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Résister à la résistance

Mohamed Larbi BOUGUERRA

03 / 1993

Peu après la deuxième guerre mondiale, on a cru que le DDT et les autres insecticides chimiques allaient permettre à l’homme de remporter la guerre millénaire que lui livrent les insectes. Mais rapidement, la nature répondit : des génotypes résistants d’insectes ravageurs apparurent et l’arsenal chimique fut défait. On compte aujourd’hui 500 espèces d’insectes et de mites dévastateurs résistants à un, voire plusieurs produits. Un tiers de la production agricole - exactement la même proportion qu’il y a un siècle - est perdue à l’heure actuelle du fait des nuisibles de l’agriculture. Bien évidemment, la production agricole totale contemporaine est bien plus importante qu’il y a cent ans.

Bientôt, apparaitront sur le marché des toxines insecticides génétiquement inscrites dans les récoltes à protéger. Mais l’intérêt de telles spéculations agricoles transgéniques sera relatif si les insectes s’adaptent rapidement à ces produits dernier cri. Le grand spécialiste anglais de la résistance, Robert May, étudie la question.

En fait, les gènes codant pour le bacillus thurigiensis ont été introduits dans diverses plantes utiles. Ce bacille est une bactérie aérobie Gram positive que l’on trouve couramment dans l’environnement. Le microorganisme produit diverses toxines qui tuent les insectes. Intérêt capital : elles sont spécifiques de certains insectes et ne sont pas persistantes dans le milieu. De plus, elles n’ont pas d’effets néfastes sur les oiseaux ou les mammifères et ne portent pas atteintes aux arthropodes entomophages qui aident l’agriculteur. On utilise en fait depuis plusieurs décades le bacille lui-même comme « insecticide microbien » dans plusieurs pays. Mais maintenant on en est aux plantes génétiquement modifiées qui vont produire elles-mêmes les toxines du bacille.

Pour les spécialistes, il suffira de quelques générations pour que la résistance à ce produit high-tech apparaisse. L’auteur donne un développement mathématique convaincant, le facteur principal étant ici la durée de vie de la génération de l’insecte considéré (généralement quelques mois, plus rarement une année ou plus). Comment renverser la tendance ? Laisser par exemple les gènes frais, jamais soumis au produit, faire irruption en maintenant des « refuges » pour ces insectes ou bien on peut élever des insectes dans le but de les relâcher pour qu’ils apportent les gènes. On peut aussi alterner et varier les traitements mais c’est là une technique peu efficace.

Il semblerait que les nouvelles techniques génétiques risquent plutôt d’accélérer la résistance. C’est pourquoi l’auteur en appelle à une législation à l’échelle européenne pour mettre des terres en jachère qui fourniraient ces « gènes frais ».

L’auteur conclut que la discussion du problème de la résistance doit prendre en considération les contextes socioéconomiques et bioéconomiques car il y a trois acteurs aux intérêts pas toujours convergents : le fabricant de pesticides, l’agriculteur et la société.

Palavras-chave

tratamento fitosanitário


,

dossiê

Biodiversité : le vivant en mouvement

Comentários

Gérard Holton (historien cité par Pierre Calame dans « L’état de la science » FPH-La Découverte 1992) écrit : « Le processus de l’invention scientifique n’est pas en danger, l’humanité, elle, l’est. » Lequel Pierre Calame ajoute : « Dès lors que le critère d’évaluation n’est pas l’utilité sociale, le savoir se clôt sur lui-même ». Cet article montre les limites de la « nouvelle » biologie moléculaire et de certaines visées mercantiles. L’auteur n’a pas évoqué - il s’est placé sur le terrain agricole - les problèmes de résistance apparus chez l’anophèle par exemple. Résultat : aujourd’hui, un milliard d’êtres humains est touché par la malaria car la FAO a utilisé à tout va les insecticides contre le moustique sans prêter attention aux conditions de vie des gens.

Notas

Titre original de l’article : « Resisting resistance »

Fonte

Artigos e dossiês

MAY, Robert R. in. NATURE, 1993/02/18 (Royaume Uni), 6413

menções legais