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Capitalisations séparées pour une expérience interdisciplinaire

Pierre DE ZUTTER

12 / 1993

Le travail en équipe interdisciplinaire est un mieux vers lequel nous essayons de tendre. Quoi de plus naturel que de réclamer une dynamique interdisciplinaire pour capitaliser des expériences de travail avec les paysans, donc avec une réalité vaste et complexe ? Pourtant il nous a parfois fallu séparer pour mieux produire !

Pour la première capitalisation du Priv de Cochabamba - Bolivie en 1991, la dynamique d’équipe entre les cinq auteurs fonctionna à merveille… parce qu’elle existait déjà; elle s’était forgée au cours des années; le petit groupe avait sa pratique des échanges, des débats, des partages. C’est ce qui permit d’assumer ensemble tout en redistribuant la tâche. Chacun avait ses responsabilités et ses écritures à faire (« nous avons préféré garder la richesse de nos sensibilités différentes au lieu de nous appauvrir dans une formulation unanime ») au sein d’un défi et d’une orientation partagées.

Pour la deuxième capitalisation du Priv en 1993, c’est au contraire le choix d’une dynamique de non-équipe qui facilita enfin le démarrage. Car les antécédents de travail interdisciplinaire sur le terrain avaient alimenté bien des susceptibilités et des rancoeurs qu’il était difficile de gérer. Ce ne fut pas trop grave dans la mesure où une équipe extérieure veillait à la cohérence et, surtout, où il y avait la matière commune d’une longue expérience vécue ensemble: ce sont les réponses paysannes aux actions des techniciens qui ont fourni le ciment pour faire l’amalgame entre tant d’interprétations isolées.

Par contre, dans la capitalisation du Ppea à Cochabamba - Pérou en 1989, les quatre auteurs avaient plusieurs expériences préalables de travail en équipe. Cependant il fut presque impossible de la reproduire à cette occasion. Pourquoi ? Par manque de disponibilité pour faire ensemble, au même moment et au même endroit. Car c’est là une des caractéristiques de la capitalisation d’expérience interdisciplinaire : bien des pistes surgissent au fur et à mesure, lorsque les regards commencent à dépasser les cloisons et les évidences, et c’est alors que le débat d’équipe devient indispensable.

Il y a donc des conditions nécessaires pour une capitalisation en équipe. Quelles sont-elles ? Les exemples précédents tendraient à montrer l’importance d’une dynamique préalable entre les auteurs, ainsi que le besoin de bases matérielles pour un fonctionnement adéquat. Pourtant…

Pourtant nos expériences au Paraguay en 1992 et 1993 avec le Pput tendraient à prouver qu’il n’y a pas lieu de tomber là non plus dans le schématisme. C’est tout au long du processus d’élaboration des 17 publications du projet que s’est forgée la dynamique d’équipe(s). Celle-ci n’existait pas auparavant, bien au contraire. En fait elle a pu naître grâce à un noyau minimum, celui que nous formions à deux avec Alois Kohler : des années de collaboration avaient établi la confiance et la conscience de nos complémentarités. C’est ce qui permit le démarrage et les premiers résultats réussirent à mobiliser de plus en plus de collègues et à forger une ambiance dans laquelle travaillèrent ensuite différentes petites équipes.

Et puis, dans l’expérience du Paraguay, nous avons eu des moments privilégiés de travail intense et exaltant en équipe, mais également bien des collaborations à distance : grâce à la confiance et au rôle mobilisateur de cette collection qui drainait les enthousiasmes, il suffisait souvent de brèves réunions à des moments-clés pour que chacun puisse faire ensuite ses meilleurs apports à un ouvrage commun.

Alors, capitalisations séparées pour une expérience interdisciplinaire ? En 1990, j’étais encore convaincu que seule une bonne dynamique d’équipe pourrait garantir des résultats utiles. Aujourd’hui je crois qu’il n’est pas toujours nécessaire que « l’équipe » soit au centre de la capitalisation, que l’on peut séparer pour capitaliser… si l’on peut assurer la cohérence d’une manière ou d’une autre, soit autour du défi de recomposition du savoir, soit par un cadre institutionnel, soit…

Mots-clés

décloisonnement des disciplines, méthodologie, capitalisation de l’expérience


, Amérique Latine, Bolivie, Paraguay, Pérou, Cajamarca, Cochabamba

dossier

Des histoires, des savoirs et des hommes : l’expérience est un capital, réflexion sur la capitalisation d’expérience

Commentaire

L’interdisciplinaire a ses richesses. Depuis des années nous multiplions les tentatives de capitalisation d’expérience en interdisciplinaire et le défi est immense et passionnant. Le danger existe cependant d’en oublier l’importance d’une révision intradisciplinaire de l’expérience: entre gens du même métier il y a beaucoup à apprendre quand on réfléchit ensemble aux vécus et à leurs apprentissages.

Notes

Le PRIV:Proyecto de Riego Inter-Valles est réalisé à Cochabamba-Bolivie, avec la Coopération Allemande. Le PPEA:Proyecto Piloto de Ecosistemas Andinos est réalisé à Cajamarca-Pérou, avec le PNUE:Programme des Nations Unies pour l’Environnement. Le PPUT:Proyecto Planificación del Uso de la Tierra est réalisé au Paraguay, avec la GTZallemande.

Fiche traduite en espagnol : « ¿Capitalizaciones separadas para una experiencia interdisciplinaria? »

Ce dossier est également disponible sur le site de Pierre de Zutter : p-zutter.net

Version en espagnol du dossier : Historias, saberes y gentes - de la experiencia al conocimiento

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