español   français   english   português

dph participa da coredem
www.coredem.info

buscar
...
diálogos, propuestas, historias para uma cidadania mundial

Le protocole par la petite porte

Aux Etats-Unis, des initiatives pour lutter contre le changement climatique sont prises à l’échelle des Etats

Jan MAZUREK

2004

Tout le monde connaît l’opposition de l’administration Bush au Protocole de Kyoto. Mais cette position internationale ne préjuge en rien des dynamiques environnementales et économiques à l’oeuvre au niveau des Etats de l’Union. Avec ou sans la ratification, l’esprit du Protocole gagne les Etats-Unis.

Dans les années 1990, certains Etats américains s’opposaient à la ratification du Protocole de Kyoto sur le changement climatique par le gouvernement fédéral. Ils craignaient même que, malgré l’interdiction posée par le Sénat à une participation américaine au traité, ses partisans au sein de l’administration Clinton essaient de le mettre en place par la petite porte, en imposant de nouvelles règles fédérales.

Aujourd’hui, l’administration Bush est clairement contre Kyoto et le traité est resté dans les limbes – notamment à cause de la position ambiguë de la Russie. Les fonctionnaires chargés de prendre des mesures contre le changement climatique font passer des politiques en contradiction totale avec le traité et, dans bien des cas, leurs initiatives minimisent, voire ignorent totalement, les gaz à effet de serre (GES) ou le réchauffement de la planète. Pourtant, il existe aujourd’hui une petite porte pour lutter contre le changement climatique. Une petite porte au coeur même du pays et non plus à Washington.

L’indépendance des Etats

Le rapport entre Washington et les Etats sur la question du changement climatique a considérablement évolué depuis la fin des années 90. De 1998 à 1999, quand la participation américaine au Protocole de Kyoto était toujours envisageable, les seize Etats qui pensaient avoir plus à perdre qu’à gagner dans une lutte contre le changement climatique ont adopté des lois ou des résolutions opposées à la ratification du traité. La plupart de ces mesures étaient d’ordre symbolique, mais certaines allaient plus loin. Les législateurs du Michigan ont ainsi voté pour « empêcher les agences de l’Etat de proposer ou de promulguer des règles visant à réduire les émissions de GES sans mandat explicite du législateur », rappelle Barry Rabe, professeur de politique environnementale à l’Université du Michigan. De la même façon, les législateurs de Virginie occidentale ont adopté une mesure interdisant aux agences de leur Etat de coopérer avec les agences fédérales pour réduire les émissions de GES.

Le changement d’administration présidentielle en 2000 s’est accompagné d’un changement dans la politique fédérale sur le climat. Peu après son entrée en fonction, le cabinet du président Bush a décidé unilatéralement le retrait des Etats-Unis des négociations sur la ratification du Protocole de Kyoto. Mais dans le même temps, et en contradiction avec ses promesses de campagne, un contrôle des émissions de CO2 a été imposé aux centrales électriques américaines. Ces changements ont modifié l’orientation des politiques des Etats. Ceux qui pensaient que la lutte contre le changement climatique pouvait leur être bénéfique ont commencé à prendre des initiatives. Depuis janvier 2000, près d’un tiers des Etats américains ont adopté des lois et des décrets visant explicitement la réduction des émissions de GES. De plus, des représentants élus et des groupes environnementalistes ont lancé dans plus d’Etats des petites batailles contre le changement climatique par des programmes de soutien au développement économique, à l’efficacité énergétique, à la protection de la nature et à l’utilisation de carburants et de véhicules propres.

Deux « grandes portes » ont aussi commencé à apparaître dans les Etats l’année dernière. Durant le printemps et l’été 2003, les Etats du Nord-Est et ceux de la Côte Ouest ont annoncé qu’ils allaient s’allier pour réduire les émissions de CO2. La stratégie régionale du Nord-Est vise à réduire les émissions de CO2 des centrales électriques alors que les Etats de la Côte Ouest visent surtout les émissions des transports. Les gouverneurs de la Côte Ouest ont présenté le changement climatique comme une grave menace pour les forêts, la pêche et le littoral de la région. Ils ont justifié leur position agressive par un impératif économique.

Dans d’autres Etats, la lutte contre le changement climatique a été présentée comme un moyen pour exploiter des opportunités économiques lucratives. La chambre législative unique du Nebraska a ainsi créé en 2000 un groupe d’étude sur les bénéfices potentiels à espérer de la mise en place de puits de carbone par l’adoption de techniques agricoles et d’utilisation du sol adaptées. Les agriculteurs, les forestiers, les prospecteurs de pétrole, et tous ceux qui pouvaient être concernés par de telles pratiques, pourraient ainsi vendre le carbone « capturé » sur un marché ouvert aux entreprises participant aux programmes cap and trade visant à réduire les émissions de GES. L’exemple du Nebraska a conduit à l’introduction d’une législation similaire en Alaska en 2002. L’Illinois, le Dakota du Nord, l’Oklahoma et le Wyoming ont depuis adopté ce que Rabe appelle des versions « étonnamment similaires » de la loi du Nebraska. Des versions plus différentes ont été introduites par les législateurs de l’Idaho et du Dakota du Sud.

La réussite de programmes de séquestration comme celui du Nebraska dépend de la définition de limites à l’émission des GES et de la création d’un marché sur lequel s’échangent les permis d’émission et les crédits générés par les activités qui contribuent à maintenir ces gaz hors de l’atmosphère. En janvier 2003, treize des plus gros émetteurs nationaux de GES se sont alliés à la ville de Chicago pour mettre en place un tel marché, le Chicago Climate Exchange (CCX). Les participants s’engagent à réduire leurs émissions en 2006, de 4 % par rapport à leurs émissions moyennes pour la période 1998-2001, soit de 50 à 60 millions de tonnes. Le CCX est considéré comme un test grandeur nature pour la mise en place d’un futur marché national.

D’autres Etats se sont faits les promoteurs des éoliennes et d’autres sources d’énergie renouvelables – plus comme des moyens de développer l’économie que comme des outils de lutte contre le changement climatique. Selon un article récent du New York Times, au moins quinze Etats, dont le Texas et le Nevada, ont obligé leurs fournisseurs d’électricité à diversifier leurs sources d’énergie, en introduisant à coté du charbon et du pétrole des énergies comme les éoliennes et le solaire. En 2003, le gouverneur de l’Iowa, Tom Vilsack, a signé un décret autorisant la création d’une ferme éolienne atteignant 310 mégawatts – la plus puissante installation terrestre de ce type au monde. Actuellement, l’Iowa importe presque toute son énergie pour une dépense annuelle de près de 4 milliards de dollars. L’objectif de Vilsack n’est pas seulement de rendre l’Iowa indépendant énergétiquement, mais d’en faire un exportateur net en direction des Etats voisins. Un groupe de pression américain – le PIRG Education Fund – a publié un rapport en 2002 qui concluait que le vent soufflant dans quatre Etats – le Dakota du Nord, le Dakota du Sud, le Kansas et le Nebraska – suffirait à produire toute l’électricité dont la nation avait besoin. Le PIRG a depuis travaillé sans relâche pour démontrer que les Etats des Grandes plaines disposaient ainsi d’un potentiel énorme et devaient utiliser le vent pour produire de l’énergie et des emplois, tout en protégeant l’environnement.

D’autres Etats, en particulier ceux dont l’économie est aujourd’hui la plus chancelante, se sont emparés de la question de l’efficacité énergétique au nom d’une meilleure utilisation des revenus des impôts et de la lutte contre le changement climatique. Conduits par le gouverneur Janet Napolitano, les législateurs de l’Arizona ont demandé en avril 2003 aux agences, aux universités et aux collèges publics de l’Etat de réduire leur consommation énergétique pour atteindre en juillet 2011 un niveau de 15 % inférieur à celui de 2001-2002. Ils ont aussi demandé aux agences et aux institutions du secondaire de ne plus acheter que des produits répondant au label fédéral « Energy Star » ou certifiés par le programme fédéral de gestion de l’énergie. Par ailleurs, pour toute nouvelle construction, ils doivent respecter le Code international de conservation de l’énergie. Cette mesure doit permettre de réduire de 90 millions de dollars la facture énergétique de l’Etat. Le projet d’efficacité énergétique pour le Sud-Ouest, un établissement d’intérêt public qui assiste l’Arizona dans la redéfinition de ses dépenses, milite en faveur d’efforts législatifs similaires pour toute la région. Les membres locaux du PIRG défendent une action équivalente en Floride.

Des initiatives visant à limiter la densification de l’habitat et à proposer des alternatives au transport automobile commencent aussi à apparaître. En 2000, 72 % des électeurs ont approuvé les 553 mesures de gestion de la croissance proposées par les Etats et les autorités locales – la plupart d’entre elles n’ont pas été présentées comme un moyen de lutte contre une menace environnementale globale, mais plutôt comme un moyen pour améliorer la qualité de l’environnement quotidien. Les Etats travaillent aussi à la réduction des émissions de GES en adoptant des lois encourageant l’utilisation de carburants et de véhicules propres. Alors que la plupart des Etats ont adopté des lois contre la pollution de l’air en 2003, qui soutiennent le développement et l’utilisation de combustibles et de véhicules alternatifs, la lutte contre le changement climatique paraît de moins en moins passer par la petite porte.

Le frein fédéral

Les Etats disposent ainsi d’un énorme potentiel de réduction des émissions de GES, mais ils ne peuvent en aucun cas se substituer à une action fédérale volontaire. Malheureusement, Washington réduit et, dans certains cas, entrave les initiatives prises à l’échelle des Etats. Les programmes de capture du carbone comme celui mis en place au Nebraska ou la création d’un marché comme prévu par le consortium des Etats du Nord-Est ne pourront pas monter en puissance tant que le Congrès n’aura pas imposé des limites obligatoires pour l’émission de CO2. Le Sénat a rejeté un tel projet à l’automne 2003. En août 2003, l’agence américaine de protection de l’environnement (EPA) s’est brutalement opposée à la tentative californienne de réguler les émissions de CO2 des voitures et des camions. L’agence a déclaré que la loi fédérale de lutte contre la pollution de l’air (Clean Air Act) ne donnait en aucun cas aux Etats l’autorité légale suffisante pour prendre une telle décision. L’arbitrage de l’EPA ne compromet pas seulement le programme californien : l’Etat de New York a adopté en 2003 une loi calquée sur celle de la Californie.

La mobilisation des citoyens autour de rivières aux eaux devenues brûlantes ou de brouillards empoisonnés ont contraint la Maison Blanche et le Congrès à accepter les lois environnementales fondamentales comme la loi contre la pollution de l’air et celle contre la pollution des eaux. La lutte contre le changement climatique est malheureusement un phénomène largement invisible et n’a encore apporté aucune modification notable dans la vie quotidienne de la plupart des Américains. L’opinion publique ne pousse pas le Congrès à intervenir. Malheureusement, le jour où les GES se seront accumulés dans l’atmosphère au point de provoquer des protestations, les décideurs politiques ne seront plus en mesure de prendre des initiatives efficaces.

La plupart des décideurs dans les Etats l’ont compris et ont commencé à essayer d’agir – même quand cela signifie emprunter des voies détournées. Avec un peu de chance, Washington entendra ce message avant qu’il ne soit trop tard.

Palavras-chave

efeito estufa, política de meio ambiente, protocolo de Quioto, convenção internacional, mudança climática


, Estados Unidos da América

dossiê

Lutte contre le réchauffement climatique (Cahier de Global Chance n°19, réalisé avec le Courrier de la Planète)

Notas

Jan Mazurek - Progressive policy institute (PPI) - Le Progressive Policy Institute est un organisme de formation et de recherche qui vise à définir et promouvoir des politiques publiques progressistes pour les Etats-Unis. Transcendant les débats droite-gauche « de l’ère industrielle », il promeut la « troisième voie », jugée plus en phase avec le XXIe siècle et l’âge de l’information. www.ppionline.org

Pour en savoir plus : U.S. PIRG Education Fund, Generating Solutions: How Clean, Renewable Energy Is Boosting Local Economies and Saving Consumers Money. Avril 2003. http://static.uspirg.org/…

Fonte

Texte extrait de Fighting Climate Change Through the “Back Door”. Progressive Policy Institute, E-newsletter, 10 décembre 2003.

menções legais