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Luttes collectives pour l’accès à la terre et la valorisation des savoir-faire paysans en Argentine

Angel STRAPPAZZON

2002

Santiago del Estero est la province la plus pauvre d’Argentine. Peuplée en majorité de métis de culture Quichua, elle a subi depuis la fin du XIXème-début du XXème siècle l’action dévastatrice des grandes entreprises forestières aux capitaux européens. Cela a conditionné la vie des générations suivantes.

Le processus historique a généré un système de possession et de distribution des terres qui est devenu l’un des principaux obstacles pour le développement de la province. Dans la région de Santiago, il y a 15 719 exploitations agricoles familiales (78,7 % du total des exploitations) qui occupent 3,4 % de la superficie totale des exploitations de la région. Environ 20 000 familles vivent en périphérie des villes et travaillent au sein d’entreprises agricoles dans des conditions inhumaines. Les exploitations familiales pourraient permettre aux paysans de devenir autonomes si était mise en place une politique de distribution des grandes terres improductives.

La possession précaire de la terre représente un problème très important dans la région. La législation argentine reconnaît le droit des paysans à la propriété de la terre, lorsqu’il y a eu possession pacifique de cette terre pendant plus de 20 ans, sous plusieurs conditions : que le paysan l’ait utilisée pour subvenir à ses besoins, qu’il y ait réalisé des améliorations, qu’il ait construit un puit ou des réserves d’eau, qu’il ait délimité sa parcelle, etc.

Or, même si ce droit existe dans la province de Santiago del Estero, les paysans qui occupent les terres n’ont pas les ressources économiques nécessaires pour le faire valoir et se procurer les titres de propriété. La loi oblige notamment à la réalisation de mesures pour le registre du cadastre très coûteuses et le recours à un avocat pour introduire la procédure de "prescription de 20 ans". Il est donc impossible pour les paysans de respecter la loi à la lettre, et ils se retrouvent souvent dépossédés de leurs terres, simplement parce qu’ils n’ont pas pu se défendre de manière adéquate.

Il faut également souligner que les paysans de cette région ne se sont jamais réellement organisés pour défendre collectivement leurs intérêts et exprimer leurs besoins auprès des instances qui décident de la distribution des ressources.

Un savoir faire différent dans le domaine social et politique

Se différenciant de la manière traditionnelle de faire de la politique et du syndicalisme (à coup de promesses non tenues, de façon bureaucratique et sans tenir compte du secteur paysan), MOCASE souhaite représenter un véritable poids politique tout en restant indépendant des compromis partisans, en développant notamment la solidarité et la mise en place de processus démocratiques entre les communautés membres.

Depuis le départ, MOCASE a choisi comme principale stratégie la lutte pour la possession de la terre et pour l’amélioration des conditions de vie des familles vivant en zone rurale. La création de MOCASE a permis de changer la situation des paysans de la région qui, jusque-là, restaient silencieux, n’ayant pas connaissance du droit de propriété par "prescription de 20 ans" et n’étant pas suffisamment organisés pour que leurs demandes devant la justice ou les pouvoirs publics soient prises en compte.

La création de MOCASE, né de l’articulation entre différentes ONG qui travaillaient auparavant de manière isolée, a totalement changé cette situation. Les paysans ont cessé de se taire et, prenant conscience de leurs droits, se sont exprimés sur les problèmes qui les concernaient. Cela a abouti à la réalisation d’actions collectives pour défendre leurs terres.

L’organisation des paysans a été accompagnée d’un soutien juridique et judiciaire ; ils sont devenus plus visibles dans le monde politique. Les liens de solidarité avec d’autres secteurs de la société qui s’identifiaient à cette lutte se sont renforcés.

Un exemple typique fut celui de La Simona, petit village de la forêt de Santiago del Estero qui a réussi à attirer l’attention nationale quand, le 12 octobre 1998, des bulldozers ont voulu expulser les gens de leurs terres, arrachant sur leurs passages arbres et clôtures à proximité de leurs maisons. La défense collective des paysans avec l’appui de MOCASE et d’une multitude d’organisations solidaires a réussi à stopper les bulldozers, qui, quelques temps auparavant, auraient pu parvenir à leurs fins sans que la justice ou une quelconque institution ne s’en offusque. Les médias se sont chargés de diffuser les images de destruction de la forêt dans tout le pays, aidant ainsi à démasquer une entreprise de pillage des ressources naturelles qui ne tenait pas compte des populations locales ni de leur mode de vie.

La recherche d’une rencontre entre le monde rural et le monde académique

Certains militants du mouvement qui ont pu aller à l’université et faire l’expérience de la vie urbaine ont participé à la création d’outils pédagogiques qui nous permettent de mieux nous comprendre nous même, avec nos forces, nos capacités, nos fragilités et nos faiblesses.

L’une de ces techniques nous a conduit à nous rapprocher des "anciens" des communautés rurales et à dépasser le préjugé selon lequel notre société est divisée entre les gens civilisés et les "barbares". Les professeurs, les médecins, les prêtres, les commerçants, etc., véhiculent souvent en effet l’idée que nous les paysans, les travailleurs ruraux, les bûcherons, etc., sommes des gens paresseux, ignorants, inutiles, en résumé des "barbares".

Ces "anciens" et les personnes qui avaient un certain bagage universitaire ont décidé de prendre le temps qu’il faudrait pour se connaître et se comprendre. De cette expérience sont sortis les éléments nécessaires à la mise en place d’actions d’éducation populaire. Le défi consistait à faire en sorte que les "silencieux", "les opprimés", puissent affirmer leurs droits et se revaloriser.

Lors de ce travail avec eux, nous avons dû adapter nos attitudes de façon à ce qu’ils puissent clairement voir que nous croyions en eux, en leurs aptitudes, en leurs capacités. Nous avons dû oublier notre propre vision, notre propre lecture des choses et leur montrer que nous étions convaincus qu’eux-mêmes détenaient un savoir et des connaissances, que nous ne croyions pas au fait que celui qui n’a pas été à l’école ou à l’université ne sait rien et est inutile et que nous ne pensions pas être face à des personnes diminuées par leur pauvreté, leur situation sociale, leur rôle dans la société ou dans le monde.

Nous avons déconstruit le schéma du savoir, de la pensée unique néolibérale et même de ses critiques marxistes, pour le reconstruire avec les communautés, grâce à une réflexion commune sur nos différentes pratiques.

MOCASE (Movimiento campesino de Santiago del Estero) - Rotonda Sur, Ruta 116 Quimili, CP 3740, Santiago del Estero, ARGENTINE - Argentina - sachayoj (@) arnet.com.ar

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