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Lyon : Place du pont, de la rénovation à la requalification ?

André GACHET, Bruno COUTURIER, Marie-France ANTONA

1999

Le contexte

Ce quartier aux dénominations multiples (quartier Moncey, quartier Péri, Place du Pont) vit dans l’incertitude, une incertitude inscrite dans la durée.

Le quartier de la Place du Pont se trouve dans le centre-ville de Lyon, en France. Faubourg au siècle dernier, il est aujourd’hui le quartier de liaison entre le centre ancien et le nouveau centre administratif de la ville. Depuis le début des années 70, il subit la pression qu’exerce le processus de transformation urbaine. Les premiers grands projets de démolition sont revus à la baisse après les luttes menées par les habitants contre la Z.A.C. (zone d’aménagement concertée). Cependant, le quartier se transforme avec l’extension du secteur Part-Dieu, nouveau centre d’affaires. La construction du nouveau palais de justice, inauguré en 1995, a nécessité la démolition de près de 600 logements.

Vers la fin des années 1980, un projet de démolition très important a menacé de couper le quartier en deux par la création d’une voie de circulation diagonale. Cette menace a plané jusqu’en 1997, bloquant tout projet des habitants qui ne savaient quel combat mener.

Ce quartier (au sens large) couvre l’ouest du 3e arrondissement de la ville. Il est marqué par la présence d’une importante population étrangère. Cette caractéristique en a fait longtemps un quartier « à part ». C’est un thème dont les enjeux électoraux sont toujours d’actualité.

Pour la première fois en 1997, un document élaboré à la suite du travail d’un comité d’expertise proposa de « reconnaitre l’identité méditerranéenne du Quartier Moncey et (de) s’en servir comme un atout pour le valoriser ».

Selon ce rapport, le processus de spécialisation du quartier par rapport à la ville doit être abordé sous différents aspects :

1. la fonction urbaine, 2. le commerce, 3. la population, 4. le marché du logement

1. Aujourd’hui, le quartier fait partie du « 3e centre ville » de Lyon situé entre l’hypercentre ancien et le centre d’affaires et commercial de la Part-Dieu des années 1970-1980. Historiquement, les concepteurs de la Part-Dieu imaginaient une homogénéisation des fonctions et pensaient que les trois entités n’en feraient plus qu’une. Cette homogénéisation n’a pas eu lieu, le 3e centre demeurant hétérogène.

2. L’équipement commercial du quartier s’est spécialisé (vêtements, boucheries hallal, bazars…) afin de répondre à la demande d’une clientèle maghrébine de l’agglomération et ce, malgré certaines tentatives pour enrayer ce phénomène.

3. La population du quartier correspond pour une part significative à la typologie de l’occupation commerciale, ce qui n’est pas toujours le cas dans d’autres quartiers « typiques » (ainsi, le « quartier chinois » est spécialisé dans le commerce mais la population asiatique vit en banlieue). Les incertitudes récurrentes sur le devenir du quartier depuis 1924 ont produit un habitat dégradé (les propriétaires bailleurs n’ayant pas investi dans leurs logements), qui ne peut être accepté que par une population démunie qui ne se voit pas offrir d’autres possibilités.

4. Deux marchés parallèles se sont développés « dos à dos ». Le premier est constitué de programmes résidentiels neufs (accession et locatif), s’appuyant notamment sur l’armature des transports en commun (lignes B et D du métro) construits à la suite de rénovations, et le second est constitué d’habitats dégradés, non encore rénovés, qui constituent une partie importante du quartier Moncey.

Description du processus

Date de I’expérience : de 1980 à aujourd’hui.

Nombre de personnes concernées : le 3e quartier ouest compte près de 30 000 habitants, dont 10 % d’étrangers. Le quartier de la Place du Pont rassemble 1480 résidences principales pour 3092 habitants, dont 36 % d’étrangers. Le taux de chômage est de 16,5 % pour l’ensemble de la population et 27 % pour les moins de 25 ans (chiffres de 1990).

Les habitants se sont battus contre des menaces d’expulsion, notamment après l’abandon des grands projets publics de démolition. Plusieurs opérations à caractère spéculatif sont conduites par des promoteurs privés et l’action de collectivités apporte un début de régulation. La dégradation de certains immeubles entraîne des mesures administratives de fermeture. Ainsi, en 1998, six immeubles étaient encore concernés par ce type de procédure. La réalisation des deux premières phases de l’axe Moncey, entre 1991 et 1997, a été la cause de la démolition de 200 logements et meublés. Les 172 autres logements qui devaient être détruits seront réhabilités, suite à l’abandon du projet.

Les questions soulevées par les habitants concernent essentiellement le sentiment d’insécurité au sens le plus large du terme, car leur vie quotidienne se déroule dans un quartier qui ne connaît rien de son avenir. Un rapport établi en 1994 l’exprimait ainsi : « Il en résulte une situation paradoxale, celle d’une crise qui n’est pas marquée par l’absence de volonté mais plutôt par un déficit de décisions au sens prospectif. Ainsi, la valse-hésitation au sujet de la percée Moncey interdit ou entrave tous les projets cohérents. Des blocages naissent de cette incertitude. Le temps se déroule autour de situations qui macèrent dans les dysfonctionnements, le plus souvent de petite envergure, mais suffisants au délitement du lien social indispensable à la vie du quartier ».

Des tensions se manifestent déjà, qui font désespérer les plus actifs. Nous risquons ainsi un retour à la situation d’avant 1989 par le désir de départ (ou le départ effectif) des forces vives (militants associatifs, personnalités structurantes, acteurs de la vie sociale), le découragement et le repli sur soi.

Une telle situation n’est pas un moteur de changement mais au contraire un facteur de déstructuration.

Le logement et l’habitat constituent l’angle d’approche essentiel de ce rapport parce qu’il est conforme à la misson de l’ALPIL mais surtout du fait de son impact sur le quotidien des habitants du secteur Moncey.

Le gel des projets sur la percée Moncey bloque toute mobilité de la population. Cette situation qui semble devoir perdurer entraine sur le plan du logement une double obligation :

– Il faut revoir les moyens de la gestion des logements locatifs sociaux du secteur et, dans le même temps, les interventions possibles sur le parc privé degradé.

– Il faut intégrer la problèmatique du « mal-logement » de façon volontaire dans les préoccupations de la collectivité, en utilisant l’ensemble des moyens disponibles.

En terme de stratégie, une évolution irrégulière a marqué les deux dernières décennies. Trois périodes caractérisent schématiquement l’histoire des luttes dans ce quartier :

– Les actions militantes du Comité populaire de quartier ont été remplacées début 1980 par l’activité très forte des femmes maghrébines, regroupées en Association des familles immigrées, en 1983. À la fin des années 1980, cette association perdit sa vitalité pour ne devenir qu’un petit groupe à la recherche de sa renaissance aujourd’hui.

– Une deuxième période s’ouvre entre 1990 et 1994. L’ouverture d’un Bureau d’information imprime une forte connotation gestionnaire à l’activité militante. Dans le même temps, des associations préoccupées de l’animation du quartier (jeunes et enfants) naissent et, parfois, disparaissent.

– Depuis 1990, un nouveau comité de quartier a réintroduit une dimension militante à partir de préoccupations environnementales et urbanistiques plus clairement affichées.

Le comité devient un interlocuteur des pouvoirs publics. De façon périphérique, des comités d’intérêt local mènent des actions pour la « protection » du quartier, leurs actions sont parfois provocatrices de dérapages verbaux.

Les comités d’habitants ont agi contre la dégradation des conditions d’habitation et l’action de certains promoteurs, en appelant les pouvoirs publics à plus d’intervention (1983/84). Face à la menace de démolition liée à la percée et à la dégradation de l’espace public, le Comité « espaces libres » (91/93) et plus tard (1997), le Comité de quartier qui en est issu, interpellent la Ville sur sa politique (gestion et projets d’urbanisme).

Ces comités ont été entendus par la commission d’expertise en fin d’année 1997.

En 1992-93, des alternatives à la réalisation d’un immeuble de grande hauteur (le CLIP) furent proposées à la Mairie d’arrondissement par des techniciens (chef de projet DSU et mission d’assistance de l’ALPIL), sans succès.

Le projet d’axe Moncey est abandonné depuis début février 1998. Il est remplacé par un projet de requalification du bâti, des espaces publics, des voiries, qui passe également par une démarche de gestion de proximité. Parmi les quatre objectifs promus dans le cadre de ce scénario, la reconnaissance de l’identité méditerranéenne du quartier et le maintien de la population actuelle sont affirmés pour la première fois.

Processus

En février 1998, la décision a été accueillie diversement en fonction des enjeux et des projets de chacun. Certains y ont d’abord vu la non démolition des deux ilots et le maintien des 160 logements sociaux. Ils étaient contents de rester dans un quartier auquel ils sont attachés.

D’autres y ont vu une mesure de diversion qui ne ferait que reculer l’échéance finale, la destruction du quartier. Ils ont donc persisté dans les discours fatalistes et pessimistes, d’ailleurs relayés par de nombreux politiques en campagne électorale dans le quartier.

D’autres y ont vu l’annonce de la requalification du quartier et, conscients de l’ampleur de la tache, se sont mis au travail pour participer à l’élaboration d’un projet global et cohérent.

En effet, la décision a été prise en fonction de deux scenarii, mais pas en fonction de véritables projets qui tiennent compte de toutes les dimensions à traiter (le logement, les espaces publics et les voiries, l’activité économique et commerciale et les aspects socioculturels).

Cette élaboration nécessite d’autres méthodes de travail et une démarche plus constructive. Elle exige aussi une approche plus globale et stratégique des problèmes.

Les militants associatifs sont conscients qu’ils sont entrés dans une autre phase de la lutte.

Ils n’ignorent pas que les directions essentielles du projet (politique de logement, prévention, sécurité, vocation commerciale, place dans l’agglomération, vie de quartier…) risquent de faire l’objet de dissensions et de polémiques.

Si l’on voit à peu près dans quelle direction iront les investissements en termes de « hard » (logements et espaces publics), le plus grand flou persiste pour les aspects « soft » (commerce, sécurité, prévention, animation socioculturelle… ). On peut craindre que ce domaine soit abordé de manière très désordonnée dans le cadre de dispositifs dissociés (Politique de la ville, Contrat de sécurité locale, etc.) et qu’on y reproduise des modes d’interventions souvent expérimentés dans certaines banlieues et qui n’ont abouti qu’à renforcer l’exclusion, l’assistanat, les parasitismes et le favoritisme à travers, notamment, la course aux subventions.

Quant au domaine de la communication interne (information, concertation, régulation, motivation) et externe (valorisation du quartier…) peu de propositions ont été faites : Comité de gestion de proximité, participation éventuelle à la Commission Moncey… tout reste à construire.

Seule la prise en compte simultanée des aspects «hard », «soft » et communicatifs peut faire de cette entreprise de requalification d’un quartier ancien de centre ville un chantier exemplaire et permettre vraiment à ce quartier de valoriser son potentiel, tout en trouvant sa place dans l’agglomération lyonnaise.

Acteurs engagés dans le processus, leur rôle et les réactions des différents secteurs

Le processus de transformation du quartier repose essentiellement sur la politique définie par la Ville de Lyon et la Communauté Urbaine. Une évolution très récente (janvier 1998) devrait produire une redéfinition de l’action publique sur ce secteur.

La Mairie de l’arrondissement joue aussi un grand rôle dans l’accueil de la demande des ménages en difficultés et dans les processus de décision pour la production d’une offre de logements sociaux.

L’Équipe de Maitrise d’Oeuvre Urbaine et Sociale mise en place par la Communauté Urbaine de Lyon, l’Etat et la Ville de Lyon en 1991, assure un appui aux initiatives des habitants, des associations et des professionnels de terrain afin d’assurer le maintien du lien social, de prévenir la délinquance, de lutter contre l’échec scolaire, de promouvoir l’insertion professionnelle notamment des jeunes…

L’ALPIL intervient principalement pour l’accueil des ménages en difficultés de logement (depuis 1982). Elle gère également l’Observatoire local de la demande sociale en logement (depuis 1991).

L’association intervient aussi dans les problèmes de résorption de l’habitat insalubre et de réponse à l’urgence.

Le secteur associatif joue un rôle important dans le quartier.

– L’action des femmes dans la première période (Association des familles immigrées) a permis de souligner les difficultés de la vie quotidienne dans les logements vétustes et surpeuplés. Elle a été à l’origine d’une véritable solidarité de voisinage au travers d’actions de défense et de démarches revendicatives.

– Le Comité d’habitants et de commercants du Quartier Péri, après le Comité « Espace libres », interpelle les responsable politiques sur la gestion du cadre de vie et sur les projets d’urbanisme. Il se réunit une fois par mois et organise ponctuellement des actions d’information et d’animation. Il réagit aux discours politiques sur le quartier.

– Les opérateurs de logement social sont acteurs du developpement d’une offre nouvelle de logements et de la réhabilitation de l’habitat. Le quartier a bénéficié au cours de la première moitié des années 1990, de la création du plus grand nombre de logements « très sociaux » sur l’ensemble de l’agglomération. Ces résultats alimentent aujourd’hui très largement le débat sur la mixité sociale.

Le niveau international

Les auteurs de la présente fiche participent au programme de coopération interrégionale et interurbaine d’échange d’expériences (Commission des Communautés Européennes (DG XVI), et au Conseil des Communes et des Régions d’Europe (CCRE) avec le soutien de la Fondation Abbé Pierre, en 1993/94. L’échange d’expériences a fait l’objet d’un rapport de synthèse daté du 31 mars 1994, établi par les associations membres d’Europil : APIP (Valencia, Espagne), Alpil (Lyon, France), Habitat et Rénovation (Bruxelles, Belgique) et Praxis (Le Pirée, Grèce).

En 1997, la Communauté Urbaine de Lyon a été retenue au titre du programme URBAN, notamment sur la thématique commerciale (restructuration des centres commerciaux des années 1960). Le dossier concernait uniquement des sites d’habitat récent des communes de la banlieue lyonnaise et le quartier de la Place du Pont ne bénéficie pas de ce programme.

Palavras-chave

bairro deteriorado, desenvolvimento urbano, associação de moradores, mobilização de moradores, política urbana, moradia social


, Franca, Lyon

dossiê

Vivre dans les centres historiques : expériences et luttes des habitants pour rester dans les centres historiques

Comentários

Sur le plan urbain, il n’y a jamais eu de solutions satisfaisantes et ce quartier ne vit, depuis deux cents ans, que d’incertitudes sur son avenir. C’est un secteur qui est peuplé d’immeubles où sont prévus « d’ex-futures démolitions » (Séminaire INUDEL, Maintenir et construire la diversité sociale dans la ville, Lyon 22 mai 1996).

Le temps qui passe dans cette attente d’un avenir plus serein agit sur les espaces comme sur les hommes. À la dégradation des conditions de vie répond la lassitude des habitants. Seule l’intensité de la vie sociale constitue un antidote suffisamment puissant pour que renaisse la volonté d’agir pour vivre bien dans un quartier qui conjugue les deux atouts de la centralité urbaine et de la diversité sociale.

Notas

Bruno COUTURIER est Chef de Projet DSU - 11 rue de Turenne, 69003 Lyon, FRANCE - Tél. : 33 4 78 63 45 21 — 33 4 78 62 06 07. Fax : 33 4 7863 46 58

Marie-France ANTONA est membre du Comité des habitants et des commercants du Quartier Péri - 10 Rue Paul Bert, 69003 Lyon, FRANCE - Tél. : 33 4 78 71 71 77

Fonte

Relatório ; Artigos e dossiês ; Documento interno ; Documento de trabalho

Revue (le Presse (1982/1984 et 1989/1990))

Alpil, La situation du logement des immigrés dans le 3e arrondissement (1983)

Livre d’Or des habitants (Bureau d’information) (1989/1990)

Notes de travail et rapports Alpil (1989/1995)

Documents et rapports du Chef de projets DSU (1993/1998).

Rapport final Echanges d’expériences, Europil, Commission des Communautés Européennes, Conseil des Communes et des Régions d’Europe (mars 1994).

Maintenir et construire la diversité sociale dans la ville : regards sur le processus de transformation d’un quartier ancien en centre ville (séminaire INUDEL, mai 1996).

Documents du Comité d’habitants et de commercants du quartier Péri (1997/1998).

Documents de la commission Moncey (1997/1998).

ALPIL - EUROPIL (Action pour l’insertion sociale par le logement - European Federation for Social Assistance and Integration through Housing Provision) - 12 place Croix Paquet, 69000 Lyon, FRANCE - Tél. 33 4 7839 26 38 — Fax 33 4 72 0099 44 - Franca - www.habiter.org - alpil (@) globenet.org

menções legais