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Une lutte de longue haleine pour sauver le plus grand fleuve de l’Inde, le Gange. Première partie

Comment développer une stratégie à long terme pour prévenir la destruction des ressources vitales ?

Ina RANSON

12 / 2001

Rakesh K Jaiswal, jeune botaniste et politologue, vit à Kanpur, une mégapole d’environ trois millions d’habitants, située sur les bords du Gange en Uttar Pradesh/Inde. Il s’est engagé avec ferveur pour sauver le grand fleuve, malade de pollutions dramatiques.

Entreprendre une stratégie de sensibilisation de l’opinion publique

Après la conférence de Rio de Janeiro, en 1992, Rakesh commence à lancer des initiatives de sensibilisation aux problèmes de l’environnement, initiatives tout à fait pionnières à Kanpur qui figure pourtant, sur la liste de l’OMS (Organisation Mondiale pour la Santé), parmi les villes les plus polluées du monde. La conférence internationale avait créé un contexte favorable en éveillant l’intérêt des médias. En septembre 1993, Rakesh fonde avec un petit groupe d’amis l’association des Eco-Friends (Amis de l’écologie). « Notre travail pédagogique a vite trouvé un écho très positif auprès des jeunes de 15 à 20 ans, raconte-t-il. Les collèges et d’autres institutions pédagogiques nous ont ouvert leurs portes. Très vite nous avons élargi nos méthodes pédagogiques, ne proposant pas seulement des conférences-débats, mais aussi des débats compétitifs, des séances de dessins et de création de slogans. Les élèves ont confectionné avec nous des articles et des journaux. Et nous avons organisé beaucoup d’excursions, par exemple pour visiter des stations d’assainissement. »

Bientôt, les Eco Friends étendent leur travail dans les établissements pédagogiques d’autres villes. Grâce à leur influence, des étudiants de l’université de Kanpur créent une pièce de théâtre qu’ils vont jouer dans les rues de ces villes, avec un succès croissant. En 1994, les Eco Friends ont gagné tant de sympathisants, qu’ils décident d’organiser la première grande manifestation publique : une marche pour le sauvetage du Gange. Y participent non seulement plus de 1 000 étudiants, mais aussi de nombreux membres de l’administration publique. Plusieurs orchestres se mettent en tête des marcheurs, entre autres, l’orchestre des policiers. Les Eco-Friends ont réussi à devenir populaires. Leur slogan, « penser vert - parler vert - agir vert !", est de plus en plus connu.

Mais ce succès ne constitue que la première phase de la stratégie. Maintenant les conditions sont réunies pour passer lentement à l’action. L’association se met à préparer la prochaine journée mondiale de l’environnement, la déclarant « journée sans pollution » Cette fois-ci, les Eco Friends réussissent à embaucher les jeunes filles qui fréquentent un collège bien en vue. Pour la première fois, ces filles ont l’autorisation de sortir de leur école pour contacter un grand nombre d’institutions publiques pour convaincre les responsables de se joindre au projet. C’est ainsi qu’entre autres, les facultés scientifiques et littéraires, les corps militaires et paramilitaires, les policiers se déclarent prêts à participer aux manifestations du 5 juin. La police donne l’ordre de renoncer autant que possible aux voitures. Cinq grands défilés partent de différents endroits de la ville, avec des chevaux et même des éléphants, accompagnés par des orchestres. Ils convergent sur une grande place où la foule est en fête. Pratiquement toute la ville est mobilisée !

L’action suivante sera un voyage de sensibilisation et de pèlerinage aux sources du Gange par un groupe d’Eco Friends. Ceux-ci distribuent, dans les villes et les villages situés le long du fleuve, des documents informant sur les problèmes de pollution. Ensuite, en 1995, les Eco Friends organisent un atelier de travail avec la section WWF (World Wide Fund for Nature) de l’Inde et prennent la décision de mettre désormais le sauvetage du Gange au centre de leurs préoccupations.

A l’occasion de la prochaine grande fête hindouiste, la « Maha Kumb Mela » à Allahabad, cinq Eco Friends s’efforcent d’entrer en contact avec les leaders religieux pour les convaincre de soutenir leur lutte. Il est temps de les impliquer, car ce sont eux qui ont le plus d’influence sur la grande majorité des gens. Aujourd’hui encore, de nombreuses pratiques hindouistes (par exemple l’abandon au fleuve de certains morts) contribuent à la pollution du fleuve et accroissent les risques pour les pèlerins qui viennent s’y purifier et en boire l’eau. Les Eco Friends sont écoutés. Aujourd’hui, beaucoup de leaders religieux vont prêcher aux foules de renoncer à tout ce qui peut polluer le fleuve.

Surveiller l’action des autorités publiques

Dans les années 80, les autorités centrales de l’Inde avaient lancé un Plan d’action pour dépolluer le Gange, débloquant d’importantes sommes d’argent destinées à financer des stations d’épuration dans les villes qui longent le fleuve. En 1997 les médias propagent une excellente nouvelle : selon le rapport officiel, 70 pour cent des objectifs visés du Plan d’action ont été atteints ! Les Eco Friends mènent leur propre enquête et constatent que la vérité est tout autre. Très peu de choses ont été faites. Les tanneries autour de Kanpur continuent de verser leurs eaux usées chargées de chrome et d’autres substances dangereuses directement dans le Gange ; les stations d’épuration existantes ne fonctionnent guère… Des négligences diverses et souvent la corruption ont empêché d’utiliser convenablement les moyens financiers. La désinformation sert ceux qui en ont profité. Les Eco Friends lancent alors une campagne de lettres adressées aux autorités et mobilisent les médias. En même temps, ils organisent des marches de protestation. Cinquante personnes entament une grève de la faim. Le gouvernement, obligé de réagir, promet un certain nombre de mesures correctives.

Mais bientôt, les Eco Friends constatent que celles-ci ne sont que cosmétiques. Le problème reste entier.

Mots-clés

épuisement des ressources hydriques, pollution de l’eau, éducation à l’environnement, santé et environnement, lutte contre la pollution, non violence


, Inde, Kanpur, Gange

Commentaire

La lutte des Eco Friends est exemplaire pour la mise en place d’une stratégie non violente contre la destruction des équilibres environnementaux.

Notes

En mai 2001, Rakesh K Jaiswal a été invité à San José en Californie pour recevoir, de la main du Dalaï Lama, la distinction de héros de la compassion (Unsung Hero of Compassion). Contact : Rakesh K Jaiswal, Eco-Friends, Kanpur 208001, India - rakjai@sancharnet.in

Cette fiche a été rédigée lors de l’Assemblée mondiale des citoyens organisée par l’Alliance pour un monde responsable, pluriel et solidaire, Lille, décembre 2001.

Entretien avec Rakesh K Jaiswal

Source

Entretien

Down to Earth, 30 nov 1998, p. 40-41. Revue du Centre pour les Sciences et l’Environnement (CSE) à Delhi

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