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Les autochtones ne rentreront pas au pays

Ravleen KAUR

03 / 2008

La vieille Jidemadamma, toute rabougrie, n’a d’autre choix que de dépendre de ses voisins pour ses repas. Son fils et sa belle-fille sont partis à Kodagu pour récolter du poivre sur les poivriers et ils ne seront pas de retour avant deux semaines. « Ils ont aussi emmené les enfants parce que je ne peux plus tellement me déplacer. Auparavant, nous vivions tous ensemble ici. Maintenant il n’y a plus personne », dit la septuagénaire, assise à l’extérieur de sa hutte dans la Kaneri Colony, l’un des 62 hameaux de la réserve naturelle Bilgiri Rangaswamy Temple (BRT) dans le sud du Karnataka.

Jidemadamma fait partie des quelques Soligas, une communauté indigène, qui restent dans le hameau. Les Soligas, dont le nom signifie littéralement « les enfants des bambous », sont connus pour leurs pratiques respectueuses de l’environnement et la collecte, de manière durable, des petits produits de la forêt. Mais la plupart ont migré à la recherche de nouveaux moyens de subsistance depuis que le Gouvernement a interdit, voici deux ans, la collecte des produits de la forêt autres que le bois (miel, lichen, fruit amla, baies, noix) qui constituent leur principale source de revenu. La même histoire se retrouve dans les autres hameaux de cette réserve des Ghâts occidentaux.

Cette migration a lieu à un moment où les Soligas devraient pourtant rentrer à la maison, et pour de bon. La loi de 2006 sur les Tribus répertoriées et les Habitants traditionnels des Forêts (Reconnaissance des Droits de la Forêt), reconnaissant les droits des populations tribales sur les forêts, a été notifiée le 1er janvier 2007. « Nous pensions que quand la loi serait mise en œuvre nos soucis cesseraient et que les habitants reviendraient, mais il n’y a eu aucun changement », déplore C. Madhegowda qui travaille avec l’Ashoka Trust for Research in Ecology and Environment (ATREE) et est le premier diplômé de l’enseignement supérieur parmi les Soligas.

L’interdiction de l’usage commercial des produits forestiers autres que le bois a été introduite en 2004 sous la Wild Life (Protection) Amendment Act (Loi d’Amendement de la Vie Sauvage-Protection) mais les Soligas ont continué à récolter les petits produits de la forêt dans le cadre des Large Scale Adivasi Multi-Purpose Societies (sociétés coopératives tribales établies par le Gouvernement) jusqu’en avril 2006 car la nature de l’activité, commerciale ou non, demeurait incertaine (voir « Stop trade » in Down To Earth, 30 septembre 2004).

Les produits récoltés par les populations tribales étaient vendus au plus offrant à travers ces sociétés coopératives dans la réserve Bilgiri Rangaswamy Temple, à Chamarajanagar et Hanur. Environ 16 .000 personnes vivant au cœur de la réserve dépendaient de la vente des produits de la forêt et de l’agriculture de subsistance. Ils migrent désormais à grande échelle.

Déracinés

Dans le hameau de Puranipur, 80 à 110 familles ont migré. La plupart travaillent soit dans les plantations de café et de poivre soit en tant qu’ouvriers dans des exploitations agricoles et dans les sites de construction à Kodagu, à Wayanad au Kérala et même à 150 km de chez eux à Tirupur et Coimbatore au Tamil Nadu. « Dans le village de Kuntguri, au pied des montagnes, les populations tribales sont désormais passées de façon permanente au travail de salarié agricole dans les fermes », dit Sidappa Shetty, membre d’ATREE, qui a travaillé dans la région pendant 12 ans.

« Deux fois par semaine mes deux fils vont couper les mauvaises herbes sur les bas-côtés des routes pour le compte du Département des Forêts. Les autres jours, ils vont à Chamarajanagar pour travailler en tant que coolie (porteur) ou comme ouvrier de la construction. La moitié des salaires part dans les frais de transport. C’est uniquement parce que nous avons une plantation de café qui améliore nos revenus de 4.000 roupies par an que nous pouvons survivre », dit Bummana Madhegowda de Muthugade Gadde.

« La vente des produits de la forêt constituait près de 60% de notre revenu et une personne pouvait gagner jusqu’à 12.000 roupies par an. L’agriculture ici n’est que pour la subsistance », ajoute C. Madhegowda d’ATREE.

Les Soligas haussent les épaules

Les Soligas ont géré pendant des années les ressources de la forêt pour déterminer ce qui devait être récolté, quand et comment. Ils ne s’y intéressent désormais plus. Les sociétés adivasis (tribales) et le centre Vivekananda Girijana Kalyan Kendra (VGKK), une ONG qui travaille avec les Soligas depuis 30 ans, ont développé un système participatif de cartographie des ressources. « L’objectif du système participatif est de conserver une trace des ressources dans le temps et l’espace et de contrôler non seulement les stocks disponibles mais aussi la capacité de régénération des arbres et les menaces potentielles que les ressources encourent », écrit Shetty dans son étude sur la région. Ainsi, pendant l’extraction de l’amla les tribaux ôtaient des arbres les plantes hémiparasites qui se nourrissent en partie de leur hôte. Mais comme cela n’a pas été fait cette année, de nombreux arbres sont morts.

Les populations tribales ont également cessé d’aider le Département des Forêts dans sa lutte contre les feux de forêts et en mars 2007 un grand incendie s’est déclaré dans la réserve : le département a mis 10 jours pour en venir à bout. Le feu a été imputé aux tribaux qui souhaitent que l’interdiction sur l’extraction commerciale des produits forestiers soit levée. Une plainte a été enregistrée contre 28 tribaux, dit C. Madhegowda. D’après H. Sudarshan, secrétaire honoraire de VGKK, l’incendie était dû en partie au manque de vigilance des tribaux. « Les populations tribales jouaient un rôle important dans le contrôle des grands incendies. Le Département des Forêts emploie chaque année 20 à 25 d’entre eux comme gardiens pour lutter contre les incendies. Mais cette année les Soligas n’ont pas pris la peine de contrôler les feux. De plus, très peu de gens ont été employés pour la prévention des feux », dit-il.

Le manque de coopération de la part des tribaux concerne aussi les arbres et la vie sauvage. Le lantana dont la prolifération n’a pas été contrôlée a empêché la croissance des arbres kidiya, dont les éléphants se nourrissent, et il y a eu des cas où les éléphants ont saccagé et détruit les récoltes, aussi petites soient-elle, des habitants. « Mon mari Ramegowda est allé à Kodagu pour la récolte de café. Ici aussi nous cultivons du café, du ragi et des bananes. Mais il y a trois jours, un éléphant a piétiné les cultures. Si les voisins ne nous avaient pas alerté cette nuit là il aurait aussi détruit notre hutte », dit Nanjamma de la Kaneri Colony.

Une longue attente

Les unités de transformation de la région de VGKK produisant du miel et des pickle (condiments épicés) ne reçoivent pas assez de miel ni d’amla. « Il y a eu des cas où les villageois vendent le miel aux touristes de manière illégale et nous ne pourrons pas les contrôler très longtemps si l’interdiction est maintenue », prévient C. Madhegowda.

Le 24 janvier, près de 700 tribaux ont tenu un rassemblement de protestation à Bangalore. « Le Gouverneur nous a assuré qu’un comité serait formé avec des responsables officiels des forêts et des leaders tribaux pour poser les conditions de la mise en œuvre de la Loi sur les Droits de la Forêt, mais il n’a donné aucune date », dit C. Madhegowda. Le Département des Forêts affirme que la mise en œuvre de la loi prendra du temps. « Après la notification, cela prend du temps de constituer les différents comités et de décider des modalités », dit R. Raju, conservateur adjoint des forêts, Division de la Vie Sauvage, Chamarajanagar.

En attendant, Jidemadamma devra rester seule.

Palavras-chave

floresta, povos indígenas


, Índia

Notas

Lire l’original en anglais : No return of the native

Traduction : Valérie FERNANDO

Voir aussi les sites Internet suivants :

  • Ashoka Trust for Research in Ecology and Environment, ATREE

  • Vivekananda Girijana Kalyan Kendra, VGKK

Fonte

Artigos e dossiês

Ravleen KAUR, « No return of the native », in Down To Earth, 15 mars 2008

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