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Quand les gens s’organisent....

Ne tuons pas la poule aux oeufs d’or : initiatives communautaires dans la région du Magdalena Medio en Colombie

Delphine ASTIER

10 / 2001

Quand l’Etat fait défaut, les gens s’organisent... or dans le Magdalena Medio, une région tropicale et riche en matières premières de Colombie, l’Etat n’est qu’une ombre ; la violence règne et la population est livrée aux exactions des paramilitaires et de la guérilla.

Comment se fait-il que dans une région aussi riche, il y ait tant de pauvreté ? et comment se fait-il que dans une région qui aime tant la vie, il y ait tant d’assassinats ? Voilà les deux questions qui viennent à l’esprit en arrivant dans le Magdalena Medio.

C’est pour répondre à ces deux questions qu’a été lancé un diagnostic participatif du territoire en 1995, financé en partie par Ecopetrol, l’entreprise colombienne du pétrole fortement implantée dans la région. Suite à ce diagnostic, la population a tenu à prendre en charge l’exécution des projets de développement définis à partir de ce diagnostic : c’est ce qui a donné naissance au Programme de Développement et Paix du Magdalena Medio.

Du point de vue économique, le problème de cette région est qu’elle ne tire aucun bénéfice de la richesse naturelle que constitue le pétrole : c’est typiquement une économie de rente. Sur les 2 000 millions de dollars que rapporte le pétrole chaque année, seuls 90 millions "restent" dans la région, que ce soit sous forme d’investissement, d’impôts, de salaires... Il en est de même pour l’élevage intensif : la plupart des bénéfices se "volatilisent". De son côté, l’économie de guerre prospère et absorbe 15 millions de dollars par mois !

De plus, l’absence de projet politique pour la région et le manque de vision à long terme conduit à la destruction massive des ressources naturelles, comme les forêts par exemple.

Selon Francisco De Roux, directeur du programme, "le développement ne peut se faire ni par l’offre ni par la demande" ; c’est à dire qu’on ne peut attendre une offre de la part du gouvernement ; on ne peut pas non plus clamer l’intervention de l’Etat. Non, le développement doit se faire par "proposition". Les gens doivent se poser la question suivante : qu’est-ce que nous nous proposons à nous-mêmes ?

De nombreuses organisations communautaires ont donc vu le jour. La question du développement durable est au coeur de ces initiatives qui répondent à l’injonction suivante : "ne tuons pas la poule aux oeufs d’or".

Des organisations de pêcheurs ont réussi, après maintes tentatives et de nombreuses années de travail, à décider et respecter de manière collective une période de veille de 5 jours dans l’activité de la pêche. Durant cette période, qui se situe au mois d’avril, il est interdit de pêcher, pour permettre aux poissons de se reproduire. Juan Tercero, un leader des pêcheurs d’une localité, remarque justement que "mettre en danger l’équilibre écologique, c’est aussi détruire notre source de revenus et à long terme, nos propres moyens de subsistance et ceux de nos enfants". Cette année, la période de veille a été respectée et elle a été l’occasion de faire des travaux communautaires, comme le nettoyage de la "cienaga", sorte de marais. Les pêcheurs sont organisés au sein de la communauté, mais également au niveau du municipio (la municipalité ) et toutes les organisations sont fédérées au niveau de la région ; c’est grâce à une telle coordination, qui part "du bas", que des décisions ont pu être prises et respectées à l’échelle régionale.

La filière bois est également consciente de la nécessité de réguler l’utilisation des ressources naturelles. C’est pourquoi la CEPIM - Centro Productivo Industrial Madero del Magdalena Medio -, cherche à acquérir une ferme pour pratiquer la reforestation, parallèlement à leur activité de menuiserie. Ce groupe de menuisiers vient d’ouvrir un atelier de formation pour permettre aux jeunes d’acquérir une formation professionnelle et leur garantir un avenir professionnel.

En cherchant à garantir un avenir meilleur à leurs enfants, le groupement de femmes de Barrancabermeja poursuit un but similaire aux autres organisations. Pour les femmes, l’équilibre présent et futur de la société est conditionné par les conditions de vie actuelles de leurs enfants.

Tout a commencé par l’idée de se regrouper pour aller au marché afin d’obtenir des prix plus intéressants en faisant des achats groupés pour le quartier ; d’où le nom du groupe : "merquemos juntos". Au départ, le surplus de nourriture achetée au marché était racheté par une des femmes et cet argent a permis d’alimenter peu à peu une caisse commune. Le fonds commun a grossi grâce à d’autres activités, permettant aux femmes de créer un fonds d’épargne et de crédit pour les jeunes. Ces prêts étaient destinés à payer à des jeunes leur inscription à l’université. Mais le développement social n’est pas le seul but de ce groupement de femmes : leur but est aussi de donner une autre image de leur quartier au reste de la ville pour qui Barranca Este est le quartier de la violence, de la pauvreté et de la crise.

Le développement intégré de cette région repose également sur l’organisation au niveau de chaque municipalité de "nucleos de pobladores". Ces noyaux sont un lieu de coordination des différentes activités et de participation informelle à la vie de la collectivité. Ils ont aussi une fonction de veille par rapport aux lois votées et sont une force de proposition lors de l’élaboration des directives sur l’aménagement du territoire.

Mots-clés

développement communautaire, développement régional, développement durable, paix et développement, conflit, organisation de pêcheurs, initiative citoyenne


, Colombie, Magdalena Medio Santandereano

Commentaire

difficulté extrême de promouvoir le développement participatif quand il est dangereux de penser et d’exprimer son opinion dans un contexte de guerre civile ; dans cette région la terreur fait régner la peur de s’exprimer.

Ce programme illustre ce que peut être le développement intégré d’une région, à différents échelons - du quartier à la communauté, à la municipalité, à la région - C’est un développement impulsé par le bas. L’idéologie ne préexiste pas à l’action ; c’est les différentes actions et leur coordination qui crée une cohérence à l’échelle de ce territoire.

En cela, le programme du Magdalena medio est une référence en Colombie et il sert d’exemple à beaucoup d’autres régions.

Notes

Fiche rédigée par Delphine Astier (5 rue Boisset, 38000 Grenoble - Tél : (33) (0)4 76 43 39 72 / 06 76 84 96 02 - delphine.astier@ifrance.com) dans le cadre de la préparation de l’atelier Etat et développement de l’Alliance pour un monde responsable, solidaire et pluriel. Pour plus d’informations, on peut consulter le site : www.alliance21.org/fr/themes/pol-dev.htm.

Coordonnées du Programa de Desarrollo y Paz del Magdalena Medio : Contact : Mauricio Catz García, Cra 33 n°6-94 piso 10, Bogota, Colombie - Tel: 2877987

Source

Texte original

FPH (Fondation Charles Léopold Mayer pour le Progrès de l’Homme) - 38 rue Saint-Sabin, 75011 Paris, FRANCE - Tél. 33 (0)1 43 14 75 75 - Fax 33 (0)1 43 14 75 99 - France - www.fph.ch - paris (@) fph.fr

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