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L’atelier d’ananas séché d’une association ( Bénin)

Son montage, ses débouchés, ses partenaires dans les réseaux de commerce équitable

Appolinaire AHANZO, Christophe VADON

11 / 2001

M. Appolinaire AHANZO, professeur à Abomey et co-fondateur de l’association ATBD (Aide Technique Bénévole pour le Développement) au Bénin, explique ceci : " En 1995, lors de mon séjour à Genève, j’ai pris contact à quelques kilomètres de là, à Annemasse (France), avec un artisan cordonnier, M.Pierre Kakpo. C’est un Béninois, parti du Bénin il y a 27 ans, qui voulait aider son pays mais qui ne savait pas comment. Nous avons parlé de la situation économique du pays et je lui ai expliqué que la majeure partie de la population du pays vivait en difficulté, surtout les femmes.

Certaines vont au marché avec 100 CFA (1 FF), achètent de l’eau et des glaçons et vendent le gobelet d’eau 5 CFA. Cela leur permet de faire des recettes pour acheter des choses à manger à la famille. On voit aussi des femmes qui passent de maison en maison pour acheter les bouteilles de boissons vides à bas prix puis retournent au marché pour les revendre plus cher. D’autres s’installent au marché avec de l’argent en caisse pour accorder des crédits avec des taux d’intérêt élevés. Par exemple une femme qui leur prend 1 000 CFA doit rendre, à la fin du marché, 1 500 CFA.

M. Kapko gère avec son épouse une association : Aide Technique Bénévole (ATB)-France. Au Bénin, j’ai créé une association du nom de Aide Technique Bénévole au Développement (ATBD). Nous avons ajouté Développement parce qu’on s’est dit que l’aide que nous recevons d’Europe doit nous permettre de nous développer. Il faudrait que la communauté dans laquelle nous vivons sente qu’on reçoit de l’aide de quelque part.

Les relations entre ATD-France sont plus économiques que sociales. Ici nous voulions transformer des produits agricoles. Cela donnerait du travail à des femmes et des hommes. La 1ère idée pour nous a été de fabriquer du sirop. M. Kakpo a approuvé en parlant également du séchage des mangues. Je suis allé au Burkina rencontrer un prêtre de l’église catholique originaire de Dassa. Pendant une semaine nous avons discuté et vu la technologie appropriée au Centre Ecologique Albert Schweitzer (CEAS) dont le siège se trouve à Neuchâtel en Suisse. Après, j’ai effectué un rapport que j’ai envoyé. J’ai négocié avec la direction du CEAS à Ouagadougou et j’ai demandé la possibilité d’obtenir une bourse de formation pour 10 personnes. C’était en 1995. Avec mon rapport, M. Kapko a négocié avec le CEAS de Neuchâtel. 6 bourses ont été accordées pour : 2 femmes et 2 hommes pour la technique de séchage, un jeune menuisier et un jeune vendeur pour la technique de fabrication de séchage. Tous sont allés au Burkina. A leur retour, le vendeur a fabriqué le séchoir solaire. Nous sommes arrivés à acheter du terrain, nous avons construit un centre de séchage de fruits tropicaux ici près d’Abomey.

En moins de 24 h nous arrivons à sécher les fruits à haute teneur en eau. M. Kapko a trouvé plusieurs marchés pour nous dont le plus important est celui des magasins ’Solidaire’ en France. En Suisse nous avons l’association appelée Genève-Tiers-Monde qui a le magasin appelé ’Le Balafon’. Cette association a appuyé le projet du centre de séchage et constitue également un marché pour nous. Il y a aussi l’association Suisse Claro qui est devenue un gros client. Nos fruits séchés sont contrôlés par la DANAB (Direction Nationale et de Nutrition Appliquée au Bénin). Nous avons aussi à l’université du Bénin la faculté des sciences agronomiques qui envoie ses techniciens pour voir les travaux que nous menons.

Cinq ans après, nos résultats en 2000 sont les suivants. Le centre de séchage de fruits tropicaux dispose désormais de séchoirs à fuel, car nous n’arrivons pas à sécher l’ananas les jours de pluies. Il a embauché 2 personnes qui perçoivent des salaires. En même temps nos fournisseurs les producteurs d’ananas et de mangues ont trouvé avec ATBD un marché d’écoulement pour les fruits qui en saison de récoltes, pourrissent au Bénin. Ayant compris qu’on a un marché, les gens ont commencé par agrandir leur exploitation et aujourd’hui, cela nous pose des problèmes parce que jusqu’à preuve du contraire nous sommes le seul centre au Bénin à sécher les fruits et les légumes en grande quantité. La garantie de notre centre de séchage c’est que les produits sont exportés en France et en Suisse.

Il y a aussi la question des habitudes alimentaires, nous sommes en train d’introduire le produit sur le marché béninois mais jusque là, nous n’avons pas investi sur la publicité car nous craignons de ne pas pouvoir répondre aux commandes venues de l’Europe.

Plus les gens découvrent notre centre, plus ils viennent le voir. Actuellement à la radio et à la télé au Bénin, on démontre l’utilité de l’ananas pour la santé de l’être humain. A partir de là, notre centre a commencé par recevoir une centaine de personnes par jour. Nous sommes situés très proche d’une école ce qui fait que les élèves viennent acheter le coeur de l’ananas ou du jus ou de l’ananas séché. Les petits morceaux sont envoyés en Europe. Aujourd’hui, il y a des femmes qui viennent acheter en quantité et on leur baisse le coût pour qu’elles puissent revendre. Les producteurs ont agrandi leurs exploitations ce qui les oblige à recruter de la main d’oeuvre.

Une autre ONG appelée SEVILIBA à Bohicon à 10 km d’Abomey s’est rapprochée de nous. L’ananas commence par devenir une réalité dans le milieu. Donc l’ATDB est en train de prendre son sens. Nous avons un nom de notre langue nationale pour ATDB : c’est " yabedji ", qui signifie que la misère est difficile à supporter par tout être humain.

Une autre de nos actions est celle-ci : un jeune cordonnier du village de Pierre Kapko avait sollicité l’appui d’ATBD. Son dossier transmis à ATB France, nous l’avons envoyé à Niamey pour recevoir un stage de perfectionnement auprès d’un autre cordonnier que M. Kapko et son épouse avaient déjà reçu en France. A son retour il a augmenté l’effectif de ses apprentis et de ses ouvriers. Aujourd’hui il a ouvert un autre atelier à Cotonou et fait des expositions de vente à 2 endroits différents. Là, l’action est vraiment sociale, amicale et solidaire. "

Mots-clés

commerce équitable, entreprise, ONG du Sud, ONG du Nord, commercialisation, exportation


, Bénin, Suisse, Abomey, Genève

Commentaire

Comment un professeur béninois, désirant créer des emplois, développe depuis 1995 une activité d’entreprise au sein d’une petite ONG du sud épaulée par une petite ONG du nord. Des deux côtés, les associations sont composées de bénévoles. Mais celle du Bénin a créé une entreprise de séchage de fruits et légumes avec plusieurs salariés. Avec l’aide d’un centre technique Suisse et l’université du Bénin, cette petite entreprise exporte des ananas et des mangues séchées en France et en Suisse dans les réseaux de commerce alternatifs.

Notes

M. AHANZO est professeur de lettres, et depuis 1984, en poste de surveillant général chargé de l’ordre et de la discipline au lycée d’Abomey. Il est engagé dans le développement communautaire depuis 1981 et a lancé une coopération scolaire au sein de son lycée en 1989, et cette entreprise en 1995. Voir fiches GRAD extraites du même interview.

Entretien avec AHANZO, Appolinaire, à Abomey en 2002

Source

Entretien

VADON, Christophe ; GUERIN, Jérémie

GRAD (Groupe de Réalisations et d’Animations pour le Développement) - 228 rue du Manet, 74130 Bonneville, FRANCE - Tel 33(0)4 50 97 08 85 - Fax 33(0) 450 25 69 81 - France - www.grad-france.org - grad.fr (@) grad-france.org

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