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De la forêt à la farinha, l’émergence d’activites secondaires dans les fronts pionniers amazoniens

Ethel DEL POZO

03 / 1996

Les front pionniers amazoniens sont caractérisés, de par leur histoire et par leur peuplement, par une économie particulièrement extravertie. Les produits exportés le sont essentiellement sous forme brute (minerais, bois, produits de l’élevage et agricoles). Dans le même temps, de nombreux besoins, y compris alimentaires, restent couverts par des apports venant de l’extérieur. C’est pourquoi l’apparition -y compris à une échelle modeste- d’activités de transformation locale, c’est à dire d’activités secondaires, représente un objet d’étude pertinent en tant qu’indicateur d’un changement dans le mode de mise en valeur des ressources du territoire. D’un point de vue économique, un tel changement affecte les relations entre groupes sociaux et territoires de plusieurs façons: apparition de pôles de mise en valeur; différenciation des rôles dans la chaîne commerciale; production d’une plus-value locale, qui peut ou non être réinvestie localement. De plus, l’émergence d’activités secondaires est également révélatrice de changements dans la perception et la représentation qu’ont les populations de leurs territoires et de leurs ressources.

Dans une zone de front pionnier de la région Transamazonienne (entre Maraba et Uruara, Etat du Para), un premier inventaire fait apparaître la diversité des formes existants de transformation locale des produits agricoles: la "farinha" (semoule de manioc précuite), la "rapadura" ou le "melado" (sucre roux ou miel de canne); la "cachaça" (eau de vie de canne); le "fuba" (semoule de maïs); le riz décortiqué, la "ximia" (charcuterie)et les propages fermiers, constituent autant d’exemples. Dans cette zone pionnière, la diversité des pratiques est pour partie associée aux pratiques alimentaires et aux origines des divers flux migratoires. On assiste ainsi à une migration des techniques et de savoir-faire.

L’étude des activités de transformation des produits agricoles dans l’agriculture familiale amazonienne soulève plusieurs questions d’ordre méthodologique:

-L’articulation entre les systèmes de production et les systèmes de transformation.- Dans la plupart des cas, ces deux systèmes font partie de la même unité économique, chaque unité familiale développe une stratégie dans laquelle sont intégrées les activités de transformation. Dans le cas de la "farinha" de manioc, la saison commence quand ont peut dégager de la main-d’oeuvre de la production de riz.

-L’articulation entre la localisation spatiale des activités de transformation et leur fonction socio-économique.- C’est une question de "degré d’enclavement". Dans les parcelles situées près de la route transamazonienne, les activités de transformation sont destinées essentiellement à la mise en marché des produits. Dans les zones plus enclavées, elles sont destinées plutôt à l’auto-consommation de l’unité familiale ou au troc à travers les réseaux sociaux de proximité.

-L’articulation entre des échelles spatiales et économiques différentes.- Il y a les unités individuelles de transformation à caractère familial ou communautaire; des unités individuelles qui se situent dans des réseaux localisés de production; à l’échelle d’une région, un ensemble de réseaux de production articulés, à travers un réseau routier, avec les centres urbains régionaux et le marché national et international.

Au même titre que les produits, les techniques et les savoir-faire observés le long de la route transamazonienne sont les résultats d’un métissage, de la migration de savoir-faire venant du Nordeste, du Parana ou du Minas Gerais.

Les organisations socio-économiques constituent la troisième entrée privilégiée pour l’étude des systèmes de transformation. Ces activités donnent souvent lieu à des formes d’organisation spécifique, mieux encore, elles peuvent jouer un rôle catalyseur dans le développement des organisations des producteurs et dans la constitution de réseaux sociaux de solidarité, facteurs essentiels dans la structuration des fronts pionniers amazoniens. Les "casas de farinha" communautaires, les groupements de femmes ou de jeunes, constitués autour des activités de transformation de produits, illustrent bien cet aspect.

En ce qui concerne le revenu du travail, et en adoptant l’hypothèse haute d’évaluation, soit 120 heures de travail pour 10 sacs de farinha, le revenu brut horaire peut être évalué à 0, 42 $/heure. Ce résultat, équivalent à environ 3,5$ pour une journée de 8 heures, supporte aisément la comparaison avec la rémunération du travail d’ouvrier agricole, qui était de 2 $/jour. En termes d’emploi rural, la fabrication d’une tonne de farinha rémunère environ un mois de travail paysan (240 h)près du double du salaire d’un ouvrier agricole. Un hectare de manioc produisant une moyenne de 30 sacs de farihna par "linha" soit 5 tonnes/ha, rémunère ainsi environ 5 mois de travail. Ces observations montrent que la farihna fournit en contre-saison, non seulement du travail, mais des revenus. Elle facilite ainsi le financement des intrants pour la campagne agricole, constituant par ce biais un élément régulateur des systèmes de production.

La contribution des activités de transformation à la stabilisation des front pionniers est significative: création de valeur ajoutée locale; régulation de l’économie locale; support d’initiatives et de projets collectifs; structuration de l’espace; valorisation de savoir-faire locaux ,notamment féminins; facteur favorable à une diversification économique. Mais les limites qui rencontrent ces activités ne doivent pas être sous-estimées: les activités de transformation des produits locaux peuvent atténuer, mais non remettre en cause, la tendance lourde à la spécialisation de la région vers les marchés du bois et du bétail sur pied.

Palavras-chave

agricultura, mandioca


, Brasil, Amazônia, Marabá, Altamira, Pará

Comentários

Après une longue et détaillée analyse des produits, des systèmes de transformation, des techniques et de l’organisation socio-économique, les auteurs formulent deux suggestions en termes prospectifs: 1)Il convient de mieux prendre en compte à l’avenir la dynamique urbaine qui est observée au sein même de ces zones planifiées essentiellement d’un point de vue agricole. La dynamique urbaine et péri-urbaine pourrait être mise à profit pour favoriser différents pôles de mise en valeur en fonction de la distance aux villes -plutôt que de persister dans la vision, démentie par l’expérience, d’un développement isomorphe. 2)La formulation et l’émergence des projets de la deuxième génération d’habitants du front pionnier méritent une attention particulière. Ceux qui sont nés ou ont grandi sur place et ceux qui sont arrivés récemment, ont-ils une perception différente du territoire que leurs aînés, marqués par l’élan pionnier et l’encadrement dirigiste initial? Alors que le front pionnier de la Transamazonienne fête ses 20 ans, le problème de la génération montante est plus que jamais posé.

Notas

Colloque "Agriculture Paysanne et Question Alimentaire", Chantilly, 20-23 Février, 1996.

E.del Pozo est une ethnologue d’origine péruvienne qui a beaucoup travaillé sur les organisations paysannes et indigènes.

Fonte

Actas de colóquio, seminário, encontro,…

SAUTIER, Denis; MUCHNIK, José

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