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Fivete et pouvoir : la procréation aux mains des médecins

Agnès DE SOUZA

09 / 1994

Le 23 juin 1994, le parlement votait trois lois sur la bioéthique et dotait ce domaine en perpétuelle évolution du cadre législatif attendu. Notre réflexion sur le sens, pour nos sociétés humaines, de la médicalisation de la procréation, s’est enrichie à la lecture de "L’oeuf transparent" de Jacques Testart dont la lucidité visionnaire nous a semblé incomparable.

La FIVETE, au nom d’oiseau étrange, signifie Fécondation In Vitro Et Transfert d’Embryon. Cette technique qui consiste à effectuer en laboratoire la rencontre de l’ovule et des spermatozoïdes, pour, un à trois jours plus tard, placer dans l’utérus, le jeune embryon afin qu’il s’y développe, est, depuis la naissance d’Amandine en 1982 (premier "bébé-éprouvette" français)la plus en vogue des méthodes de procréations médicalement assistées (PMA). Dès la fin 86, plusieurs milliers d’enfants étaient nés dans le monde de cette façon. Au départ mise au point pour pallier l’obstruction des trompes, elle est utilisée désormais pour de nombreuses autres indications, même celle de "stérilité inexpliquée", souvent d’origine psychogène, pour laquelle la FIVETE joue parfois le rôle de rupture du barrage que l’inconscient oppose à la procréation. 10% des couples inscrits sur les listes d’attente FIV voient la nature combler leurs voeux! Dans ces cas, la stérilité est le symptôme d’un blocage d’origine psychique et/ou sociale et devrait être traitée comme telle.

Par ailleurs ce qu’on nomme stérilité ne recouvre souvent que l’incapacité à supporter l’attente d’un enfant, qui ne se conçoit pas au gré des caprices d’une programmation sociale: carrière d’abord, enfant ensuite, à un âge où la fertilité est considérablement diminuée: elle baisse dès 25 ans! On ose parler de "stérilité inexpliquée" pour des femmes de plus de 45 ans! Problème de société que celui du désir d’enfant tardif accompagné de l’exigence de l’obtenir rapidement.

L’usage impropre qui est fait ici du terme "stérilité" -il s’agit d’hypofertilité- nous montre que la stérilité est loin être une entité médicalement bien définie, et que sa définition est la question centrale, le lieu où commence la dérive et où s’amorce la prise de pouvoir médical. "Tout progrès significatif de la biologie devient du pouvoir entre les mains médicales" dit J. Testart. La stérilité médicalement constatée ne représente pas plus de 5% des couples engagés dans les PMA. On y voit de plus en plus fréquemment des couples jeunes après seulement 6 mois d’attente... délai normal pour une femme normalement féconde!

Si l’attente ou un travail psychothérapeutique permettent souvent l’accès à la maternité, c’est pourtant la FIV qui est le plus souvent proposée. La France est le pays qui a le plus investi dans le développement de ces technologies. Le nombre des tentatives de FIVETE par million d’habitants est en France 7 à 8 fois supérieur à ce qu’il est outre-Atlantique. Il est vrai que la prise en charge en France de ces soins par l’Etat est largement assurée. La raison d’une telle prolifération ne se trouve pas seulement du côté du désir des praticiens de donner des enfants à des couples, mais des enjeux sociaux majeurs, économiques, idéologiques, politiques, des enjeux financiers considérables qui sont engagés pour les industries pharmaceutiques et productrices de matériels chirurgicaux, pour les laboratoires de biologie, les praticiens et aussi pour la recherche sur les ovocytes et les embryons. Si l’on continue si largement à pratiquer la stimulation ovarienne (qui produit la ponte de plusieurs ovules), alors qu’on s’est rendu compte que les taux de succès en cycle spontané (avec un seul ovocyte)leur sont comparables, c’est pour ces raisons. Et pourtant les inducteurs d’ovulation sont à l’origine des accidents d’hyperstimulation, des grossesses multiples qui entraînent prématurité et mort, des problèmes éthiques liés à la congélation des embryons surnuméraires, des conséquences psychologiques pour l’embryon in utero et sa mère, de la "réduction" (élimination)de l’embryon voisin... Mais l’évaluation objective de ces technologies est impossible de la part de ceux qui sont juges et parties et le consensus est total entre les acteurs de l’offre et de la demande. Le médecin est mythifié et les échecs de la médecine perçus comme des exploits.

Le vrai danger de la FIVETE, au-delà de ses abus et échecs réside dans l’eugénisme qui, avec le tri des embryons avant réimplantation, est appelé à se répandre. La loi, déjà, l’autorise "à titre exceptionnel". La FIVETE qui met l’oeuf fécondé à portée de mains des chercheurs, en fait la cible idéale pour une démarche hygiéniste justifiée par l’éradication des maladies héréditaires. Puis la liste des maladies légitimant le recours au génie génétique s’allongera tandis que, l’idée des manipulations se banalisant, on s’accoutumera à considérer ces dernières comme un nouveau remède, préventif et définitif. Le laxisme actuel dans les indications de la FIVETE autorise à penser qu’après avoir exigé l’enfant à tout prix on voudra l’enfant parfait, héréditairement contrôlé, puis celui dont on aura choisi le sexe. "Entre la liberté de choisir d’un côté et de l’autre la sujétion au hasard, le débat n’est-il pas dépassé avant d’avoir eu lieu?" demande J. Testart. Quel est cet enfant fantasmé par les parents? Quel est le danger pour l’espèce de la calibration individuelle de la procréation? Vers quoi allons-nous si ce n’est, avec la sacralisation du génétique, le triomphe du narcissisme des géniteurs, de la peur de l’étranger? L’enfant preuve d’amour remplacé par l’enfant porteur d’un patrimoine génétique. Une motivation qui, poussée à l’extrême, aboutirait au clonage. La médecine qui offre ces services est symptomatique d’une société dont l’égoïsme et l’infantilisme se lisent dans les fantasmes projetés sur l’enfant produit. D’une société privilégiée et minoritaire sur une planète en détresse où règne une médecine de survie et où notre potentiel de recherche pourrait être utilisé autrement.

Une réflexion éthique s’impose, mais en amont de la recherche, car elle seule peut déboucher sur de vrais choix. C’est au niveau de la production des recherches que doit s’exercer le contrôle social.

Palavras-chave

bioética, ciência e sociedade, esterilidade


, Franca

Comentários

Les mots de J. Testart sonnent le glas d’une certaine humanité et nous alertent sur le type de société en train de naître de nos éprouvettes. Avec la médicalisation de la procréation, la volonté de puissance de l’homme a trouvé un nouveau champ d’action. Où l’on voit, forte de l’idéologie scientiste sur laquelle elle s’appuie, la blouse blanche s’emparer des corps et de leurs organes, auxquels elle dénie toute âme (comprenons tout sens, symptôme-sens), jusque dans la transmission de la vie. La médecine dépouille le corps de sa dimension opaque de désir, l’univers, de sa poésie, le "hasard", de ses bienfaits, la vie, de son mystère et du risque qui lui est cosubstantiel, mais contre lequel, mystificatrice, elle fait croire en la possibilité d’assurances. Où se réfugiera alors la magie de la vie?

Fonte

Livro

TESTART, Jacques, L'oeuf transparent, Flammarion, 1986 (France)

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