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Crédits et apports propres dans les groupements féminins (Sénégal)

La façon de faire d’une ONG d’appui aux femmes, le Groupement d’Aide aux Initiatives Féminines (GRAIF, Thiés)

Joséphine NDIONE, Benoît LECOMTE

04 / 1998

Madame Joséphine NDIONE, secrétaire générale du GRAIF, explique ceci :

1/ Souplesse et efficacité des crédits gérés par les groupements :

"La plupart des actions sont au niveau des groupements; par exemple le crédit est organisé par groupement. On n’a pas encore un système de zone pour gérer le crédit mais on peut réfléchir là-dessus. Au début, pendant les 3 premières années, on avait un fonds d’appui aux groupements. On prêtait à ceux-ci et c’était remboursé : 1/3 revenait au GRAIF (Groupe de Recherche et d’Appui aux Initiatives Féminines) et les 2/3 restaient au niveau du groupement pour renforcer la caisse et permettre d’autofinancer d’autres actions. Depuis l’année dernière, on a un autre fonds qui est appelé : "fonds d’épargne et de crédit" un peu différent du fonds d’appui : les groupements apportent toujours le tiers et le groupement rembourse à 100% mais garde les intérêts pour lui. Peut-être individuellement, ce un tiers est difficile à mobiliser, mais nous avons le système de la caisse du groupement qui permet à tout un chacun d’accéder au crédit. C’est la caisse du groupement, constituée par des cotisations mensuelles, par des prestations de services, des rémunérations qui donne l’apport propre qui permettra ensuite à chaque femme d’accéder au crédit. Le crédit est annuel, alors le remboursement est également annuel. Donc les femmes remboursent 100% le crédit avec un taux d’intérêt de 10 à 15%, mais l’intérêt revient au groupement et renforce leur caisse. Les décisions sur les taux de crédit, etc. sont prises au niveau des groupements. Par exemple, le crédit est annuel mais certains groupements disent : "Le GRAIF apporte le crédit sur 1 an, mais nous on va le faire sur 6 mois" parce qu’il y a tellement de femmes qui attendent. Elles divisent en 2 groupes. Une partie prend pour 6 mois et rembourse et l’autre partie reprend cette somme remboursée pour les 6 autres mois. Après elles vont rembourser au GRAIF. Les décisions d’organisation (six mois ou un an), les modalités de remboursement et les taux d’intérêt sont décidés par les groupements. Chaque groupement s’organise comme il veut. Certains disent : "Nous, on rembourse après 2 mois, ou on rembourse mensuellement", d’autres disent : "On travaille jusqu’à la fin de l’année et on rembourse". L’année dernière, le remboursement au GRAIF a été de 100%. Avec ce remboursement, le GRAIF peut financer d’autres groupements ou bien d’autres membres des groupements qui n’avaient pas accédé au premier financement."

2/ Un crédit individuel garanti par le groupement :

"Le crédit finalement est individuel, mais la part d’apport propre de l’emprunteuse est fourni par le groupement. Ceci évite des problèmes puisqu’il y a des femmes vraiment pauvres qui ne pourraient pas verser leur apport et accéder au crédit. Pour lutter contre cette difficulté, on demande au groupement d’apporter globalement un tiers. Ce tiers est le fruit du travail de l’ensemble des femmes du groupement et des cotisations mensuelles. Cela permet au groupement d’avoir le crédit du GRAIF. Après, la somme est répartie (soit à parts égales ou selon les moyens ou les capacités de gérer et de travail) entre les membres qui veulent un crédit.

Jusqu’à présent c’est positif. Le groupement fait signer un contrat par chaque emprunteur. Ainsi, le groupement contrôle les actions réalisées au sein du village par les femmes. Un comité de contrôle surveille par exemple si la femme qui prend un crédit dit qu’elle veut entreprendre une action de petit commerce (poisson ou vente de paniers), le comité de crédit veille à ce que l’action qu’elle avait dit au départ soit entreprise. Et si ce n’est pas fait, le comité peut lui dire : "Tu avais contracté un crédit pour telle action et jusqu’à présent, on ne te voit pas agir dans cette action, c’est le moment de commencer. Ca fait 2 mois que tu ne travailles plus, qu’est-ce qui se passe ? Est-ce que tu es tombée en faillite, ou bien est-ce que l’argent est passé "dans la marmite (familiale)" ?"

3/ Des aléas climatiques qui font passer le crédit "dans la marmite" :

"Cette année 97/98, c’est tellement difficile qu’on pense que peut-être la plus grosse partie du crédit va passer naturellement "dans la marmite" parce qu’il n’y a pas eu de récoltes, pas de mil, pas de haricots, pas d’arachide. Joindre les deux bouts, se nourrir, payer la santé, la scolarisation et tout le reste va être difficile mais, avec Dieu, peut-être elles pourront rembourser, et même emprunter à nouveau. Car si tu ne fais pas d’emprunts, comment faire pour mettre quelque chose dans la marmite ? Au sein des groupements, des femmes ont dit : "Vraiment cette année c’est difficile de vendre, c’est difficile de réussir, alors c’est difficile pour nous de prendre un crédit, de le rembourser, aussi on ne prend pas de crédits". Mais d’autres ont dit : "Je sais que c’est difficile, que la situation est catastrophique, mais je suis obligée de prendre le crédit parce qu’il faut que je puisse vendre et pour vendre quelque chose, il faut de l’argent pour acheter. Avec le bénéfice de la vente, je pourrai assurer au moins la dépense quotidienne".

Mots-clés

organisation de femmes, développement local, crédit, ONG du Sud, financement, structure d’appui


, Sénégal, Thies

Commentaire

Une description précise de la méthode mise au point par cette ONG sénégalaise pour que l’aide aux activités féminines soit apportée sous forme de crédit. Un crédit accessible non seulement aux emprunteuses qui disposent d’un capital, mais à celles qui n’ont pas d’épargne. Une combinaison judicieuse entre ce qui est collectif et ce qui est individuel.

Notes

Voir les fiches DPH concernant Madame Joséphine Ndione, n° : 5.228; 5.229; 5.230; 5.236

Entretien avec Madame Joséphine NDIONE, réalisé en décembre 1997.

Source

Entretien

LECOMTE, Benoît

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