Sud commencèrent à réclamer aux pays du Nord un dédommagement, car tout le monde subissait les conséquences des modes de vie des pays développés sur l’environnement : trou d’ozone, changements climatiques, perte de la diversité biologique. Ils leur réclamaient également des compensations pour une autre raison. Ce qui reste des richesses naturelles de la planète se trouve, pour une large part, dans les pays du Sud, qui doivent assurer leur préservation même si cela peut freiner le rythme de leur développement national. Les Nations unies et les institutions de Bretton Woods (Banque mondiale, Fonds monétaire international)n’ont pas répondu à cette demande : elles ont fourni des aides au lieu d’un dédommagement. Et en exportant vers les pays pauvres tous les ingrédients d’un développement manifestement non durable, elles ont créé ou exacerbé la crise au lieu d’apporter des remèdes.

Le FEM

C’est la Banque mondiale qui a conçu les structures institutionnelles du Fonds pour l’environnement mondial. Les Etats-Unis firent en sorte que l’expérience soit d’abord limitée à trois ans. Avec leurs alliés australiens et canadiens, les Américains répétaient que ce type de financements "émettrait de mauvais signaux", autrement dit donnerait le mauvais exemple. C’est seulement en 1994 que le FEM est devenu une structure permanente. Le FEM fait appel à trois "agences d’exécution" : la Banque mondiale, le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE), le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD).

Bien que les pays en développement s’en méfient, c’est la Banque mondiale qui est l’acteur le plus solide de ce trio. Le FEM a reçu pour mission de s’occuper de problèmes environnementaux "globaux", c’est-à-dire planétaires : réchauffement climatique, préservation de la biodiversité, amenuisement de la couche d’ozone, ressources mondiales en eau. Lors du Sommet de la Terre à Rio, il a lancé le processus d’élaboration de la Convention sur la diversité biologique et de la Convention-cadre sur les changements climatiques.

Penser mondialement, agir mondialement

Les pays en développement ne furent guère impliqués dans la phase de mise en forme du FEM. Ils ne purent défendre et imposer les principes de responsabilité et de pollueur=payeur. On instituait le FEM en admettant vaguement que les écosystèmes mondiaux souffrent aussi du fait que certains pays manquent des ressources nécessaires pour appliquer des remèdes. Il ne s’agit nullement de dédommager les pays du Sud pour les dégâts causés dans l’environnement par les pays industrialisés. Le FEM distribue des aides, il ne verse pas des dommages et intérêts La mission du FEM est très cadrée car les pays donateurs, en particulier les Etats-Unis, ont imposé leurs exigences : faites ceci, ne faites pas cela. Il finance seulement le surcoût qui permet de passer d’un "avantage national" à un "avantage mondial". Prenons un exemple. Si l’Inde veut construire une centrale électrique, le FEM ne se sentira pas concerné par les coûts de construction proprement dits, car la centrale est construite uniquement au profit de l’Inde. Par contre, il pourra apporter des financements afin que l’Inde adopte pour ce projet des technologies plus propres permettant de réduire les émissions de dioxyde de carbone dans l’atmosphère, ce qui constitue un "avantage mondial". Les pays bénéficiaires ne sont pas très satisfaits, car ils trouvent que le calcul du surcoût donne lieu à tout un processus long, compliqué et bureaucratique. Afin de réduire un peu l’écart entre ce qui est "local" et ce qui est "mondial", pour donner aussi un peu de satisfaction à ceux qui se plaignent de la longueur des procédures, de l’absence des communautés locales et des Ong dans ces programmes, il a été prévu de nouveaux financements pour des petits projets (coût maximum : 50 000 dollars)et des projets de moyenne importance (coût maximum : 1 million de dollars).

Les enjeux

Pour ce qui est des processus de prise de décision, le FEM restructuré n’a pas corrigé le déséquilibre du rapport de force entre pays industrialisés et pays en développement. Il n’a pas non plus assuré une participation effective des populations locales à ses projets. Le FEM reste une institution qui voit le développement durable avec des yeux de riches essentiellement, pas assez avec le regard des pauvres. Au cours des décennies qui viendront, il est indispensable que son action s’inspire de quelques principes fondamentaux : les pays du Nord doivent payer le juste prix pour ce qu’ils prélèvent dans le patrimoine collectif de la planète, l’atmosphère et les océans notamment, il faudra internaliser les coûts écologiques des échanges commerciaux internationaux.

La solution se trouve peut-être dans l’intérêt croissant qui s’exprime pour des systèmes de financement automatique des programmes d’action : taxes, frais, droits appliqués à l’échelle mondiale, par exemple.

"Nous allons accepter le FEM. Mais que les choses soient plus transparentes ! Et que nous ne soyons pas accusés de chercher, ce disant, à pressurer les pays du Nord ! affirme le délégué de la Malaisie au Sommet de la Terre à Rio

Mots-clés

financement, gestion des ressources naturelles, déséquilibre Nord Sud


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Commentaire

Le FEM est un enfant du Rapport Brundtland sur le développement durable publié en 1987. En 1989, lors d’une réunion de la commission du développement de la Banque mondiale, Pierre Bérégovoy, ministre français des Finances, demande aux pays industrialisés de faire face à leurs responsabilités pour réduire les émissions de gaz à effet de serre et les déchets polluants. La France offre de contribuer 900 millions de dollars sur trois ans afin de lancer le Fonds. Puis les choses se sont accélérées car le Sommet de la Terre approchait. Par la suite, sous l’égide de la Banque mondiale, le FEM n’est pas devenu un organe permettant d’appliquer le principe pollueur=payeur mais un simple mécanisme d’aide et de transfert de technologie où dominent la bureaucratie internationale et les pays donateurs. Pour l’heure les programmes de petits et moyens projets, assez difficilement accessibles aux Ong locales du Sud, n’ont pas encore donné toute leur mesure. Tel qu’il est, cependant, le FEM reste l’un des rares résultats concrets de la Conférence de Rio.

Notes

Le texte original est paru en anglais dans le bimensuel Down To Earth, publié par le Centre for Science and Environment, Tughlakabad Institutional area 41, New Delhi-110062, India - cse@cseindia.org - www.cseindia.org

G. Le Bihan traduit les articles de Down to Earth pour la revue Notre terre, vers un développement durable. Il a repris cet article sous forme de fiche DPH.

Source

Articles et dossiers

"Le pollueur dit que..." in. Notre Terre, vers un développement durable , 2000/07 (France), 4

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