español   français   english   português

dph participe à la coredem
www.coredem.info

rechercher
...
dialogues, propositions, histoires pour une citoyenneté mondiale

Prendre du recul par rapport à ses connaissances professionnelles

L’expérience du Pratec, Proyecto Andino de Tecnologias Campesinas

Jorge ISHIZAWA, François GRESLOU

06 / 1999

Créé au Pérou en 1987, le PRATEC, Projet Andin de Technologies Paysannes, est une ONG dont le but est de traduire le savoir paysan andin en fiches technologiques. Les praticiens du PRATEC sont originaires du monde andin et participent à des projets de développement rural. Ils ont reçu une formation agronomique en universités, qui même situées au coeur des Andes, dispensent la pensée scientifique et technique du monde occidental. Fiers de leurs savoirs "modernes", ils ont du mal à voir l’intérêt des pratiques paysannes locales. La discipline imposée par la rédaction de ces fiches est une invitation à observer et à écouter le paysan et à redécouvrir la valeur de sa propre culture.

Partir de l’expérience pour la confronter aux connaissances scientifiques

Les fiches se composent de cinq pages ou plus, écrites et décorées d’illustrations des pratiques paysannes reflétant le mode de vie local. Ces fiches n’ont pas d’autres prétentions que de former à un savoir particulier dans un temps et un espace donnés. Ce savoir est analysé par les praticiens du PRATEC à la lumière des connaissances scientifiques car c’est une préoccupation majeure que de trouver la rationalité scientifique du savoir paysan. Ces fiches ne peuvent ni ne doivent être diffusées avant d’être validées par les instruments d’analyse objective et impartiale de la science. Le défi à relever pour ces praticiens est une remise en cause permanente de leurs propres connaissances et le constat que la science peut mettre en valeur le meilleur de la tradition andine.

Un point de vue difficile à faire partager

En 1987, une rencontre internationale réunissant des participants du Pérou, de la Bolivie, du Chili, de l’Equateur et de la Colombie s’est tenue à Cajamarca sous les auspices du programme pilote d’Ecosystèmes Andins.

La position du Pratec, au cours de ce colloque, peut se résumer à la formule suivante : l’examen de la culture de la pomme de terre ne peut être séparé de celle du cultivateur. Ce qui signifie que la cosmovision andine a des particularismes en contraste avec la cosmologie occidentale produite à partir de la révolution scientifique. La prise en compte de la cosmovision andine dans la mise en oeuvre des projets de développement en tant que pivot du bien être andin était une remise en question de la pratique et de la théorie de la quasi totalité des agences de coopération au développement au Pérou.

La position du Pratec au cours de ce colloque confrontant la science et la technique moderne avec le bien-être de la majorité de la population andine a été très vivement critiquée. Certains l’ont considérée comme dépassée, antirationnelle ou romantique dans le meilleur des cas. D’autres ont essayé de dévaloriser cette position en l’estimant une variante du terrorisme. Il ne faut pas oublier qu’à cette époque, le Pérou vivait une période de violence et deux projets de changement social coexistaient : celui du néolibéralise et celui du Sentier lumineux, ces deux projets n’ayant rien à voir avec la tradition andine. La position du PRATEC, à l’époque s’est concrétisée par une mise à l’écart de cette association.

Résultats actuels

Depuis, le Pratec a continué sa ligne de conduite. Actuellement, on peut faire les constats suivants :  - Plus de 1 500 fiches ont été produites, éditées en 500 exemplaires chacune et diffusées auprès des paysans et des techniciens avec un éventail de thèmes très large : des recettes pour soigner la douve du foie, des techniques pour construire des terrasses, des rites à la pachamama, etc. Il faut préciser que ces fiches mentionnent comme auteur le nom du paysan qui a montré et expliqué sa pratique, même si le nom du technicien apparaît au verso de la couverture.

- Certains projets de développement ont modifié leurs orientations pour intégrer cette dimension de la valorisation et de la prise en compte des savoirs paysans : l’élaboration de fiches de technologie paysanne par les techniciens devient une activité normale qui a sa place dans la programmation du projet.

- De plus en plus de techniciens font le choix de laisser leur emploi dans un projet "classique" pour retourner dans leur région andine d’origine afin de se mettre au service des communautés paysannes. Grâce à eux, il existe actuellement une dizaine d’équipes qui, d’une certaine manière, inventent une nouvelle forme de "projet" de développement, plus en terme d’accompagnement d’un processus. Cette modalité d’intervention ou plutôt de réinsertion des techniciens, contribue à renforcer le noyau dur de la culture andine et à l’aider à s’enrichir (à se "désenrouler"), en fonction de l’évolution et des apports possibles du monde extérieur qui, même aux fins fonds des Andes, est fortement teinté de culture occidentale.

- Pour permettre à ces équipes d’échanger leurs expériences et d’approfondir leur connaisssance et leur compréhension de la culture, le Pratec organise chaque année, depuis huit ans, un cycle d’auto-formation qui est d’ailleurs ouvert à d’autres techniciens intéressés par la démarche.

- Jusqu’à maintenant, quatre facultés d’agronomie, cénacles de la science occidentale moderne même si elles sont situées en zone andine, ont accepté d’ouvrir plus ou moins largement la porte à l’enseignement de l’agriculture et de la culture andine ; l’une d’entre elles a même créé un troisième cycle sur ce thème.

A l’heure actuelle, le monde andin est mieux armé pour adopter ou rejeter ce que d’autres cultures pourraient lui offrir. Par contre, il faudra encore du temps pour que le monde occidental accepte de recevoir les apports de la culture andine, sauf s’il s’agit de bonnes affaires, comme par exemple les ressources phyto-génétiques ou les plantes médicinales.

Mots-clés

agriculture paysanne, valorisation de la culture d’origine, valorisation des savoirs traditionnels, tradition et modernité, amélioration des techniques traditionnelles


, Pérou

dossier

Se former à l’interculturel

Notes

Contact : ISHIZAWA, Jorge. PRATEC. av. aureliogarcia y garcia, 15063-C, Horacio Ortaga 18018, Lima 11, Pérou - jishizawa@ddm.com.pe - GRESLOU, François, 4 avenue de l’Esplanade, 3480 Clapiers, France - Tél : 33/(0)4 67 58 93 14

Source

Texte original

PRATEC (Proyecto Andino de Tecnologias Campesinas) - Martin Perez 866, Lima 17, PERU - Tel (FAX): 2612825 - Pérou - www.pratec.org.pe/ - pratec (@) pratec.org.pe

mentions légales