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Création du premier Comité public en matière d’habitat en Russie

Une initiative civile des comités de quartiers à Moscou pour participer à la prise de décision politique en matière d’habitat

Paola BARIL

11 / 2002

En Russie, au moment de la perestroïka, les premiers mouvements de contestation politique et sociale ont souvent pris la forme de mouvements écologiques. Plus tard, la contestation populaire face au pouvoir central a pris d’autres formes, dont celle des organisations d’habitants, à l’échelle d’un quartier (comité de quartier) ou d’un village. Dès 1991, et avec les grandes vagues de privatisations des logements jusque-là propriété de l’Etat, les organisations de ce type se sont multipliées. Elles étaient alors le résultat pour Elena Shomina de la combinaison de deux facteurs : d’une part la peur des habitants de se voir expulsés de leur appartement attribué à l’époque soviétique, et d’autre part le « dégel » dans la prise de parole publique de la population. Elena étudie à cette époque ce nouveau mouvement, dans le cadre d’un projet transnational financé par la Grande-Bretagne; il s’agissait en effet, dans le cadre urbain notamment, d’une nouvelle forme de participation publique.

En 1992, les autorités de la ville de Moscou organisent une grande réunion de toutes les associations d’habitants, qui ont des formes et des buts très variables : associations de locataires ou de propriétaires, personnes en attente de logement, etc. Il est alors décidé de tenir régulièrement ce genre de réunion, puisqu’elle est le lieu idéal pour rencontrer les instances de décision.

A partir de 1994, une députée en charge du logement à la Douma de la ville, commence à prendre en considération les organisations d’habitants moscovites, ce qui donnera naissance finalement en octobre 1994, au « Comité public de politique en matière d’habitat », rattaché à la ville de Moscou, premier comité de ce type en Russie.

Il rassemble une fois par semaine, pendant 2 heures, tous les leaders des organisations d’habitants moscovites, et ce jusqu’à présent. Elena Shomina y participe en tant qu’experte. La principale activité de ce Comité est la discussion en séance des projets de lois, qui donne lieu à des commentaires et des recommandations à destination des députés de la Douma. Le Comité informe également les habitants des nouvelles lois en préparation ou déjà promulguées. De même, ses membres observent le déroulement de certaines politiques, comme par exemple le fonctionnement d’un centre destiné à distribuer des allocations logement ou encore les mécanismes des hypothèques. La ville de Moscou met à la disposition du Comité une salle de réunion, et de cette manière aucun financement n’est nécessaire à son fonctionnement.

Ainsi, au-delà du rôle de « surveillance » des actions de l’Etat, c’est pour E. Shomina, une véritable « école de la participation démocratique ». Dans ce Comité, les leaders ont déjà dépassé les intérêts individuels qui les ont d’abord menés à s’investir dans les associations d’habitants, et travaillent sur des projets et des domaines plus larges, en matière d’habitat et de politique sociale. Deux échanges à l’échelle internationale ont été organisés avec des organisations d’habitants similaires, l’un avec la Suède, l’autre avec l’Allemagne, ce qui a permis aux membres de s’ouvrir à d’autres réalités nationales en matière d’habitat.

Pour l’instant, cette expérience « institutionnelle " est unique à l’échelle de la Russie, mais pour autant les organisations d’habitants ne sont pas absentes en région, puisqu’il existe notamment un réseau russe d’associations de propriétaires.

Malgré les résultats satisfaisants concernant la participation citoyenne à la décision politique, E. Shomina observe une tendance des membres du Comité à plus se préoccuper de leurs relations avec les décideurs politiques, qu’à faire le lien avec les habitants, membres de leurs associations. Il reste que ce Comité existe depuis huit ans maintenant, et qu’il exerce une action de lobbying certaine dans les instances politiques moscovites.

Mots-clés

association d’habitants, quartier urbain, politique de l’habitat, législation, démocratie participative


, Russie, Moscou

dossier

Citoyenneté et proximité

Commentaire

La mobilisation de la population russe dans des associations de type communautaire, comme les organisations d’habitants, vient alimenter l’analyse que l’on peut avoir sur l’émergence et l’existence d’une société civile en Russie, plus de dix ans après l’effondrement du système soviétique. Au départ construites autour d’intérêts privés, communautaires, les organisations d’habitants, telles que décrites par Elena Shomina, notamment à travers ce Comité moscovite, apparaissent désormais comme des lieux de participation citoyenne, croisant les domaines communautaire, social et politique. D’abord envisagées comme moyen de pallier les carences de l’action étatique, l’expérience de ce Comité semble dépasser ce cadre, et permettre une réelle participation citoyenne aux prises de décisions politiques.

Pourtant, se basant sur les réflexions de Elena Shomina concernant le manque de « retour » des leaders associatifs vers la base, il faut rester attentif à l’ancrage que ces mouvements civiques conservent avec la population. L’expérience reste en tout cas pionnière en la matière en Russie.

Notes

Cet entretien a été réalisé lors du Forum Social Européen, rassemblement anti-mondialiste qui s’est tenu à Florence, en Italie, du 6 au 10 novembre 2002. Ce forum avait réuni plusieurs délégations d’acteurs sociaux (associations, syndicats, partis et mouvements politiques) de différents pays d’Europe.

Entretien avec Entretien avec Elena SHOMINA.

Source

Entretien

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