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Corruption active

Sylvain LAVELLE

03 / 2010

Nous sommes dans la société BEZU, grand constructeur du bâtiment, en particulier auprès de l’industrie fluviale et maritime. Mademoiselle Dorothée y travaille en tant que chef de projet en installation thermique. Elle est mobilisée dans ce cadre par la construction d’une halle pour des échanges commerciaux de produits issus de la mer et en particulier par le choix d’un système thermique assurant une conservation optimale des produits.

Suite à une pré-étude du bureau d’études de BEZU, elle lance pour ce faire une consultation auprès de cinq spécialistes en climatisation, notamment frigorifique, que le bureau d’études a retenus pour la qualité de leurs prestations. Sur ces cinq candidats, trois sont éliminés assez vite, leurs propositions étant par trop discordantes par rapport au cahier des charges, qu’il s’agisse des coûts ou des délais d’approvisionnement. Restent donc en lice deux constructeurs possibles, FROID+ et CONGELI. Pour faire jouer la concurrence, Mademoiselle Dorothée, selon les pratiques en usage, contacte alors les acteurs commerciaux des deux entreprises pour tenter d’obtenir une remise supplémentaire sur leurs offres initiales. FROID+ consent à une réduction de 4% de son prix initial et CONGELI propose 6%. Les deux rivaux sont informés du fait que la décision les départageant serait prise dans quelques jours.

Or, le lendemain matin des derniers appels échangés, Mademoiselle Dorothée reçoit un appel sur son portable personnel (dont elle avait laissé le numéro) : c’est le représentant commercial de FROID+ qui tient à l’informer du fait que, au cas où son entreprise serait retenue pour le marché, il lui serait possible d’effectuer un voyage touristique au Mexique pour une « visite d’entreprise » aux frais de FROID+. Va, dès lors, se jouer un dilemme en la conscience de Mademoiselle Dorothée, entre son intérêt personnel et celui de sa société. Celui-ci peut se décliner selon différentes éventualités d’action.

Le choix le plus respectable serait sans doute d’accorder la faveur à CONGELI, dont le prix est le plus intéressant et répond donc le mieux aux attentes de BEZU. Mademoiselle Dorothée pourrait également prévenir sa hiérarchie de la proposition illicite qui lui est faite, ce qui aurait sûrement pour effet de compromettre les relations de BEZU avec FROID+, mais pourrait faire réfléchir FROID+ au bien-fondé de ses méthodes. Il lui serait également possible de repousser par elle-même la proposition, voire de solliciter en compensation une nouvelle remise supplémentaire. Enfin, il est évidemment possible à Mademoiselle Dorothée d’accepter la proposition, et d’accorder son choix à FROID+. Certes, Mademoiselle Dorothée n’ignore pas l’existence, au sein de BEZU, d’une charte d’éthique interdisant très clairement aux employés d’accepter des cadeaux provenant des fournisseurs, charte dont les fournisseurs eux-mêmes ont d’ailleurs connaissance. Elle sait très bien que le risque encouru est celui du licenciement. Elle n’est pas moins consciente du fait que les lois en vigueur interdisent également ces pratiques, qu’elles assignent à la catégorie de l’abus de biens sociaux.

Et pourtant, ce sera effectivement le choix retenu. Les raisons que l’on peut trouver à son geste forment un amas confus. Pourquoi ne pas profiter un peu, alors que personne n’en saura rien, et qu’elle n’aura à rendre aucun compte sur le choix du fournisseur ? Le préjudice subi par BEZU est réel, mais combien de fois n’a-t-elle pas, elle-même, donné de son temps et de son travail pour une reconnaissance médiocre ? Le Mexique enfin, où elle rêvait d’aller depuis longtemps, sans tracas et sans organisation, à simple portée de main. Voilà donc qui fut fait. Aucun contact n’eut lieu au sujet de cette affaire avec FROID+ sur le site de BEZU. Le voyage fut effectué sur le temps de congés et Mademoiselle Dorothée en profita pleinement et sans remords.

Néanmoins, un regard un peu plus distancié nous manifeste évidemment les périls de la situation à venir. D’abord, une fuite n’est jamais impossible et la hiérarchie de BEZU, ou certains des collègues de Dorothée, pourraient avoir vent de l’affaire d’une façon ou d’une autre. De façon moins lointaine, il est probable que la situation d’échange économique avec FROID+ se trouve faussée par les conditions d’attribution du marché. Le risque est grand que les prestations de FROID+ soient médiocres, une part du travail ayant été en quelque sorte réglé en nature… et il sera sans doute difficile de se plaindre si le contrat n’est pas respecté dans les termes. C’est de toutes les façons une dépendance que Mademoiselle Dorothée inaugure ainsi, entraînant d’ailleurs avec elle BEZU tout entière, dont se propagera l’image, dans le milieu, de « boîte corruptible »… Il est probable qu’à long terme, la sérénité de Mademoiselle Dorothée s’en trouve un peu compromise. Il s’agit en tous cas bel et bien d’un cas de corruption active, aucun lien affectif n’existant préalablement entre le fournisseur et la personne contactée.

Palavras-chave

corrupção, lusta contra a corrupção


, Franca

dossiê

L’analyse techno-éthique

Fonte

Entrevista

CETS - Groupe ICAM, Polytechnicum Lille (Centre Ethique, Technique & Société - Institut Catholique des Arts et Métiers) - 6 rue Auber, 59000 Lille, FRANCE - Tel : +33 (0)3.20.22.61.61 - Fax : +33 (0)3.20.93.14.89 - Franca - cets.groupe-icam.fr

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