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Une expérience de vente de produits antillais

Valérie BERTRAND

1993

Mme et Mr. MARTINON, d’origine antillaise, ont créé en février 1992 un petit commerce ambulant de vente de spécialités culinaires antillaises. Les ventes se font dans la rue ou par livraison.

Mr. Martinon a très vite intégré le domaine de la vente. Durant 17 ans, il a été gérant d’un magasin d’alimentation générale appartenant à la société CODEC. En 1988, CODEC ayant fait faillite, Mr. Martinon a obtenu un contrat à durée déterminée de 6 mois dans le bâtiment, où il avait un poste de chef de chantier. Etant donné la conjoncture économique de l’époque (guerre du Golfe), ce contrat n’a pu être renouvelé. Il a ensuite connu une période de chômage de un an, qu’il a très mal vécue, financièrement et psychologiquement. En effet, pendant 17 ans, il avait pris très peu de vacances et était très actif. Avec cette période de chômage, est né un sentiment d’inutilité qui est vite devenu insupportable. Parallèlement, sa femme, qui travaillait chez un traiteur, a été licenciée économiquement. Ces deux facteurs ont contribué à la naissance de ce projet de vente de spécialités antillaises.

Ils ont rapidement entrepris diverses démarches pour obtenir des aides financières. Après avoir lu un article dans le journal VIVA où était relatée l’activité de l’ADIE (Association pour le Droit à l’Initiative Economique), Mr. Martinon a contacté cette association. Il a été très vite reçu et a exposé son projet qui, visiblement, a convaincu ADIE puisque un dossier lui a été remis. Pour Mr. Martinon, avec ces organismes, l’essentiel est d’être convaincu de son projet, de montrer que l’on a foi en ce qu’on fait et que le travail n’effraie pas. Lors d’un 2ème rendez-vous, Mr. Martinon a remis son dossier, qui a pu rapidement passer en commission et être accepté. Environ trois semaines après, il touchait son prêt d’un montant de 30.000 FF. Le remboursement de ce prêt se fait mensuellement, dès la création de l’entreprise et à un taux de 10 %. Parallèlement, il a pris contact avec la DDTE (Direction Départementale du Travail et de l’Emploi)et sa femme, qui était en chômage depuis peu, a rempli un dossier de demande de l’ACCRE (Aide aux Chômeurs Créateurs et Repreneurs d’Entreprises). Contrairement au laps de temps habituellement requis pour obtenir cette aide (environ 6 mois après la date de création de l’entreprise), Mme Martinon a perçu 40.000 FF un mois seulement après avoir déposé son dossier.

Pour élaborer leur projet, Mme et Mr. Martinon ont conduit eux-mêmes leur étude de marché. En effet, grâce à la gérance de leur magasin CODEC, ils avaient acquis une solide expérience en matière de comptabilité et de gestion. Afin de mieux étudier la rentabilité de leur projet, ils ont commencé par placer leurs produits dans le magasin d’un ami, qui était situé pas très loin de la Maison des Antilles. Cette expérience, qui s’est avérée positive, a conforté leur désir d’installer un commerce ambulant dans ce même quartier où ils étaient déjà très connus. Dès qu’ils ont perçu l’aide de l’Etat, le couple a pu rembourser la moitié du prêt de l’ADIE. Ils n’ont pu obtenir aucune aide du CETELEM (Crédit à l’Equipement des Ménages)ou des banques. En tant que chômeurs, leurs indemnisations n’étaient pas considérées comme étant des revenus. De plus, ils n’avaient aucun apport personnel et les banques n’étaient pas intéressées par l’hypothèque de leur maison. ADIE a donc été la seule issue pour compléter l’apport fourni par l’ACCRE. Sans cette aide, ils n’auraient pas eu financièrement les moyens de créer cette activité. En effet, l’intégralité du prêt de l’ADIE et de l’ACCRE a servi à l’achat du stand, d’un véhicule d’occasion, du matériel et du stock.

Mme et Mr. Martinon n’ont pas jugé utile de suivre des formations de créateurs d’entreprises. Seul un représentant de l’association CEGI 77, envoyé par l’ADIE, les conseille. En effet, l’ADIE accorde des prêts à condition que la gestion de l’entreprise soit suivie. Pour Mr. Martinon, ce suivi effectué par un comptable est utile ; une rencontre a lieu environ tous les trois mois, ce qui permet d’étudier les comptes et d’être conseillé.

Les principales difficultés rencontrées par ce couple ne se situent pas au niveau de l’obtention de prêts et d’aides financières. Contrairement à la plupart des porteurs de projets, les démarches ont été très rapides. Le plus délicat est maintenant de pouvoir vivre à deux sur le commerce. En effet, les ventes ont tendance à chuter. Sur le plan économique, la période à laquelle ils ont créé n’était peut-être pas idéale. Afin de pouvoir vivre correctement, ils ont été obligés de louer un restaurant (avec de l’argent prêté par des amis)sur la Côte d’Azur pendant la période estivale. Pour accroître ses ventes de spécialités antillaises, la seule possibilité, d’après Mr. Martinon, serait d’agrandir son commerce. Pour cela, il faudrait qu’il dispose à nouveau d’une aide financière qui lui permettrait d’acheter du matériel, de proposer une plus grande variété de produits et de disposer d’un fonds de roulement plus important. Il pourrait ainsi davantage vendre sur les marchés, ce que ne lui permet pas actuellement l’envergure de son commerce.

Mots-clés

structure d’appui, institution financière, assistance technique, création d’entreprise, commerce, projet de développement, financement, association, rôle de l’Etat, création d’activité


, France

Commentaire

Parmi les personnes interrogées, Mr. Martinon est une des rares qui ne se plaint pas de la lenteur des pouvoirs publics. En effet, un mois après le dépôt de son dossier, il touchait l’ACCRE, ce qui est exceptionnel. Une moyenne de 6 mois est en général nécessaire. J’ai constaté chez Mr. Martinon un sens commercial très poussé. Il semble connu et apprécié par un grand nombre d’habitants du quartier où son commerce ambulant est installé. J’ai interviewé Mr. Martinon alors qu’il travaillait et j’ai pu noter qu’il bavardait environ 10 mn avec chaque client, qui étaient d’ailleurs des habitués. Avec un commerce d’une plus grande envergure (possible, grâce à une aide financière supplémentaire), Mr. Martinon pourrait certainement, comme il le précise, avoir un chiffre d’affaires plus important car la clientèle ne lui fait pas défaut.

Notes

Entretien avec Monsieur Martinon, 9 avril 1993, Paris.

Source

Entretien

BERTRAND, Valérie, CEDAL FRANCE=CENTRE D'ETUDE DU DEVELOPPEMENT EN AMERIQUE LATINE

CEDAL FRANCE (Centre d’Etude du Développement en Amérique Latine) - France - cedal (@) globenet.org

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