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Financement du développement : la mécanique des fonds

Ambitions et pratiques des fonds de développement

Elisabeth PAQUOT

03 / 2002

Après des années de recul et d’expérimentation, il paraissait utile de faire le point sur les fonds de développement. Le Gret a donc lancé un programme de réflexion sur ce thème, dont ce texte constitue la synthèse.

L’analyse des fonds s’inscrit dans un ensemble de réflexions méthodologiques faisant suite à une prise de conscience de certains effets pervers des projets de développement. Celle-ci vise à modifier les règles du jeu et les relations entre acteurs, de façon à donner plus de responsabilités et de pouvoir effectif aux acteurs locaux dans la préparation et la décision des projets qui les concernent. Pour favoriser l’émergence de tels projets, il parait important de créer des fonds adéquats, qui permettent de financer de façon intelligente des actions de développement ou de conseil. Leur création poursuit trois objectifs principaux : répondre à la demande et assurer une meilleure efficience des financements ; clarifier les modalités de prise de décision ; donner un pouvoir de décision aux acteurs locaux et favoriser les apprentissages.

La méthodologie employée lors de l’analyse prend appui sur l’étude de cas (4) et la formulation d’une grille de questionnement visant à expliciter le dispositif en le restituant dans son contexte et par rapport aux objectifs du projet. Cette démarche a permis de mettre en évidence que l’établissement de fonds basé sur une intervention répondant uniquement à la demande aboutit en fait à une somme de réalisations, toutes pertinentes en elles-mêmes, mais sans cohérence ni priorités dans l’affectation des moyens.

Sans vouloir créer des formules applicables partout, ce document pointe quelques éléments clés permettant de réfléchir sur les choix de montage, porteurs d’enjeux non négligeables, pouvant produire une structure d’incitation et d’actions pour les porteurs de projets.

L’étude montre notamment que :

- La création de fonds s’inscrit avant tout dans un cadre institutionnel, avec un mode d’implication spécifique; et que la réponse aux demandes locales doit prendre en compte la cohérence territoriale.

- La recherche d’une telle cohérence et d’une allocation optimale des ressources passe par l’articulation de ces fonds avec la planification territoriale et les plans de développement villageois.

- Le dispositif doit associer les acteurs locaux. La solution de facilité consiste à créer un dispositif autonome, mobilisant éventuellement quelques acteurs locaux pour la prise de décision. Cependant, ce type de dispositif projet peut être porteur d’effets pervers (résistance, absence d’impact durable...), peut favoriser les acteurs dominants, ou encore permettre à l’intervenant de créer les instances qu’il veut, ou réorganiser le tissu institutionnel local en fonction de ses propres objectifs.

Pour être efficace, le mode d’implication (et de régulation) des différents acteurs et actions doit relever de choix politiques et stratégiques essentiels qui devraient être explicités et fondés sur une analyse politico-institutionnelle préalable. Il doit aussi favoriser la responsabilisation et l’apprentissage afin d’associer les acteurs locaux sans pour autant privilégier les acteurs dominants et les projets soutenus ou portés par eux.

- Une intervention pour être efficace doit passer par une dissociation, au moins en partie, des procédures de décision sur le financement et du dispositif d’appui à la maîtrise d’ouvrage locale; avec la construction d’un dispositif de garde-fous et de régulation qui veille à la qualité de l’appui à la maîtrise d’ouvrage et du diagnostic et sa capacité stratégique, aux critères et règles de financements, à la défense d’un intérêt général. La qualité des règles et des procédures forme un second niveau de garde-fous. Ce dispositif doit permettre d’assurer que les critères objectifs soient les critères principaux de développement. C’est là un des enjeux essentiels du dispositif d’appui à la maîtrise d’ouvrage. Sans une capacité à travailler avec l’ensemble des acteurs, seuls ceux qui sont à même de présenter des projets recevables peuvent avoir accès à des fonds de développement. Un tel dispositif s’avère nécessaire, car rares sont les cas où les acteurs sont d’emblée aptes à élaborer et proposer leurs projets. Aussi, une démarche efficace d’appui consiste à permettre aux porteurs de projets d’apprendre à élaborer leurs projets, à les aider à élaborer leur action, à envisager des conditions de viabilité et à les préparer à maîtriser la gestion et la maintenance des projets, en favorisant une meilleure maîtrise des relations avec les entrepreneurs, les autorités locales et les services techniques, incitant par ce fait à une transparence des coûts d’ouvrages. L’objectif de responsabilisation n’est vraiment atteint que lorsque les maîtres d’ouvrage locaux sont en mesure de présenter leur dossier. Il faut donc penser aux critères de validation et au rôle de l’instance de sélection. Au niveau des instances de décision, les apprentissages doivent porter sur l’expérience de mécanismes de concertation et de prise de décision plus rigoureux et transparents, dans un processus de démocratie participative à l’échelle locale.

- La viabilité et la maintenance des fonds nécessitent une part d’autofinancement. Cette méthode peut faire tomber certaines demandes opportunistes et favoriser une mobilisation et une forte implication des acteurs locaux. Cependant, mobiliser des ressources fiscales locales pose le problème de l’ambiguïté des cotisations. Néanmoins, même de façon limitée, ces ressources permettent d’accroître une certaine légitimité, et donc d’améliorer les recouvrements. La création d’un autorité financière partielle semble une option, surtout face aux bailleurs qui rechignent à s’engager pour des raisons évidentes dans la durée. Le concept de fonds régionaux refait aussi surface comme option, mais ils supposent une volonté de coordination et l’acceptation d’une certaine fongibilité des moyens; et ne satisfont pas complètement les soucis de visibilité, de transparence et de contrôle des bailleurs.

- Ce n’est pas l’outil " fonds " en lui-même qui est productif, mais la façon dont il est conçu et s’inscrit dans une stratégie de développement, en accordant une réelle attention stratégique et méthodologique aux dispositifs, règles et procédures de financement. D’où l’importance de maîtriser " la mécanique des fonds " pour assurer que les choix opérationnels soient réfléchis et cohérents avec le contexte d’intervention et avec la stratégie. Le financement n’est pas non plus une fin en soi, mais un moyen pour mettre en ouvre une stratégie de développement pérenne. Les stratégies institutionnelles et financières d’insertion reposent sur un dispositif de proximité, et la pérennité financière est assurée par les fonds de subvention et par l’équilibre des dépenses et recettes. Cependant, dans certains cas, la pérennité peut n’être ni envisageable, ni nécessaire.

- L’étude pose aussi des questions subsidiaires souvent non débattues comme celles du choix du pilotage à instaurer pour assurer une sélection pertinente des projets et une bonne gouvernance du dispositif.

Clarifier les objectifs stratégiques et politiques que l’on donne à l’intervention, en fonction du contexte politique et institutionnel dans lequel elle s’inscrit, réfléchir en fonction de cela au dispositif d’intervention, en travaillant sur les choix d’alliances et de partenariats, ainsi que sur les modalités de financement et d’appui à la maîtrise d’ouvrage, sont et demeurent des dimensions essentielles. Il faut, par ailleurs, veiller à une cohérence des objets et conditions de financement (et notamment à définir les porteurs de projets et les objets financés), pour que les règles de financement et de projets soient adaptées.

Mots-clés

financement du développement, projet de développement, montage de projet, méthodologie, concertation, démocratie participative, partenariat, milieu rural

Source

Document interne

LAVIGNE DELVILLE, Philippe ; GAUTHIER, Nathalie, Gret, Direction scientifique, Financement du développement : la mécanique des fonds, Gret , 2001/08 (France), Document de travail n°25 , 67

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