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La mobilisation communautaire

Le renforcement des initiatives communautaires et des partenariats public-privé est le véritable mot d’ordre de la campagne britannique d’agendas 21 locaux

Cyria Emelianoff

2001

Au Royaume Uni, et plus généralement dans le monde anglo-saxon, la ville durable est assimilée à une communauté durable (1). Le renforcement des initiatives communautaires et des partenariats public-privé est d’ailleurs le véritable mot d’ordre de la campagne britannique d’agendas 21 locaux, initiée en 1992 par l’association de collectivités locales Local Government Managment Board. Le souci de subsidiarité s’accompagne d’une confiance et d’un appel aux mécanismes du marché. Les partenariats avec le secteur privé et les groupes d’entreprises « vertes » sont encouragés. Les projets de ville durable s’inscrivent dans la relance de l’économie par le réaménagement d’espaces durablement attractifs.

Les agendas 21 locaux mis en place se sont souvent donnés pour mission de renforcer le sens de la communauté, de la régénérer. La communauté, pense-t-on, favorise l’expression des sociabilités et l’apaisement des tensions inter-ethniques ou intergénérationnelles, via le sentiment d’appartenance locale et les bonnes relations de voisinage. L’attachement ou l’identification au quartier est supposée endiguer le vandalisme et la dégradation de l’environnement local (2). La communauté est donc le niveau par excellence de la sensibilisation et de l’éducation à l’environnement. C’est le lieu d’une responsabilisation possible face aux enjeux écologiques et d’une prise en charge des problèmes par les populations elles-mêmes. Les politiques environnementales qui ont précédé les agendas 21 locaux se réclamaient de la même philosophie (3).

Cette approche communautaire n’est en rien spécifique aux agendas 21 locaux : elle imprègne plus largement les politiques urbaines et sociales. Elle est le pendant d’une planification urbaine qui cherche avant tout à mobiliser l’investissement privé, ce qui la rend très pragmatique, et de la centralisation politique qui laisse peu de marges de manoeuvre aux collectivités locales. Ces dernières ont surtout la charge des services et projets de proximité, qui se prêtent bien à la participation des habitants.

Dans le monde anglo-saxon, l’approche communautaire est synonyme de défense des intérêts collectifs, afin de pallier l’offre du marché réservée aux consommateurs solvables, et dont les constructions fragmentent en outre les villes[[Rogers R., Gumuchdjian P., 2000. Des villes pour une petite planète. Le Moniteur, Paris]]. Son ambition est de « renforcer les capacités », de redonner un pouvoir décisionnel aux populations mises à l’écart (4). On trouve ici un souci de mieux intégrer certains publics cibles : les femmes, les minorités ethniques, les communautés homosexuelles, les jeunes ou les personnes âgées, souvent impliqués dans les démarches d’agendas 21.

La mobilisation communautaire peut toutefois conduire à des attitudes de repli ou d’auto-enfermement, que ce soit sur un registre social ou ethnique, politique ou écologique, lorsque les attitudes « Nimby » (5) ou les préoccupations locales font oublier les problèmes globaux (effet de serre, etc.). Le mouvement des architectes britanniques pour la construction de « villages urbains » n’est pas sans ambiguïtés à cet égard.

Un second problème est le jeu de délégations qui vise à responsabiliser soit des communautés, soit des consommateurs, soit des groupes d’habitants. Amener la communauté, et plus spécifiquement les populations en situation difficile, à se prendre en charge par l’élaboration de projets collectifs, dans le cadre d’un agenda 21 local, permet souvent à la puissance publique de se retirer du jeu. Une autre dérive est d’utiliser sciemment le bénévolat des associations et des habitants pour produire de l’action publique à moindre coût.

Si l’approche communautaire permet de déployer un bel espace d’expression et de concertation, qui peut avoir des effets heureux sur les individus qui y participent et les dynamiques locales, elle s’accompagne d’un désengagement de la puissance publique et d’une déresponsabilisation concomitante. On observe ainsi une étanchéité entre les processus de planification urbaine ou les opérations d’envergure urbaine, et l’espace assigné au développement durable, qui est plutôt celui des micro-projets.

La forte adhésion des villes britanniques au réseau européen des villes durables s’explique par cette attitude de responsabilisation locale, le développement durable ayant aussi nourri l’espoir d’un élargissement des pouvoirs locaux (6). Le concept est relativement médiatisé et connu du public, il imprègne les discours administratifs et politiques. Cependant, le refus de faire appel à des outils contraignants, que ce soit en termes de planification, de réglementation ou de fiscalité, tend à en faire un discours consensuel mais très peu opératoire.

Il s’ensuit un déficit particulier de réalisations et de résultats à l’échelle urbaine ou métropolitaine, comme l’illustre l’exemple londonien. Durant les trente dernières années, le centre de Londres a perdu près d’un tiers de sa population et 20% de ses emplois, suivant une évolution commune aux villes britanniques. Le report sur la périphérie a formé une vaste conurbation qui s’étend sur 320 km du nord-est au sud-ouest. Au-delà de l’autoroute M25 vivent 11,5 millions de personnes, dans le sud-est anglais en forte croissance, tandis que le territoire de Londres accueille un peu moins de 7 millions d’habitants. La première couronne de la ville est très paupérisée et dilatée à l’Est. Les friches affectent également le centre ville, qui comporte 25% de logements sociaux. La politique de transports en commun a pratiquement été abandonnée : une seule extension de ligne de métro et plusieurs projets de nouvelles lignes non réalisés depuis 1930 (7).

L’agglomération londonienne s’est pourtant dotée d’une stratégie de développement durable, élaborée au début des années quatre-vingt dix par le « London Planning Advisory Committee », Comité consultatif sur la planification, reposant sur la densification interstitielle du tissu aggloméré, en fonction des potentiels de chaque arrondissement, sur le maintien de la ceinture verte et sur l’aménagement de réseaux d’espaces verts pour accueillir des cheminements doux, des « routes vertes », les espaces récréationnels pouvant être transformés en parcours d’utilisation active. La recherche d’un polycentrisme a été également affirmée, contre la dispersion de l’urbanisation et l’emprise du modèle centre/périphérie, devant s’appuyer sur la régénération de pôles secondaires d’urbanité, interconnectés, revitalisés par la petite distribution commerciale (grâce à des mesures de discrimination positive). Mais cette stratégie n’était pas prescriptive et est restée largement inappliquée (8). Le changement de gouvernement a ensuite réorienté la réflexion et les efforts vers un objectif de régénération urbaine, sous la houlette de l’architecte Richard Rogers, les centres-villes et premières couronnes connaissant une phase de déclin marqué (paupérisation, perte d’emplois, exode urbain).

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Les villes européennes face au développement durable : une floraison d’initiatives sur fond de désengagement politique

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Tiré de : Les villes européennes face au développement durable : une floraison d’initiatives sur fond de désengagement politique

Par Cyria Emelianoff (Groupe de Recherche en Géographie Sociale de l’Université du Maine, ESO, UMR 6590 du CNRS)

Notas

1 Voir par exemple Mark Roseland, 1998. Toward Sustainable Communities. Ressources for Citizens and their Governments, New Society Publishers, Canada, 241 p.
2 Christ Church, in W. L. Lafferty (ed.), 2001. Sustainable communities in Europe, Earthscan, Londres.
3 Comme en témoigne la politique de Leicester, ville dite écologique au Royaume-Uni: « Le projet de ville environnementale est le suivant : éduquer les populations aux questions environnementales et aux mesures qu’elles peuvent prendre ; les motiver pour qu’elles prennent part à l’action; leur faciliter la conduite de vies plus écologiques ; et encourager les gens à exercer leur influence sur les décisions et à façonner leurs voisinages », in : Environmental Achievements in Leicester- Britain’s First environment City, septembre 1993, Environ, 31 p.
4 Ce que traduit le concept d’empowerment
5 Not In My Back Yard : « pas de ça chez moi »
6 Lafferty, 2001, op. cit.
7 Rogers, 2000, op. cit.
8 P. Deda, in Camagni R., Gibelli M-C. (dir.), 1997. Développement urbain durable. Quatre métropoles européennes. Ed. de l’Aube, 174 p.
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