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L’Inde exportatrice et importatrice de coton

Sourav MISHRA

03 / 2006

L’Inde est présente sur tous les créneaux de la filière coton, soit comme acheteur, soit comme vendeur. Pour la campagne 2005-2006, les chiffres prévisionnels lui accordent la troisième place mondiale de producteur, la quatrième place de consommateur, la quatrième place d’exportateur. Jusqu’en 2005, elle était à la dixième place pour les importations. Par rapport au 1,2 million de balles (de 170 kg) importé l’an dernier, il y aura une baisse de 600 000 balles. En 2006, le pays disposera du deuxième stock mondial de coton, devant les Etats-Unis, juste derrière la Chine.

La fin de l’Accord multifibres a été effective au 1 janvier 2005, ce qui ouvre de nouvelles perspectives pour les exportations indiennes. Bien que gros producteur de coton et de textiles, l’Inde n’est que second violon derrière la Chine depuis que ce pays, sous l’impulsion de Den Xiaoping au début des années 1980, a mis en Ĺ“uvre ses politiques de socialisme de marché. Mais les choses pourraient changer : on estime que la part de l’Inde dans le marché mondial du textile pourrait passer de 4 % à 15 % à l’horizon 2010. L’augmentation des recettes en devises est fortement incitative, et des projets de réforme majeurs sont en cours de lancement en matière de travail pour aider ce secteur économique. Mais ce qui est bon pour les industriels ne l’est pas nécessairement pour ceux qui leur apportent la matière première.

Le MSP (prix de soutien minimum) est fixé sur la base des informations fournies par le Comité consultatif du coton (CAB). Certains observateurs estiment que cet organisme fonctionne en fait comme un groupe de pression pour l’industrie textile. Le CAB est en position de manipuler la politique du MSP du fait qu’il détient le monopole en matière de prévisions pour les récoltes. En élaborant les chiffres, il peut aussi influencer les stratégies commerciales. « Le timing de ces prévisions est très important, et ce mécanisme fonctionne bon an mal an, ce qui génère de gros profits pour les négociants et industriels du coton », écrit Vivek Carioppa dans son étude Crisis in India Cotton (in Economic and Political Weekly, 23 octobre 2004). En Inde, on peut importer du coton avec une OGL (licence d’importation générale), la taxe douanière étant de 10 %. Et par voie de conséquence, le coton américain subventionné fait chuter les prix payés aux producteurs locaux.

Traditionnellement l’Inde exportait du coton. A partir de 1998, à la suite de l’évolution des politiques, elle est devenue importante importatrice. On a libéralisé les importations quand l’Office du coton (CCI) a perdu le monopole des importations en 1991. Maintenant on peut importer avec une OGL, ce qui autorise tout opérateur à faire entrer du coton sans aucune restriction. Pour inciter à importer, la taxe douanière a d’abord été réduite à 0, mais cela n’a pas servi à grand chose car les prix locaux restaient compétitifs. En 1997, quand les cours mondiaux ont baissé et que la demande intérieure a augmenté, on a observé une forte poussée des importations. Face aux protestations émanant de diverses parties concernées, le gouvernement a fait passer le droit d’entrée à 5,5 % en 2000 puis à 10 % depuis 2002.

Ce niveau reste encore faible comparé aux autres denrées agricoles. « Si nous pouvons appliquer une taxe de 60 % sur le blé et le sucre pour protéger nos producteurs, pourquoi pas aussi pour le coton », s’interroge Jawandhia, le leader paysan. Un haut fonctionnaire du ministère des textiles du gouvernement central justifie ainsi le régime actuel : « Le textile est le deuxième poste d’exportation pour notre pays. Avec la fin de l’Accord multifibres, nous espérons voir progresser nos recettes d’exportation. Pour cela il faut s’assurer qu’il y a un apport régulier de matière première au meilleur prix. On a donc besoin de plus d’importations, et qui ne soient pas gênées par une augmentation des taxes douanières ». En Inde, plus de 70 % des importations de coton sont destinées à des fabriques essentiellement tournées vers l’exportation, et qui sont entièrement exemptées de droit de douane. Cette année, la production intérieure est abondante et les importations ont baissé.

Fibres extra-longues

Autre raison pour l’augmentation des importations depuis quelques années : le coton ELS (extra long staple) qui entre dans la fabrication de tissus de haute qualité. L’Inde produit 400 000 balles de coton ELS dans l’année alors que les besoins se situent entre 900 000 et 1 200 000 balles et vont encore augmenter. Par ailleurs le coton ELS indien n’est pas de très bonne qualité.

Les variétés de coton ELS importées sont le US Pima et le coton égyptien. Les prix de vente du coton américain sont très attractifs, et il est donc très demandé : pour la période 1998-2005, c’était 22 % de nos importations. L’Inde s’est également approvisionnée en Australie (11 %), au Bénin (7 %), en Côte-d’Ivoire (7 %), en Egypte (5 %). Selon un responsable du CCI (Office du coton), pour 2005-2006, l’Inde s’approvisionne à plus de 40 % aux Etats-Unis, y compris le coton ELS. On serait là en dessous de la réalité parce que cette estimation ne tient pas compte des importations sous OGL (importation libre) par des opérateurs privés. « Répondant à la demande indienne et chinoise, les producteurs américains proposent du coton à 40 pour cent seulement du coût de production indien. Dites-moi qui pourrait résister à de tels tarifs ? », demande Surjit Singh, propriétaire d’une usine textile à Jaipur.

Les importations ? No problem !

Chandrima Mukherjee, économiste à la Confédération des industries textiles indiennes, répond aux questions de Down To Earth

Peut-on se passer des importations ?

L’importation de quelques centaines de milliers de balles, même sur une longue période, ne devrait pas poser problème. Cela ne représente que 2 % de la demande totale de coton brut.

Les taxes douanières vont-elles augmenter ?

Elles sont passées de 5 % à 10 %, mais l’effet d’une nouvelle augmentation serait négligeable car dans le présent budget le plafond tarifaire a été réduit de 15 % à 12,5 %.

Les fibres synthétiques gagnent-elles du terrain face au coton ?

Le coton prédomine toujours dans notre industrie textile, à 75 %. Sur le plan mondial, la part du fil de coton est de 38 %. En Inde, le coton perdait du terrain depuis plusieurs années, mais l’an dernier il a repris des couleurs.

Les producteurs sont-ils en phase avec les industriels ?

Les choses s’améliorent continuellement, même si la production de fibres plus longues reste toujours insuffisante par rapport à la demande des industriels. L’intérêt d’un partenariat industriels-producteurs est de mieux en mieux perçu et on établit des contrats de production et d’autres arrangements.

Puisque l’Inde exporte de plus en plus de produits textiles, pourquoi ces suicides de cultivateurs ?

Ce n’est pas notre industrie textile qui provoque tous ces problèmes. Dans beaucoup de régions de l’Inde, les agriculteurs ont du mal à se procurer des semences de bonne qualité, à obtenir le savoir-faire indispensable pour cultiver comme il faut des variétés améliorées, à obtenir les crédits nécessaires. Ce sont les institutions qui sont en cause plutôt que le marché.

L’industrie textile peut-elle aider les agriculteurs ?

Il faut les informer sur les techniques et les variétés disponibles. Cela est particulièrement vrai pour le coton Bt (OGM) qui a été bénéfique aux producteurs partout dans le monde.

Ce coton bon marché fait souffrir les agriculteurs indiens. Depuis dix ans, les prix locaux stagnent entre 1 700 et 1 900 roupies. En Inde il n’existe pas de subventions pour la production ou l’exportation du coton. La seule aide éventuelle est le prix de soutien minimum (MSP), et il ne faut pas oublier que l’Office du coton n’achète à ce prix que 10 % de la production, rejetant tout le reste sous prétexte de critères de qualité. Ce reste est acheté par des organismes dépendants des gouvernements locaux ou par des négociants privés, mais généralement à des tarifs inférieurs au prix de soutien minimum officiel.

Chose curieuse, si l’Inde importe du coton, elle exporte aussi du coton brut, principalement vers la Chine (60 %) et le Bangladesh. Les statistiques font apparaître que, au cours des trois dernières années, ses exportations sont passées de 50 000 balles à 2,5 millions de balles. La Chine, qui est le plus gros exportateur mondial de coton, cherche évidemment à faire main basse sur tout le coton brut qu’elle peut trouver. Le secteur du vêtement chinois est nettement plus compétitif que le nôtre. Les usines chinoises sont en moyenne vingt fois plus grandes que les nôtres, et il y a forcément une économie d’échelle. Deuxièmement, la Chine a tiré profit du savoir-faire industriel et gestionnaire qui s’est développé à Hongkong depuis l’intégration de ce territoire. Troisièmement les investissements étrangers directs en Chine sont dix fois supérieurs à ce qu’ils sont en Inde. Ceci dit, même sans la concurrence chinoise, le secteur du coton et du textile indien serait toujours confronté à de nombreux problèmes.

Palavras-chave

indústria têxtil, comércio internacional, importação agrícola, agricultura de exportação


, Índia

dossiê

L’Inde et son coton : libéralisme mortel (Notre Terre n°19, septembre 2006)

Notas

Traduction en français : Gildas Le Bihan (CRISLA)

Lire aussi les 27 pages consacrées à ce sujet dans la revue Frontline (8 septembre 2006), publiée par le quotidien national The Hindu. Textes et photos disponibles en ligne sur www.frontline.in, cliquer sur Digital Frontline-Free Download et Archives en haut à droite, puis Volume 23, issue 17, Cover Story

Fonte

CRISLA, Notre Terre n° 19, septembre 2006. Sélection d’articles de Down To Earth, revue indienne écologiste et scientifique, publiée par CSE à New Delhi.

CRISLA (Centre d’Information de Réflexion et de Solidarité avec les Peuples d’Afrique d’Asie et d’Amérique Latine) - 1 avenue de la Marne, 56100 Lorient, FRANCE - Tel : 08 70 22 89 64 - Tel/Fax : 02 97 64 64 32 - Franca - www.crisla.org - crisla (@) ritimo.org

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