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«  Les hommes aussi ont besoin d’être libérés du patriarcat. »

InfoChange India

07 / 2010

Les efforts pour s’attaquer à la violence faite aux femmes en Inde se sont concentrés sur le fait qu’il fallait donner aux femmes les moyens de faire valoir leurs droits et de prévenir la violence. Les hommes ont été isolés du processus de transformation, affirme Hirish Sadani de « Men Against Violence and Abuse » (Les Hommes Contre la Violence et la Maltraitance). Aussi longtemps que les hommes ne seront pas perçus comme un élément de la solution, le statut des femmes ne changera pas de façon significative.

Dans l’équation hommes-femmes, les femmes sont clairement les victimes et le problème est clairement les hommes. Cependant, on a fait plus de tentatives pour changer les femmes que pour changer les hommes. Donner aux femmes les moyens de s’assumer, décourager la discrimination et la violence envers elles, mettre sur pieds des organisations pour les femmes, légiférer pour protéger les droits des femmes et assurer leur protection, voilà quelques unes des démarches qui ont été prises dans ce sens. Mais n’est-il pas vrai que le plus grand changement doit venir de l’auteur des faits plutôt que de la victime ?

Harish Sadani reconnaît que « changer l’état d’esprit des hommes est un aspect clé de l’émancipation des femmes. Les hommes ont aussi besoin d’être ‘libérés’ des entraves du patriarcat ». Dans cette optique, il a fondé, en 1993, Men Against Violence and Abuse (Les Hommes contre la Violence et la Maltraitance, MAVA), une organisation parmi les quelques unes en Inde qui essaient de changer les attitudes patriarcales, machistes et souvent violentes des hommes.

Qu’est-ce qui vous a motivé à essayer de changer la façon de penser des hommes ?

Je suis né et j’ai été élevé dans des logements communautaires et j’ai été exposé à la violence basée sur la différence de sexe, y compris dans ma propre famille. Comme j’étais un garçon réservé, on me taquinait souvent en me disant que j’étais bailya (efféminé) ; je pensais que c’était un commentaire destiné à la condition des femmes par rapport aux hommes plutôt qu’à moi. Mais, pendant toutes ces années où je grandissais, cela devenait clair pour moi que le fait d’être différent et vulnérable d’un point de vue social et économique était difficile. Donc, les gens qui remettaient en question les stéréotypes culturels m’ont inspiré. Je me suis rendu compte que ce sont ces gens qui offrent une alternative aux systèmes de valeur fermés. Ce sont ces gens qui font vivre le dialogue.

Comment l’organisation MAVA est-elle née? Quelles méthodes utilisez-vous ?

Alors que je faisais mon master en travail social à l’Institut Tata des Sciences Sociales, mon expérience de bénévolat au sein d’une importante organisation de femmes de Mumbai m’a mis mal à l’aise en raison de l’ostracisme qu’ils adoptaient envers les hommes. Donc, quand un journal de Mumbai a fait appel aux hommes pour se rencontrer et prévenir la violence envers les femmes, j’ai répondu, et ceci a finalement conduit à la création de MAVA. L’objectif de l’organisation a été de rendre les hommes capables d’examiner les causes sous-jacentes de la violence envers les femmes et, dans la foulée, de défier les stéréotypes sexistes.

Les méthodes utilisées pour mobiliser les hommes ont été variées, innovantes et attirantes pour les jeunes. Il n’y a pas de système figé. A certains endroits, les journaux affichés aux murs et les groupes de discussion à thème sont un moyen efficace, à d’autres endroits, comme Satara, on a utilisé le théâtre de rue pour faire passer des messages. A Mumbai, une ligne téléphonique destinée aux étudiants offre des conseils et aide les jeunes en détresse.

Les jeunes gens sont de milieux socio-économiques différents, principalement de la classe moyenne et de la classe moyenne inférieure.

Notre premier projet à thème et à long terme fut « Yuva Maitri » ; nous avons utilisé toute une gamme de moyens pour mobiliser des jeunes hommes et encourager un dialogue sain sur la différence homme-femme,la sexualité, la masculinité et les questions apparentées. Nous avons commencé avec 33 étudiants dans la tranche d’âge 16-17, venant de six lycées ruraux et semi-ruraux du district de Pune ; ils avaient certaines qualités de leader et un potentiel créatif. Pendant un an, nous les avons formés pour devenir des « communicateurs », en utilisant des ateliers interactifs, des chansons de prise de conscience, des affiches, des projections de films, du théâtre de rue, etc.

Pendant la deuxième année de ce projet, les 17 étudiants communicateurs ont commencé à communiquer avec leurs camarades sur la différence homme-femme, les relations saines, la masculinité, etc. Ils ont affiché des journaux aux murs sur des thèmes variés comme les amitiés saines entre garçons et filles, l’interdiction faite par le législateur de l’éducation sexuelle dans les écoles, les suicides des fermiers, l’angoisse de la performance parmi les hommes, les avortements sélectifs selon le sexe qui conduisent à un déséquilibre entre les deux sexes etc. De temps en temps, ces communicateurs ont aussi pris des positions spécifiques sur des incidents de violence envers les femmes dans leur région.

Le projet s’est progressivement étendu à quatre autres districts du Maharashtra.

Qu’avez-vous appris sur les attitudes des hommes ?

En Inde, les efforts traditionnels pour aborder la violence faite aux femmes se sont concentrés sur le fait de donner aux femmes les moyens de s’affirmer et de prévenir la violence. Cette approche isole et sépare totalement les hommes du processus de transformation, et les maintient figés dans le modèle patriarchal. Le patriarcat, outre le fait qu’il désavantage les femmes, entraîne avec lui tout un ensemble de normes de comportement et de responsabilités qui empêchent les hommes d’exprimer leurs peurs, leurs problèmes et leurs vulnérabilités.

Les hommes deviennent violents, agressifs et insensibles à cause des modes de socialisation patriarcaux. On associe les images de masculinité au fait d’être fort et violent et aux notions selon lesquelles les hommes qui détiennent « la puissance » sont « de vrais hommes ».

Il faut s’intéresser à la manière dont les hommes analysent les perceptions de la masculinité et créent de meilleures alternatives. On manque cruellement de lieux de confiance où parler des problèmes qui suscitent des comportements violents, y compris ceux relatifs aux problèmes hommes-femmes et à la sexualité. On a aussi besoin de modèles de rôles masculins positifs qui soient sensibles aux différences hommes-femmes et qui puissent entraîner de jeunes hommes dans ce discours.

Alors qu’on accepte largement la nécessité de changer les normes et les attitudes en rapport avec la masculinité, peu d’efforts soutenus ont été faits en ce sens. Nous devons mettre en question la perception des formes dominantes de la masculinité chez les jeunes hommes.

Les communicateurs que nous avons formés fournissent des plateformes de confiance, sécurisantes (physiquement et psychologiquement) aux jeunes hommes afin qu’ils se détendent, se confient, communiquent, partagent leurs peurs, leurs idées, leurs dilemmes et leurs préoccupations et qu’ils se voient confrontés à des idées nouvelles sur les hommes et la masculinité. Et dans le processus de communication collective sur les problèmes hommes-femmes, ils ont évolué et ont encouragé de nouveaux modèles de masculinité plus respectueux des deux sexes.

Le projet nous a appris plusieurs choses intéressantes.

La masculinité est intrinsèquement liée à la « performance » des hommes aux différentes étapes de leur vie. Un des aspects de cette performance est le fait qu’ils assument la responsabilité matérielle de la famille. Dans les régions rurales de l’Inde, la pression constante pour assumer ce rôle tout en étant très jeunes, même avant d’avoir terminé leurs études (à la différence des régions urbaines), et l’incapacité à exprimer ces pressions, étaient évidentes parmi beaucoup d’étudiants du projet.

Il est beaucoup plus difficile et complexe de « se confier » pour les hommes que pour les femmes. Les hommes n’ont souvent aucune expérience, aucune confiance, ni même aucun vocabulaire pour décrire leurs sentiments les plus intimes concernant la sexualité et d’autres problèmes en relation avec celle-ci. En impliquant une équipe d’hommes expérimentés qui étaient disposés à partager des idées personnelles avec les jeunes hommes à travers ce projet, nous avons facilité se processus de « confidence » ; nous avons publié dans un magazine annuel les premières expériences d’hommes qui se confiaient et communiquaient leurs dilemmes, leurs angoisses, leurs vulnérabilités et d’autres problèmes liés à la masculinité.

Globalement, la motivation derrière le mouvement des hommes est relativement faible. Il faut du cran pour renoncer aux privilèges patriarcaux évidents et descendre d’une position dominante afin de gagner en estime de soi morale.

 

Diriez-vous que la plupart des hommes que vous avez rencontrés, ou qui viennent à vos sessions, sont des machistes ? Reconnaissez-vous chez eux un certain schéma de pensée en ce qui concerne la violence envers les femmes ? Par exemple, qu’il est acceptable de frapper ou battre les femmes, ou que les femmes induisent une telle violence, ou qu’elles sont inférieures en quelque sorte…

Pas tous, mais quelques uns parmi les hommes que nous avons rencontrés étaient des machistes. Il y a une acceptation tacite de la violence, y compris celle envers les femmes, dans toutes les couches de la société. Même s’il peut y avoir des hommes qui disent ne pas être violents avec les femmes dans leur vie, ils aiment néanmoins encore les contrôler et les dominer. Il y a deux ans, le National Family Health Survey (NFHS) a mis en évidence les conclusions de leur enquête selon lesquelles 55% des femmes ne considéraient pas comme mal le fait que les hommes de leur famille en viennent à les battre ; 51 % des hommes considéraient que c’était un droit de battre les femmes. Ces conclusions sont symptomatiques de l’acceptation tacite de la violence comme moyen pour résoudre un conflit, plutôt que d’avoir recours au dialogue ou à d’autres moyens pacifiques.

Pendant nos sessions interactives avec les jeunes, les garçons ont souvent avancé l’argument selon lequel les filles qui portent des vêtements transparents éveillent la violence chez les hommes. Nos étudiants communicateurs prennent la peine de réfuter cet argument en formulant des contre-questions et en partageant leur point de vue, expliquant que des fillettes de cinq ans et des femmes plus âgées ont été violées alors qu’elles portaient les vêtements Indiens traditionnels, soulignant ainsi le fait que les vêtements ne sont qu’un prétexte ; le véritable problème, c’est l’incapacité de hommes à contrôler leur sexualité.

 

Est-ce que vous recommanderiez l’éducation aux différences homme-femme (sensibilisation) comme partie intégrante d’un enseignement des valeurs dans les programmes scolaires, de la même manière que l’éducation à l’environnement est désormais obligatoire ?

Elle devrait sans aucun doute être inscrite dans les programmes scolaires. Elle a été introduite dans beaucoup d’écoles comme une valeur qui doit être inculquée. Cependant, il y a un manque de formation réelle des professeurs sur le sujet et on ne dispose pas de méthodes adaptées aux enfants. Un aspect clé de n’importe quel programme efficace de sensibilisation à la différence homme-femme est l’éducation sexuelle : elle enseigne aux filles comment s’affirmer et dire « non » aux avances sexuelles importunes, et elle enseigne aux garçons à accepter le « non » de façon digne. Mais nous avons vu comment, au fil des années, nos hommes politiques ont bloqué les efforts pour offrir une éducation à la sexualité qui soit sérieuse et complète (même aujourd’hui, on l’appelle officiellement « éducation pour vivre sa vie d’adolescent »), contestant même les supports visuels utilisés dans les manuels proposés par le Conseil National de la Recherche et de la Formation à l’Education (National Council of Education Research and Training / NCERT). Aucun effort sérieux n’a été fait pour mettre au point un programme qui tienne compte de tous les aspects clé mentionnés ci-dessus.

On considère les hommes comme un élément du problème, mais tant qu’ils ne sont pas considérés comme un élément de la solution et du processus de transformation, aucun changement significatif n’aura lieu dans le statut des femmes. Changer l’état d’esprit des hommes est la clé de la libération des femmes. Les hommes aussi ont besoin d’être «  libérés » des entraves du patriarcat. Cela appelle une révolution conceptuelle qui considérerait la « question des femmes » comme « une question de genre » (et donc à part égale « une question d’hommes »), et ce par toutes les personnes concernées.

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