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Mesurer le bien-être : redéfinir le progrès

Rajni BAKSHI

09 / 2008

Critique du Produit National Brut

Le Produit National Brut (PNB) des États-Unis d’Amérique a plus que doublé ces cinq dernières décennies. Mais les chiffres de la dépression, du divorce et de la criminalité ont augmenté au même rythme. En fait, ces formes de détresse sociale participent même à l’augmentation du PNB car ils font circuler l’argent, les produits et les services : la vente d’antidépresseurs injecte ainsi 10 milliards de dollars dans l’économie américaine chaque année.

Le concept de PNB n’a jamais visé à refléter le bien-être des gens, mais seulement la production et l’échange de biens matériels et services marchands dans une économie. Pourtant, après la seconde guerre mondiale, la croissance du PNB est devenue synonyme de progrès et a déterminé le statut d’un pays dans la hiérarchie du développement.

Le concept de PNB remonte aux années trente et est attribué à l’économiste Simon Kuznets qui avait été recruté par le Département au Commerce des États-Unis pour trouver un mécanisme d’évaluation de la performance annuelle de l’économie. Le système conçu par Kuznets était entièrement centré sur la mesure de la production industrielle et agricole qui entre sur le marché. Plus tard, Kuznets lui-même mettait en garde sur le fait que « le bien-être d’une nation peut difficilement être évalué à l’aune du revenu national tel que défini par le PNB. […] Des objectifs de « plus » de croissance doivent préciser de quoi et pour quoi. »

Au cours des années 70 et 80, la critique du PNB comme mesure du progrès est devenue moins marginale et a gagné des voix dans le courant dominant. Ce processus a été conduit par divers activistes et intellectuels. Hazel Henderson a réalisé un travail pionnier en développant l’Index de qualité de la vie Clavert-Henderson, qui intègre les valeurs culturelles et les opportunités d’épanouissement personnel. De même, Herman Daly a contribué à cette réflexion à la fois en tant qu’universitaire et en tant qu’économiste de la Banque mondiale.

En 1989, le Président de la Banque mondiale, Barber B. Conable, a rejoint les critiques en affirmant que les chiffres du PNB désignaient généralement un revenu qui ne peut pas être maintenu indéfiniment : « les calculs actuels ignorent la dégradation des ressources naturelles et considèrent les ventes de ressources non-renouvelables totalement comme un revenu. Il faut trouver une meilleure méthode pour mesurer la prospérité et le progrès de l’humanité ».

Depuis, la Banque mondiale a cherché à classer les pays non plus par PNB mais par la qualité de la vie. En 1995, elle a sorti le révolutionnaire Index de richesse qui estime que la richesse des nations consiste à 60 % du « capital humain » (organisation sociale, compétences humaines et connaissances), à 20 % du capital environnemental (contribution de la nature) et à seulement 20 % du capital construit (entreprises et capital). Entre-temps, en 1990, les Nations Unies avaient lancé l’Index de Développement Humain (IDH) qui mesure des facteurs tels que l’éducation, l’espérance de vie ou les droits de l’homme.

En 1992, au Sommet de la Terre de Rio, 170 pays ont signé l’Agenda 21. Ce document contient une disposition incitant à remanier les comptes nationaux afin d’intégrer le capital environnemental et les coûts de pollution et de destruction, et d’inclure le travail non rémunéré de millions de femmes au foyer, les secteurs informels, l’agriculture traditionnelle et le travail volontaire communautaire.

Redéfinir le progrès

Ces évolutions ont créé un espace pour des remises en cause plus radicales de la définition et de la mesure de la prospérité et du progrès. Redefining Progress (redéfinir le progrès) est un groupe de réflexion fondé en 1994 et basé à San Francisco. Il a mis en place des Indices de Progrès Véritable (Genuine Progress Indicators, GPI, cf. infra). C’est aussi dans ce think tank que Mathis Wackernagel a mûri le concept d’empreinte écologique.

D’après l’analyse de GPI faite par Redefinng Progress, la qualité de vie américaine a baissé de manière continue depuis les années soixante-dix. Car le GPI regarde au-delà de l’argent et prend en compte des éléments tels que le temps passé en famille ou la qualité de l’air comme indicateurs importants d’une société en bonne santé. Cette analyse montre qu’alors que le PNB des États-Unis a augmenté, il y a eu une baisse correspondante de temps libre pour la majorité des Américains. Depuis les années 70, la plupart a dû travailler plus dur et plus longtemps pour rester à la même place économique. De la même manière, il est certes profitable à l’économie que la possession d’un véhicule ait triplé depuis les années cinquante, mais le temps passé dans les transports et les embouteillages a plus que doublé.

Il faut également prendre en compte les conséquences de la consommation excessive. Aux État-Unis, l’alimentation est une industrie de 700 milliards de dollars. Près de 50 % des Américains se considèrent en surpoids et environ 33 milliards de dollars sont dépensés chaque année pour tenter de réparer les effets de la sur-alimentation. L’obésité des enfants a été officiellement déclarée comme « épidémie ». Le diabète lié au surpoids a quadruplé chez les enfants ces quinze dernières années. Environ 70 % de la facture médicale nationale vient de maladies liées au mode de vie, qu’il est donc possible de prévenir. Jonathan Rowe, chercheur à Redefining Progress écrit : « Nous nous rendons littéralement nous-mêmes malades. Nous avons fonctionné avec des affirmations erronées tout au long du siècle dernier et surtout depuis la seconde guerre mondiale. Le fait que les gens ressentent le besoin de s’arrêter et de se poser la question « Qu’est-ce-qui est mieux ? » est en soi un signe, et un signe positif. »

Redefining Progress ne récolte pas toutes ces données uniquement pour réchauffer les cœurs des défenseurs d’un mode de vie simple ou des critiques amères du mode de vie américain qui gaspille. Ce n’est pas non plus un groupe de gens qui veulent démanteler l’édifice industriel moderne. Il fait cependant partie d’un crescendo de voix qui montrent comment la « croissance » économique ne conduit pas automatiquement au bien-être de l’homme et comment elle détruit en partie le capital naturel et social.

L’Indice de Progrès Véritable

Quand Redefining Progress a développé l’Indice de Progrès Véritable (Genuine Progress Indicator, GPI), ils ont d’abord remis en question la déclaration de Paul Samuelson que « l’économie s’occupe de concepts qui peuvent faire l’objet de mesures ». C’est un truisme d’affirmer que la valeur de notre famille, de la vie communautaire, des océans, des grands espaces ne peut pas être mesurée à la manière où le sont les voitures, diamants ou sacs de blé. L’objectif des GPI n’est pas de leur attribuer une valeur monétaire mais d’avoir un bilan plus complet, plus réaliste de l’interface entre le marché et la société. Par exemple, alors que le PNB compte comme un « progrès » l’argent dépensé à prévenir la criminalité ou à en réparer les pertes et dommages, la liste GPI le place du côté négatif.

En utilisant les données du gouvernement des États-Unis et des instituts de recherche, le GPI permet d’évaluer des éléments que l’économie classique ignore. Par exemple, il prend en compte la distribution des revenus. Dans les années 80, le 1 % le plus riche des foyers américains connaissait une croissance de ses revenus de 60 %, tandis que ceux des 40 % les plus pauvres baissaient. Les dégâts causés à la santé, à l’agriculture, aux habitations par la pollution de l’air et de l’eau sont également comptabilisés comme une perte. Pour Redefining Progress il ne s’agit pas d’un simple exercice universitaire. Il s’agit de faire des GPI des outils à la disposition des localités, villages et villes qui peuvent les utiliser pour vérifier leur propre situation au regard de ces indicateurs. Ces projets visent essentiellement à évaluer la qualité de vie dans une communauté en intégrant bien-être environnemental, social et économique.

Comment et pourquoi les indices ont-ils eu tant de succès à la fin des années 90 ? Selon Redefining Progress, cela est dû à la stabilisation de certaines mesures de qualité de la vie sociale. Le sous-emploi a commencé à baisser en 1989, même s’il était huit fois plus élevé qu’en 1950. L’accès à de meilleurs emplois pour plus de personnes s’est traduit par une réduction des taux de maladies, suicides et crimes. Cela a renforcé l’importance de la qualité de la croissance économique.

Pour une initiative qui a commencé plus comme une expérience de la pensée que comme une mesure scientifique, le GPI a fait un long chemin en 10 ans. Ses défenseurs ne s’inquiètent pas de ses lacunes actuelles car ils le considèrent comme un outil toujours à perfectionner. De plus, comme le souligne Rowe, les lacunes dans le concept et dans les mécanismes de GPI sont moins fondamentalement liées à des conceptions erronées que les lacunes présentes dans le PNB.

Le GPI a évolué et a été affiné par GPI Atlantic, une organisation à but non lucratif basée au Canada, à Nova Scotia. Fondée en 1997, GPI Atlantic est l’un des leader dans la recherche sur les indicateurs de qualité de vie. Elle intègre 22 critères différents, y compris les heures de travail, la distribution des revenus, la santé de la population et les émission de gaz à effet de serre. « Ce que nous mesurons, est le signe de ce que nous valorisons dans notre société », dit Ron Coleman, le directeur d’Atlantic GPI. « Si vous mesurez les bonnes choses vous changez tout le programme politique. »

Le résultat de ces mesures peut sembler de la poudre aux yeux pour les sceptiques. Mais GPI Atlantic a montré que le recyclage des déchets solides a permis aux contribuables de Nova Scotia d’économiser 31 millions de dollars par an, en énergie notamment. Le travail de GPI Atlantic a inspiré de nombreuses études régionales au Canada.

Palavras-chave

desenvolvimento econômico, ciências econômicas, teoria econômica


, Estados Unidos da América

dossiê

Une Economie du bien-être: regards sur les alternatives économiques

Notas

Traduit de l’anglais par Valérie FERNANDO

Cette fiche est également disponible en anglais : Measuring well-being: redefining progress

Pour plus d’informations sur l’indice de progrès véritable (Genuine Progress Indicator), voir le site Internet de Redefing Progress

Voir également le site de GPI Atlantic

Fonte

Livro

Rajni BAKSHI, An Economics For Well-Being, Centre for Education and Documentation, Mumbai & Bangalore, 2007

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