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Alimentation animale : les éleveurs français peuvent-ils se passer du soja OGM ?

Quelques pistes d’alternatives

Nolwenn WEILER

04 / 2009

Principale porte d’entrée des OGM en Europe, l’alimentation animale à base de soja entraîne déforestation et destruction de la paysannerie dans les pays producteurs. Ce système induit aussi une forte dépendance des pays importateurs. En matière de protéines végétales, indispensables à la croissance du bétail, il existe pourtant diverses alternatives au soja, et aux OGM. Doublées d’un changement d’organisation du système agricole, elles permettraient de sortir de ce cercle aberrant d’importation de millions de tonnes de nourriture pour du bétail dont on ré-exporte une partie ensuite.

Chez Serge, paysan dans le Sud-ouest de la France, les 50 cochons élevés chaque année n’ingèrent pas un tourteau de soja : « Nous leur donnons un mélange à base d’avoine, de triticale ou de blé et de pois ou de féverole. Nous achetons 40% de l’orge consommé. Tout le reste est produit sur la ferme. » Avant 1993, la ferme de 60 hectares de Serge et de ses deux associés n’élevait que des porcs, en hors-sol, nourris à 100% par des céréales, achetées, et du soja, acheté lui aussi, et importé. Bien qu’elle produise 55% de ses protéines, la France est en effet le plus gros importateur et consommateur européen de tourteaux de soja, dont la majorité viennent du Brésil : 22% du soja exporté par le Brésil est destiné à la France. Des OGM se retrouvent ainsi dans nos assiettes, sans la moindre mention de leur présence sur une étiquette.

Le soja imposé par les États-Unis

Arrivé en Europe au lendemain de la guerre 39-45, dans les valises du plan Marshall, le soja est devenu la source principale d’apport protéique dans l’alimentation animale européenne et française suite aux accords du Gatt de 1961-62, qui accordèrent la quasi-exclusivité de la production de protéines végétales aux États-Unis et à leur zone d’influence (Amérique latine), l’Europe étant chargée de produire des céréales. Les négociations successives dans le cadre de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) et de la Politique agricole commune (PAC) ont toujours validé cette spécialisation céréalière de l’Union européenne. Riche en énergie et en protéines, le soja complète parfaitement les céréales et les fourrages que l’on donne par ailleurs au bétail. Il présente en plus une bonne digestibilité pour tous les types d’animaux et des atouts économiques. Son coût reste faible tant que l’on n’intègre pas dans le prix final les conséquences environnementales - déforestation en Amérique du sud, culture OGM et utilisation massive de pesticides - et sociales - disparition des petits paysans.

Protéines de substitution

Difficile, parce qu’exigeant une nouvelle organisation, le remplacement du soja dans l’alimentation animale est pourtant loin d’être impossible. Les éleveurs bio le prouvent au quotidien. Diverses études ont imaginé des scénarii de substitution, notamment en France, championne européenne de l’élevage hors sol. Un rapport, publié en janvier dernier par le WWF France et l’Enesad (Etablissement national d’enseignement supérieur agronomique de Dijon) souligne que « si les jachères obligatoires sont supprimées et les objectifs du plan biocarburant pour 2010 appliqués (7% d’incorporation), l’augmentation des surfaces en oléo-protéagineux (colza et tournesol, riches en protéines, ndlr) pourrait se chiffrer à 1,5 million d’hectares, ce qui permettrait de diviser par deux les besoins en tourteaux de soja ». Les tourteaux d’oléagineux ne sont pas les seules alternatives envisageables. Pour remplacer le soja, il y a aussi les légumineuses à graines (pois, féverole, lupin) et les légumineuses fourragères (luzerne, trèfles, sainfoin, lotier). « La mise en culture de toutes ces alternatives dans les rotations céréalières présente des intérêts agronomiques et environnementaux : diversification des cultures, amélioration de la structure du sol, apport d’azote par les légumineuses permettant de diminuer les quantités d’engrais à apporter », précise encore le rapport WWF/Enesad. « De plus, hormis le colza et le pois, très sensibles aux maladies et aux ravageurs, ces cultures nécessitent peu d’interventions et peu de traitements phytosanitaires. Même si les rendements sont très aléatoires d’une année sur l’autre, la plupart des alternatives (sauf les oléagineux) ont des rendements en protéines par hectare le plus souvent égaux ou supérieurs à ceux du soja. » Alors, qu’attend-on pour s’y mettre ?

Lobbies industriels contre paysans

Philippe Desbrosses, agriculteur, auteur d’une thèse de doctorat sur le lupin, a été l’un des principaux acteurs de la tentative de réintroduction du lupin en France au début des années 1980. « Lorsque l’on réalise que le lupin, par exemple, peut non seulement diminuer nos importations de soja mais aussi diminuer notablement notre consommation d’engrais chimiques et de produits phytosanitaires, on comprend aisément les barrages mis en place depuis 20 ans face à cette opportunité. Les lobbies industriels sont très puissants, et ils influencent nos hommes politiques. Les firmes qui commercialisent des OGM ne voient pas non plus d’un bon œil ces possibilités de remplacement du soja dans l’alimentation du bétail. » Pour Philippe Desbrosses, il ne reste maintenant qu’à attendre « l’apogée de la crise alimentaire, et la relocalisation de l’agriculture, qui s’imposera alors. »

Changement des modes de consommation

Si la substitution est possible, elle n’est évidemment pas la seule option à retenir. La fin de la dépendance au soja, c’est aussi, voire avant tout, une révision du modèle agricole dominant qui permettra de diminuer et de relocaliser nos besoins en protéines. « Nous ne nous sommes pas contentés de supprimer le soja pour nos porcs, reprend Serge. Nous avons repensé la globalité de notre activité et sommes passés en polyculture élevage bio, avec transformation et vente directe de tous nos produits : huile de tournesol, pain, viande fraîche et charcuterie. Cette diversification de notre activité était indispensable pour garantir une rémunération correcte. Nous avons augmenté notre temps de travail, mais sécurisé notre rémunération, puisque nous fixons nous mêmes les prix et sommes en vente directe. » En plus d’une indispensable désintensification des élevages, et de la relocalisation du marché de l’alimentation, il faut absolument revoir nos habitudes de consommation, en commençant par diminuer notre consommation de viande, pour la remplacer par des protéines végétales (lentilles, pois, fèves, haricots secs, etc). En plus de lutter très concrètement contre un système de production absurde, cette diminution de la part carnée de l’alimentation permet d’acheter, de temps en temps, de la très bonne viande, sans pesticides, sans antibiotiques, et garantie 100% sans soja OGM importés du Brésil ou des États-Unis.

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