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Naissance, vie et mort d’une mini-action de compostage (Yatenga, Burkina Faso)

Christophe VADON, Baba OUEDRAOGO

07 / 1998

Baba Ouedraogo, responsable de l’ASSY (Association pour la survie dans le Sahel au Yatenga) explique sa première expérience de fondation d’un groupement :

"En 1988, j’ai eu l’occasion d’aller à une formation de compostage au sein de la fédération des groupements Naam. C’était avec le Ministère de l’Agriculture durant 2 semaines, nous étions 12 personnes. Après cette formation, j’ai trouvé cette technique de compostage très intéressante par rapport à ce que je faisais déjà à la ferme de Grand-Passage, mon oncle : "nous, on est formés, mais nous ne constituons pas une masse de gens suffisante pour vraiment réaliser cette initiative très bonne pour les cultures et pour la reconstitution du sol" et j’en ai parlé à Grand-Passage, à ce moment président actif de la FUGN. "Si tu as quelque chose à proposer, m’a t-il dit, propose et va voir Bernard Lédéa Ouedraogo (le fondateur des Naam)". Moi, je voulais que les personnes formées se réunissent en comité pour vulgariser cette technique. Il m’a introduit chez Bernard Lédéa Ouedraogo (B.L.O.) qui a trouvé impeccable cette idée et m’a dit : "moi je suis prêt à vous épauler".

J’ai convoqué les 12 formés, on a discuté une journée et nous avons créé le CCPR (Comité Compostage, Pépinière et Reboisement), car auparavant je m’occupais des pépinières et des reboisements. On a établi un règlement intérieur, on l’a proposé à B.L.O. et il a été d’accord pour ce comité. Il y avait déjà d’autres comités au sein des groupements Naam, par exemple pour la savonnerie, pour les grillages en gabions, pour le maraîchage, etc. On nous a donc pris en compte à la FUGN comme un des divers comités. On a bien fonctionné. On se déplaçait pour parler aux villageois, on avait fait 3 groupes de 3 personnes qui partaient dans chaque village passer une ou deux journées de formation. Je jouais le rôle d’intermédiaire entre la tête de la fédération (c’est à dire le Comité de Gestion de la FUGN) et le CCPR. Quand on allait dans un village, je contactais cette tête, de façon à ce qu’ils organisent les repas sur place pour que les villageois aient quelque chose à manger. Il faut 2 jours pour bien démontrer un compostage. La fédération finançait le déplacement en essence et ainsi nous avons sensibilisé les gens sur l’importance du compost. J’ai bousculé un peu les cadres de la FUGN pour que nous puissions vendre le compost que nous allions produire. Et il a été décidé ceci : "désormais, chaque cadre de la FUGN doit acheter du compost au CCPR pour son jardin domestique ou pour son maraîchage", car ces cadres-là n’utilisaient pas le compost avant cette initiative. Alors notre système a commencé à rouler, on produisait beaucoup et on vendait la brouette 1.000 CFA. Cela a bien marché. Et les gens ont commencé à pratiquer cette activité dans beaucoup de villages, j’ai donc pensé inutile de continuer le CCPR, à moins que l’on puisse y joindre d’autres activités. C’était environ 2 ans après le début.

Puis ont commencé les difficultés. Par exemple, j’avais ma pépinière (elle s’appelait "Burkina vert") et on a pensé que le comité lui-même pouvait produire des arbres et faire une pépinière au sein des groupements Naam. La première année, cela n’a pas bien marché car la saison était mauvaise et les gens ne s’intéressaient pas à planter, ce qui a découragé le CCPR. Ensuite, il y a eu un problème de jalousie, car certains membres du CCPR ont voulu supprimer complètement ma pépinière personnelle. Je vivais déjà de cette pépinière. Je cherchais des marchés pour moi et pour eux. Le plant se vendait alors à 50 CFA, or le coût de la production ne dépassait pas 20 CFA, mais moi j’étais prêt à acheter des plants au comité à 40 CFA et à les revendre 50 CFA sur le marché. Cela a créé des problèmes entre moi et certains membres parce que je ne voulais pas laisser tomber ma propre pépinière. Cette année-là, c’était une défaite, mais plutôt due à la pluviométrie. J’ai dit "attendez, patience". Mais les autres membres m’ont dit que c’était de ma faute et que je ne voulais pas écouler les plants de la pépinière collective.

On a demandé un crédit de 500.000 CFA (2 500 FF à l’époque) à la FUGN afin que chacun des membres présente l’un après l’autre une activité rentable, à rembourser avec intérêts au comité. Mais des gens n’ont pas bien remboursé et l’argent a été mal utilisé : un membre avait un baptême; on enlevait 1.000 CFA puis 1.000 CFA pour autre chose... Ensuite, les gens ne cotisaient pas correctement. Un jour j’ai dit que l’argent ne pouvait pas rouler comme cela, il fallait faire autrement. J’ai proposé d’acheter une charrette avec l’argent qui nous restait du crédit et de la louer aux gens qui en auraient besoin pour travailler. Mais c’était presque pareil parce que les gens louaient soi-disant la charrette et puis ne payaient pas les 100 CFA par jour qu’ils nous devaient. Il y avait des problèmes. Un des membres, une femme, a commencé à laisser tomber en disant qu’elle ne pouvait pas continuer à travailler pour rien, comme cela. Nous étions non rémunérés, nous agissions comme bénévoles. Parfois la FUGN remboursait nos frais de déplacement, mais pas souvent. Ensuite tout s’est défait."

Mots-clés

organisation paysanne, conflit, reforestation, projet de développement, formation permanente, échec


, Burkina Faso, Ouahigouya

Commentaire

La première création de notre interlocuteur a été celle d’un comité informel de formation au compostage. Ce comité a travaillé au sein de la Fédération des Unions de Groupements Naam dans les années 1988-92. On voit dans l’expérience décrite les prémices de bien des défauts qui deviendront classiques dans ces groupements durant les années 90.

Notes

Baba Ouedraogo est un innovateur. C’est pourquoi plusieurs fiches retraçant son parcours et décrivant ses activités lui sont consacrées.

Entretien réalisé par Christophe Vadon avec Baba Ouedraogo, mars 1998, à Ouahigouya.

Entretien avec OUEDRAOGO, Baba réalisé en mars 1998.

Source

Entretien

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