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L’intelligence des lumières selon Agnès Lagache

Agnès DE SOUZA

06 / 1996

La fracture de la culture entre ces deux monismes irréductibles et étroits que sont depuis le 19e siècle les champs de la matière et de l’esprit, n’est pas un héritage du siècle des Lumières, bien au contraire. Le 18e siècle a relevé le défi posé par le siècle précédent d’une rationalité large, enveloppant la vie et la matière, et tenté de découvrir cet ordre de vie -qui régit le comportement de l’homme comme les phénomènes naturels- de surcroît par essence lié avec l’ordre éthique. C’est à cette tradition d’une sensibilité signifiante et d’un sens corporel, de l’unité de la nature et de l’union de l’âme et du corps que se rattache l’homéopathie, dont la place, dans l’idéologie matérialiste actuelle, apparaît pour cette raison même si étrange, comme "enkystée". Une tradition d’où il faut repartir si l’on veut comprendre les phénomènes de la vie, les rapports de l’homme et du monde, et réconcilier la science et éthique.

Kant, Molyneux, Lessing, Diderot... :

Loin d’avoir fracturé la culture, les philosophes du 18e siècle reprirent à leur compte la question restée ouverte à la fin du 17e des passages entre les deux niveaux du corps et de la sensibilité (âme). La capacité du corps à sentir est nécessairement liée à la capacité de l’esprit à connaître et c’est la nature de ce lien qu’il faut élucider.

Kant s’y est essayé, dont, pour Agnès Lagache, on a fait à tort un rationaliste outrancier, oubliant qu’en 1781 il a forgé le "schème transcendantal de l’imagination" -intermédiaire et remarquable médiation s’il en est- apte à expliquer de quelle façon l’esprit donne une signification aux images. De l’image au schème, nous passons d’une altération passive de la sensibilité, qui peut être expliquée en termes d’effets matériels à une compréhension active qui construit le sens. Soit une théorie du passage entre ces deux niveaux séparés et différents que sont l’intellect et la sensibilité.

Kant répondait ainsi au très célèbre problème de Molyneux et qui était la question par définition du 18e siècle: si la perception est la modification matérielle d’un système somatique, d’ou vient le sens? Comment pouvons-nous éclairer la conjonction entre faits somatiques et activité de l’esprit? Question qui sera celle de Cassirer en 1951: "les expériences que nous avons eues dans une de nos zones sensorielles sont-elles capables d’instaurer un autre territoire, qualitativement différent et d’une autre structure spécifique?" Nous savons que la jonction de deux perceptions produit autre chose qu’une simple addition: dans la convergence de perceptions différentes, un événement qualitativement nouveau est créé qui est le surgissement d’un sens. Ce passage est une médiation typique.

Le 18ème siècle a eu cette intuition très intelligente -que nous avons perdue- que la vie a la capacité de faire naître de la confrontation d’éléments un niveau supérieur d’organisation, qui est la source de faits sémantiques. La vie n’est pas qu’une addition d’éléments matériels : "la connexion entre deux molécules vivantes est complètement différente de la contiguïté de deux masses inertes" (Diderot).

Lessing dans Laocoon a répondu au problème de Molyneux de façon originale : chaque effet artistique est lié à ses moyens, au véhicule, ce qui signifie que l’expérience corporelle de l’art est constitutive de la signification et ne peut en être retranchée. Pour comprendre la vie, nous devons combiner organisation matérielle et ordre sémantique. Et cela est vrai aussi dans la relation avec l’environnement. Diderot qui a eu la vision d’un "materialisme signifiant" a donné une complète définition de l’évolution des espèces, selon le double mouvement de la contrainte et de la créativité : "Une conformation primitive est altérée ou améliorée à la fois par la nécessité et par l’usage".

"Le complexe de Gilgamesh" et la tradition rebelle :

A la fin du 18ème siècle, nous avons amputé les phénomènes vivants de leurs propriétés d’information, d’organisation, d’interactions... n’en gardant que la matière réduite, inerte, comme seul critère de réalité. Alors, demande Agnès Lagache, ce réductionnisme était-il exigé par la méthode expérimentale? Ce n’est pas évident. La méthode requiert une échelle de répétabilité et la possibilité d’une mesure, mais ne prévoit pas la nature du phénomène. L’exigence d’une preuve ne peut être confondue avec celle d’un objet matériel et la rigueur de la méthode avec l’appauvrissement de la réalité. Le matérialisme mécaniste n’est donc pas justifié scientifiquement, d’autant que, dit A. Lagache "la moindre expérience de physique démontre le charme et la diversité du comportement de la matière". Pour la philosophe, cette approche qui a rejeté la dimension symbolique ou sémantique trouve ses fondements dans une idéologie qui relève de ce qu’elle appelle "le complexe de Gilgamesh". Cette idéologie qui resurgit régulièrement dans notre civilisation, remonte en effet à cet ancêtre mésopotamien, qui le premier partit en quête de l’immortalité. Dans cette tradition la médecine doit nous rendre immortels, et la technologie, qui peut faire de nous des dieux est l’instrument de la toute-puissance sur les choses et les êtres. C’est ce but que poursuit une partie de la science moderne, laissant croire que tout est matière. Mécanisme et totalitarisme sont liés par essence.

Rebelles à cette idéologie dominante, Freud et Hahnemann ont "partagé, dit A. Lagache, des traits de la même sagesse du monde". Ils dénoncèrent la violence de l’intervention médicale de leur temps, non justifiée par des raisons scientifiques et réintroduisirent le sens : pour Hahnemann, le sens qu’un tableau clinique peut apporter au tableau toxique, pour Freud, le sens de la parole délirante pour une pensée inconsciente. Ils élaborèrent un système pertinent de médiations entre ces niveaux et renoncèrent à la toute-puissance (sur un malade-objet)en reconnaissant la capacité des êtres humains à traiter l’information somatique ou psychologique. Ils furent, comme dit Thomas Mann à propos de Freud, des "hommes des Lumières".

Palavras-chave

filosofia, epistemologia, ética


, Franca

Comentários

Comprendre l’idéologie sous-jacente à toute notre science matérialiste moderne, peut nous faire avancer d’un grand pas, nous aider à dépasser la fracture de notre représentation du monde et le point de vue analytique, qui appauvrit les phénomènes du vivant. Nous sommes certainement à l’aube d’une science nouvelle où le point de vue synthétique remplacera le questionnement analytique. L’absence d’approche globale de la médecine allopathique la rend inefficace. La santé est la résultante d’une conjonction de paramètres, et non un ensemble de mécanismes physico-chimiques, indépendants de notre relation au monde. En architecture, l’approche uniformisante, généralisatrice d’il y a cinquante ans est peu à peu remplacée par une approche globale d’une situation concrète et chaque fois particulière, tenant compte de toutes les données réelles, démarche adaptative et créative mais qui ne doit plus toute son inspiration à l’abstraction. La tradition des Lumières nous met sur la voie de l’humanisme et représente l’espoir. Car une connaissance de la vie peut déboucher sur une éthique

Fonte

Artigos e dossiês

LAGACHE, Agnès, Notes sur les bases conceptuelles de la science in. Revue internationale de systémique, vol 9, n°12

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