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Villes et développement durable : des expériences à échanger

Co-ordinated by Suzanne Humberset, Ina Ranson (CEDIDELP) and by Nedialka Sougareva (Ministère de l’Aménagement du territoire et de l’environnement), and in partnership with the 4D association

2001

Textes introductifs du dossier (constitué de 3 recueils d’expériences 2001-12, 2000-02, 1998-06) :

(Vers une traduction opérationnelle du développement urbain durable : renforcer les outils et informer les acteurs)

par Bruno Depresle, sous-directeur de l’intégration de l’environnement dans les politiques publiques (Direction des études économiques et de l’évaluation environnementale), décembre 2001

Le réseau de villes engagées dans les démarches opérationnelles pour le développement durable, nourri par les exemples français et européens, rassemble le Ministère, les collectivités locales et l’ensemble des partenaires intéressés (associations, autres services de l’Etat, professionnels de la ville, universitaires).

La Direction des études économiques et de l’évaluation environnementale s’efforce de favoriser le développement de ce réseau par la mise en relation et l’information des acteurs.

Deux recueils ont déjà été publiés, résultat du travail en commun entre le ministère, la Fondation Charles Léopold Mayer pour le progrès de l’Homme, le Cedidelp, l’Association Dossiers et Débats pour le Développement Durable.

Le troisième recueil se compose de deux parties, la première comportant des textes de référence et la deuxième une trentaine de fiches d’expérience autour de thèmes liés au développement durable. Les exemples proposés traitent plus particulièrement du rôle de la société civile, des aspects économiques et de gouvernance urbaine ainsi que de l’utilisation d’outils nouveau de gestion et d’évaluation à travers les démarches du type Agenda 21 locaux.

Comme dans les précédents recueils, nous n’avons pas voulu présenter que des succès, en considérant que les difficultés et les tâtonnements étaient aussi source de progrès.

Avec la troisième édition, plus de cent trente expériences concrètes auront été ainsi valorisées et il sera maintenant possible l’envisager la mise en place d’un site internet pour regrouper et gérer de manière dynamique cet ensemble. La classement thématique que nous avons tenté sera poursuivi et développé sur ce site. Il pourra proposer aussi un certain nombre de textes de référence et d’informations pratiques pour les villes.

Plusieurs éléments nouveaux sont venus renforcer le processus de développement urbain, depuis la parution du deuxième recueil au début de l’année 2000 :

  • La mise en oeuvre de la loi d’orientation pour l’aménagement et le développement durable du territoire qui a donné un fondement juridique à la notion de projet de territoire dans une perspective de développement durable : les chartes de pays se sont multipliées et l’élaboration des projets d’agglomération a été largement engagée.

  • Le vote de la loi sur la solidarité et le renouvellement urbain, venant après la LOADDT précitée et la loi sur la coopération intercommunale de 1999, achève de mettre en place un dispositif législatif favorable à l’émergence d’un nouveau mode de croissance urbaine, reposant sur une inflexion du rythme de la consommation d’espace et de la tendance à la croissance de la circulation automobile.

  • L’examen et le vote par l’Assemblée nationale d’une loi sur la démocratie de proximité, qui renforce le dispositif de participation du public à la résolution des problématiques majeures et à l’élaboration des grands projets.

  • Le deuxième « Appel à projet sur les outils et démarches en vue de la réalisation d’Agenda 21 locaux", engagé par le Ministère en 2000 se situe aussi très largement dans la perspective d’une gestion durable des territoires urbains. cette initiative associe les acteurs institutionnels et la société civile et favorise la diffusion de « bonnes pratiques ».

Au plan européen, l’évènement marquant pour les villes fut la tenue en février 2000 de la Troisième conférence des villes durables européennes, à Hanovre.

Elle a rassemblé 1400 personnes, parmi lesquelles 250 responsables municipaux de 36 pays européens. Cent trente millions de citoyens européens sont à présent concernés par la Campagne des villes durables européennes, qui anime le réseau depuis 1994. Actuellement le réseau compte plus de mille collectivités européennes, dont une trentaine de collectivités lcoales françaises.

La préparation et le déroulement de la conférence ont été centrés principalement sur le rôle des villes et de leurs responsables politiques dans le processus du développement urbain durable. Il a été beaucoup question d’échanges d’expérience et de la mise en place de systèmes pour l’observation et l’évaluation des stratégies locales. Ces évolutions correspondent aux recommendations du groupe d’expert sur « l’environnement urbain » exprimées dans le rapport « Villes durables européennes".

Nous espérons que ce nouvel ouvrage va contribuer à la mise en relation de l’ensemble des personnes impliquées dans le développement durable et intéressées par de nouveaux outils. Les collectivités locales étant, aujourd’hui, particulièrement bien placées pour promouvoir les objectifs de la durabilité locale, les échanges entre elles sont très importants dès lors qu’il favorisent la diffusion de repères pour l’innovation.

Le Ministère continuera à soutenir et à diffuser des projets innovants présentés par les villes, et plus particulièrement les villes du réseau Agenda 21, avec l’espoir que d’autres, de plus en plus nombreuses, les rejoindront à l’avenir.

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(La ville et le territoire au coeur de la gouvernance de demain)

par Pierre Calame, directeur de la Fondation Charles Léopold Mayer pour le progrès de l’Homme

Le développement durable est un concept popularisé à partir des années 80, en particulier par le rapport Bruntland « Notre avenir à tous".

Il est né de la prise de conscience que le modèle actuel de développement économique et industriel, né en Occident entre le XVIe et le XIXe siècle puis étendu au monde entier, n’était pas véritablement durable, c’est-à-dire qu’il ne garantissait pas l’avenir à long terme, l’avenir des générations futures.

On réduit souvent le développement durable à des questions d’environnement. Il est vrai que la prise de conscience des impasses de notre modèle de développement est venue au départ des déséquilibres entre la consommation par l’humanité de ressources naturelles et la capacité de la planète, à reproduire ces ressources. Ce déséquilibre croissant est perceptible à l’échelle locale comme à l’échelle globale : appauvrissement des sols et désertification, pénurie et mauvaise qualité de l’eau, changement climatique aux effets déjà tangibles. Chiffre souvent cité, à l’heure actuelle 20 % de la population mondiale consomme à elle seule 80 % des ressources naturelles, tandis que 80 % de la population doivent se contenter des 20 % des ressources restantes. Et, qui plus est, dès 1995 l’humanité consommait chaque année à peu près une fois et demi ce que la planète était capable de reconstituer. Ce qui signifie que notre génération, en particulier bien entendu les sociétés riches, vit en consommant les stocks, notamment les stocks d’énergie fossile, accumulés au cours de millions d’années. En quelque sorte, nous vivons au-dessus de nos moyens, nous vivons à crédit. Et c’est pourquoi un slogan comme : « la terre ne nous appartient pas, nous l’empruntons à nos enfants » est devenu si populaire. Parler de développement durable, c’est se demander tout simplement quelle planète nous lèguerons à nos enfants, nos petits enfants, nos arrières petits enfants.

Mais, en montrant d’abord du doigt les questions environnementales, le concept développement durable a conduit à réfléchir plus largement aux impasses de notre développement actuel.

Ces impasses se caractérisent par des crises de relations : crise des relations des êtres humains entre eux, comme on le voit avec l’affaiblissement des solidarités et de la cohésion sociale, la coexistence même dans les pays riches, de la pauvreté et du luxe ; crise des relations des sociétés entre elles, comme on le voit avec le fossé qui se crée, parfois au sein d’un même pays, entre régions riches et régions pauvres, entre sociétés riches et sociétés pauvres ; crise enfin des relations entre l’humanité et la biosphère.

Ces crises ne résultent pas d’une simple imprévoyance, ne peuvent se résoudre par de simples mesures techniques, de défense de l’environnement par exemple. Elles renvoient à la manière dont nous avons sacralisé le marché et la science, comme si le premier était en mesure de tout organiser et de tout répartir et la seconde de tout résoudre.

Que l’on m’entende bien. Je ne critique pas le marché et la science en tant que tels. Le premier s’est révélé un formidable moyen opérationnel de mettre en relation de façon démocratique des ressources, des capacités et des besoins. Quant à la seconde, alliée à la technique, elle a permis à l’humanité de s’affranchir de la précarité. Mais c’est, comme il arrive souvent, le triomphe même du marché et de la science qui en ont révélé les limites.

L’humanité, disposant de moyens inégalés, bouleversant les équilibres de la planète, a acquis de ce fait de nouvelles et croissantes responsabilités vis-à-vis de sa propre destinée. Or, la puissance même des moyens qui lui ont permis d’accéder à ce nouveau stade ne lui indiquent en rien la marche à suivre pour ne pas devenir victime d’elle-même. Le marché et la science ne sont que des moyens. En en faisant de véritables finalités, en se laissant guider par eux, en renonçant à les maîtriser et les canaliser, l’humanité perd son sens et se met en péril elle-même.

Pourquoi, me direz-vous, cette évolution a-t-elle ainsi produit des crises de relations entre les êtres humains, entre les sociétés, entre l’humanité et la biosphère ? J’en donnerai deux illustrations.

Le marché est très bien adapté à une des catégories de biens : ceux qui sont le fruit de notre ingéniosité et qui se divisent en se partageant c’est-à-dire principalement les biens industriels. Il est, par contre, mal adapté aux trois autres catégories de biens dont dépendent notre vie et notre développement :

  • ceux qui se détruisent en se partageant ; ils constituent la vaste catégorie des biens communs et appellent une gestion collective ;

  • ceux qui se divisent en se partageant mais n’impliquent pas essentiellement l’activité humaine ; ils constituent la catégorie des ressources naturelles, dont la répartition relève de la justice sociale plutôt que de l’économie marchande ;

  • ceux enfin, les plus intéressants pour l’avenir, qui se multiplient en se partageant : la connaissance, l’intelligence, la beauté, l’amour, l’expérience, etc. ; logiquement ils ne devraient pas relever du marché mais plutôt d’une logique de mutualisation : je reçois parce que je donne.

En faisant du marché une valeur absolue et le moyen infaillible de répartir rationnellement les biens, on prétend réduire les quatre catégories de biens à une seule et même catégorie : la marchandise. Ce faisant, on détruit la première catégorie de biens, le bien commun et les écosystèmes, on fait acte d’injustice en réservant les ressources naturelles, à une minorité de riches, on prive de connaissance et d’expérience, par une rareté créée artificiellement ceux qui n’ont pas les moyens de verser une rente à leurs détenteurs. Plus encore, on aboutit à une économie qui ignore la valeur de la relation, qui sous-estime ou compte pour rien ce qui n’a pas de valeur marchande.

La seconde illustration concerne la science et la technique. Elles sont conçues comme moyen de dominer ou de remplacer la nature. Cette conception de la technique, avec la baisse des coûts de transport qu’elle a permis, finit par mettre tous les biens et les services sur un seul et même marché mondial anonyme. La Politique Agricole Commune européenne est un bon exemple de cette évolution. Elle connaît aujourd’hui une crise profonde. C’est une agriculture qui avait tourné le dos aux subtils équilibres des écosystèmes qui avait fini par perdre les grands savoirs faire agricoles accumulés pendant des centaines d’années. La production agricole était devenue une industrie comme les autres, lourdement dépendante de l’industrie chimique et qui produisait pour un marché mondial anonyme, grâce aux subventions publiques. Ce faisant, l’agriculture, objet central des relations entre l’humanité et la nature et entre les hommes depuis des millénaires, s’est coupée de ces relations. C’est la source de sa crise actuelle. Oui, nous avons produit l’abondance quantitative mais les sols s’appauvrissent, les eaux se polluent, la « vache folle » a créé une énorme crise de confiance de la part des consommateurs, les campagnes se sont vidées et nos surplus agricoles déstabilisent l’économie agricole des autres pays du Sud. La réaction qui s’amorce va conduire à une révision de toutes ces logiques qui, nées du souci légitime d’assurer la sécurité alimentaire européenne, ont fini par nous amener à une situation absurde.

Ce que je dis de l’agriculture vaut, plus encore, pour l’industrie. Elle s’est progressivement organisée selon des filières techniques spécialisées, peu enracinées dans un territoire et avec un lien de plus en plus abstrait entre le producteur et l’utilisateur final.

Les villes et les territoires sont au cœur des défis qui résultent de ces impasses des modèles actuels de développement. Elles sont aussi les mieux à même d’y trouver des réponses.

Elles sont d’abord au cœur des défis contemporains. Dans un contexte de mondialisation, tous les problèmes qui se posent au niveau global se posent aussi au niveau local. Certes, les contextes culturels, économiques et sociaux varient d’un lieu de la planète à l’autre mais il n’y a plus de situation locale isolée, à l’abri du phénomène de mondialisation. Toutes les villes qui sont prises dans le mouvement de modernisation tendent dans un premier temps à développer des systèmes de transport et d’habitat coûteux en énergie, à se couper de leur environnement local, à négliger les biens communs et à privilégier les relations marchandes, à entrer dans le marché mondial, à connaître une différenciation croissante au sein de la population entre une fraction de la population riche qui consomme énormément et une population pauvre de plus en plus frustrée, à être confrontées à la perte de cohésion sociale et à la violence urbaine, etc..

« Penser localement pour agir globalement »

Mais, les villes et les territoires sont aussi les mieux à mêmes de trouver des réponses à ces défis. C’est peut être le paradoxe central de la globalisation économique. Plus les économies sont liées entre elles dans un marché global, plus les problèmes environnementaux sont interdépendants, plus les sciences et technologies se diffusent rapidement et plus on pouvait penser que les solutions ne peuvent être que globales. Or c’est faux. En effet, comme les crises du modèle actuel de développement sont des crises de relations, c’est à partir des territoires là où l’on peut comprendre et repenser ces relations, que peuvent s’inventer des modèles de développement durable.

Au cours des années 1980, un slogan est devenu très populaire : « face à la mondialisation, pensez globalement pour agir localement ». J’en suis venu pour ma part à la conviction inverse:: il faut penser localement pour agir globalement. Plus une situation est complexe, plus les problèmes environnementaux, sociaux et économiques sont liés entre eux et plus il est nécessaire de penser la réalité dans sa complexité, là où toutes ces relations sont apparentes c’est-à-dire au niveau local. Pour penser la complexité, il faut « penser avec ses pieds », penser à partir de la réalité locale, quotidienne, là où les liens entre les différentes catégories de problèmes ont une évidence concrète.

Je ne prétends pas par-là qu’une ville ou un territoire isolé peut penser le monde et le transformer tout seul. C’est là l’importance du deuxième terme de la phrase : « pour agir globalement ». C’est en se reliant entre elles, dans des réseaux internationaux de réflexion et d’action ; c’est en confrontant leurs réponses innovantes aux défis de la société d’aujourd’hui que les villes et les territoires sont en mesure de contribuer à répondre aux défis du monde contemporain.

Les impasses des modèles actuels de développement

Récemment encore, le Congrès mondial des autorités locales qui s’est tenu à Rio de Janeiro, en mai 2001, a témoigné de cette prise de conscience. Le temps n’est plus où les villes se bornent à revendiquer leur autonomie de gestion. Elles savent qu’elles sont en face d’un défi historique à relever, le défi de l’invention d’un modèle de développement durable. Elles savent qu’elles sont les mieux à même de le relever. Mais elles savent aussi qu’elles ne peuvent le relever qu’en construisant des réseaux internationaux d’échange d’expériences.

Relever ce défi, la plupart des villes en sont encore bien loin. Elles ne contribueront efficacement à l’invention d’un développement durable de la planète qu’au prix d’une profonde transformation de leur mode de gestion et d’une évolution radicale de leur mode de pensée.

En effet, si au niveau d’une ville ou d’un territoire, il est possible de décrire, valoriser et maîtriser les relations entre les personnes, entre les groupes sociaux, entre la société locale et le monde extérieur, cela ne veut pas dire pour autant que les villes et les territoires le font à l’heure actuelle.

C’est même tout le contraire. Une grande agglomération moderne, en France par exemple, connaît infiniment moins bien le système de relations en son sein et avec le monde extérieur que ne le connaissait il y a mille ans un village chinois. C’est un paradoxe étonnant mais facilement explicable : le développement des sciences, des techniques et des systèmes d’information nous a rendus de plus en plus ignorants de notre propre réalité concrète. En effet, comme tout se convertit en valeur monétaire et tout s’échange sur un marché devenu mondial, la valeur monétaire devient la mesure de toute chose et la connaissance des relations concrètes s’estompe. Une ville française, par exemple, connaît mal ses consommations d’énergie, connaît mal les flux d’échange de biens et de services avec l’extérieur, connaît mal les flux d’échange ou la circulation des savoirs au sein de son propre territoire.

Plus encore, la gestion actuelle de nos villes et de nos territoires est caractérisée par la segmentation. La gestion publique loin de valoriser les relations contribue à les ignorer et les faire disparaître. Cette segmentation s’observe sur trois plans :

  • la séparation entre les niveaux de gouvernance ; l’Etat, les régions, les agglomérations, les territoires de base ont chacun leur compétence et œuvrent chacun dans leur coin ;

  • la séparation entre domaines de la gestion locale ; l’habitat, les transports, l’eau, l’environnement, l’agriculture, le développement économique et commercial sont traités chacun isolément des autres. Chaque responsable politique et administratif est jaloux de son domaine de compétence et peu capable de travailler avec les autres services ;

  • la séparation entre la gestion publique et le reste de la société : investie de la responsabilité de l’intérêt général, la gestion publique agit souvent en imposant des normes et des règles, sans capacité de dialogue et de partenariat avec le reste de la société.

Penser le territoire comme un système complexe de relations

Pour dépasser cet état de fait, pour faire contribuer les villes et les territoires au développement durable, il faut d’abord, comme pour toute mutation profonde de la société, commencer par changer de système de pensée. Je vois deux dimensions majeures à ce changement : penser le territoire comme un système de relation ; reconnaître le territoire comme la brique de base de la gouvernance de demain.

Penser tout d’abord le territoire comme un système de relations. Si vous demandez à un responsable administratif et politique local ce qu’est un territoire, si vous demandez à un planificateur local ce qu’est un territoire, il vous rira au nez tellement la question lui paraît évidente. Un territoire, pour lui, c’est une surface physique délimitée par des frontières administratives et politiques. C’est ce territoire qu’il gère et il n’en connaît pas d’autres. Certes, il n’ignore pas qu’au sein de ce territoire et entre le territoire et le reste du monde il y a un grand nombre d’échanges et de relations mais ce n’est pas pour lui l’objet de son travail !

Le changement de regard consiste au contraire à définir le monde d’aujourd’hui comme un système complexe de relations et d’échanges. Toutes les innovations actuelles dans la gestion du territoire vont dans ce sens : mieux connaître, mieux valoriser, mieux développer, mieux maîtriser ces systèmes de relations.

C’est le cas, par exemple, quand on veut mettre en place une gestion intégrée de l’eau à l’échelle d’un bassin versant. Tout repose sur une compréhension plus fine du fonctionnement du cycle de l’eau, des échanges qui s’opèrent, des prélèvements liés à l’activité humaine, de la possibilité de valoriser des complémentarités d’usage, etc. La gestion de l’eau suppose le partenariat entre les différentes catégories d’acteurs.

C’est aussi le cas quand, prenant conscience de l’impact des activités industrielles sur l’environnement, on entre dans une démarche d’écologie industrielle, en cherchant à ce que les rejets d’une activité économique servent de matière première à une autre, comme c’est le cas entre les différentes parties des écosystèmes.

C’est encore le cas lorsque l’on cherche à valoriser le potentiel économique d’une région en repartant d’une compréhension de ses ressources intellectuelles et en facilitant les synergies entre le système éducatif et l’activité économique.

C’est enfin le cas lorsque, face à la pauvreté et au chômage on promeut un système de monnaie locale à travers lequel une force de travail qui ne trouve pas de débouché sur le marché mondial et une demande en biens et services pourront localement se mettre en relation.

La ville, base de la gouvernance

La seconde dimension du changement du système de pensée, reconnaître la ville et le territoire comme la brique de base de la gouvernance de demain. Trop souvent, la ville et le territoire sont considérés comme de simples points d’application locaux de politiques définies au niveau national, régional et mondial. Comme si, dans le mouvement de mondialisation et de globalisation économique, le seul rôle possible des autorités locales était de délivrer les services ordinaires à la population, les vraies décisions se prenant à un autre niveau. Or, dans une économie qui est devenue avant tout une économie de combinaison des savoirs, des savoirs faire et de l’information et non plus une combinaison de facteurs matériels de production, les lieux où peuvent se combiner ces savoirs, ces savoirs faire et ces informations sont devenus les lieux décisifs, même au plan économique. Depuis deux siècles, c’est l’entreprise, en particulier la grande entreprise, qui a été le lieu principal d’organisation systématique de ces savoirs et de ces savoirs faire. Elle a même été dans beaucoup de cas, dans les grandes entreprises européennes, chinoises et soviétiques, le lieu majeur de l’organisation sociale en prenant en charge des pans entiers de la vie quotidienne : habitat, sécurité sociale, loisirs et même parfois, l’éducation et le commerce. Au cours du 20ème siècle, cette responsabilité de l’organisation du service public et les conditions de la vie quotidienne a été progressivement transférées aux autorités locales, l’entreprise se concentrant sur l’activité productive directe. Mais je vais plus loin, je suis arrivé à la conviction que le 21ème siècle sera le siècle des villes et des territoires. Ceux-ci seront l’acteur économique et social majeur.

Pour accomplir ces deux grandes mutations, il faut, et ce sera ma conclusion, une transformation radicale de la gouvernance locale. J’y vois quatre dimensions : l’éthique ; la territorialisation ; le partenariat ; la subsidiarité active.

  • L’éthique. La base éthique de la gouvernance locale est exposée dans le texte intitulé : « les responsabilités des autorités locales face aux défis du 21e siècle ». Les autorités locales doivent assumer le défi historique qui est le leur. Pour cela il faut qu’elles se mettent d’accord sur une base éthique : concilier l’unité et la diversité ; reconnaître les droits de chacun ; accepter le lien entre pouvoir, responsabilité et contrôle ; s’attacher à promouvoir un développement humain intégral et ouvert ; être le lieu où se relie le passé lointain et le futur lointain.

  • La territorialisation. Les services administratifs qui gèrent les différents domaines d’activité doivent apprendre à travailler ensemble au niveau le plus local, à trouver les réponses intégrées aux problèmes qu’ils rencontrent.

  • Le partenariat. Les services administratifs et les autorités locales doivent apprendre à gérer autrement leurs relations avec les différents groupes de la population, en particulier les groupes les plus pauvres, en les traitant en véritables partenaires capables d’analyser de manière fine leurs propres problèmes et d’inventer des solutions.

  • La subsidiarité active. Aucun des grands problèmes de notre temps qu’il soit environnemental, social ou économique ne peut se traiter à un seul niveau de gouvernance : l’Etat, la province ou la ville. Qu’il s’agisse d’eau, d’énergie, de développement économique, de lutte contre la pauvreté, d’habitat, de transport, d’éducation, de recherche développement, etc. les véritables solutions ne peuvent naître que d’une collaboration étroite entre les différents niveaux de gouvernance. Cela appelle une réforme de la philosophie de l’action publique en la fondant sur ce qu’il est convenu d’appeler la subsidiarité active ou interactive : subsidiarité car c’est à partir du niveau local et non à partir du niveau central qu’il faut penser la solution des problèmes, mais subsidiarité interactive parce que les solutions ne peuvent naître que de la collaboration entre les différents niveaux.

Ce texte est la transcription d’une conférence prononcée le 23-24 juin 2001, à l’occasion du Congrès de l’Association des Maires de Chine.

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(Comment définir une ville durable ?)

par Cyria Emelianoff

Cyria Emelianoff a soutenu en 1999 une thèse de troisième cycle de géographie à l’université d’Orléans : « La ville durable, un modèle émergeant » (Porto, Srasbourg, Gdansk)

Le projet de ville durable ne peut se comprendre en dehors de son contexte, des mutations qui affectent l’habitat humain. Cet habitat devient urbain à une échelle et à un rythme sans précédent dans l’histoire. Simultanément, la ville s’étale et se disperse, des morphologies d’archipel se dessinent, la matrice de sens et de solidarité collective tend à se diluer, sauf en cas d’agression majeure. L’affirmation actuelle des pouvoirs urbains ne semble pas générer de projet politique dans cet intervalle ouvert, le plus souvent. La concurrence économique crée les conditions d’un aveuglement collectif, en faisant passer au second rang les risques, les dégradations écologiques, ou encore le creusement des inégalités, des détresses. Pourtant, dans le creuset des villes, s’inventent des tentatives, des expériences, des mobilisations associatives, des mises en réseau qui tentent de forger de nouvelles réponses aux problèmes du XXI° siècle.

« Le durable » est au temps ce que le « global » est à l’espace

Face aux tendances actuelles de l’urbanisation, on peut définir la ville durable en trois temps :

  • 1. C’est une ville capable de se maintenir dans le temps, de garder une identité, un sens collectif, un dynamisme à long terme. Pour se projeter dans l’avenir, la ville a besoin de tout son passé, d’une distance critique par rapport au présent, de sa mémoire, de son patrimoine, de sa diversité culturelle intrinsèque et de projets multidimensionnels. Le mot durable rappelle en premier lieu la ténacité des villes, des villes phénix que les destructions ne parviennent pas à détruire et qui renaissent de leurs cendres, telle Gdansk. Il renvoie à la pérennité des villes dans leurs diverses expressions culturelles, à leurs capacités de résistance et d’inventivité, de renouvellement, en un mot.

« Durable » est au temps ce que « global » est à l’espace : un élargissement de notre champ de vision, au-delà du court terme. Levons ici une ambiguïté : la durée ne signifie en aucun cas l’immobilisme. La durée des villes est une durée créatrice, bergsonienne . Elle fait référence au caractère fortement contextualisé des villes, toujours impliquées dans une histoire et une géographie, indissociablement urbaine et terrestre, humaine et écologique. Les longues séries pavillonnaires monocordes, l’urbanisme commercial et le « modèle de la rocade », selon l’expression de Jean-Paul Lacaze, profilent au contraire une ville qui maximise les consommations, aux antipodes d’un développement multidimensionnel.

  • 2. La ville durable doit pouvoir offrir une qualité de vie en tous lieux et des différentiels moins forts entre les cadres de vie. Cette exigence appelle une mixité sociale et fonctionnelle, ou, à défaut, des stratégies pour favoriser l’expression de nouvelles proximités : commerces et services de proximité, nature et loisirs de proximité, démocratie de proximité, proximités aussi entre les différentes cultures de la ville, entre les groupes sociaux, entre les générations. Cela oblige à penser différemment des catégories longtemps étanches, des couples apparemment irréconciliables, pour ouvrir la voie par exemple aux parcs naturels urbains, à la ruralité en ville, aux schémas piétonniers d’agglomération, à l’économie solidaire et aux finances éthiques, ou plus simplement à la démocratie locale et globale à la fois.

La proximité doit s’organiser en réponse aux coûts et aux risques lourds de l’hypermobilité, une mobilité qui est en partie contrainte. Coûts énergétique et géopolitique lié aux intérêts pétroliers, coûts climatiques reportés sur les décennies à venir et sur les pays les moins à même de faire face aux transformations et aux risques, coûts de santé publique avec une prévalence en forte hausse des maladies respiratoires, coûts économiques de congestion et d’extension des réseaux urbains, coûts sociaux pour les expatriés des troisièmes couronnes appauvris par leur budget transport, ou encore pour les populations soumises aux plus fortes nuisances automobiles. Face à ces coûts, longtemps sous-estimés, la ville durable devient une ville de relative compacité, qui peut s’accommoder de différentes morphologies urbaines, à condition que l’on parvienne à renouveler les modes de transport, leur pluralité, ainsi que les logiques de localisation qui sous-tendent l’aménagement, pour les combiner dans des configurations originales.

  • 3. Une ville durable est, en conséquence, une ville qui se réapproprie un projet politique et collectif, renvoyant à grands traits au programme défini par l’Agenda pour le XXI° siècle (Agenda 21) adopté lors de la Conférence de Rio, il y a dix ans. Les villes qui entrent en résonance avec ces préoccupations définissent, à l’échelon local, quelles formes donner à la recherche d’un développement équitable sur un plan écologique et social, vis-à-vis de leur territoire et de l’ensemble de la planète, et elles reformulent par là même un sens collectif. Il s’agit à la fois de réduire les inégalités sociales et les dégradations écologiques, en considérant les impacts du développement urbain à différentes échelles. La « durabilité » dont l’horizon serait seulement local n’a pas de sens en termes de développement durable, caractérisé par le souci des générations présentes et futures, du local et du global. Il s’agit en somme de trouver des solutions acceptables pour les deux parties, ou encore, de ne pas exporter les coûts du développement urbain sur d’autres populations, générations, ou sur les écosystèmes.

Qualité de vie et égalité

Entre une définition minimale, « la ville qui dure », et une définition programmatique, « la ville qui élabore un Agenda 21 local », une troisième, médiane et pratique se réfère à la qualité de vie en milieu urbain. La disparité des revenus, l’accessibilité variable des services urbains, l’inégalité des chances en matière d’éducation n’épuisent pas le thème de l’inégalité urbaine, qui s’exprime aussi dans l’éventail à angle plat des qualités de vie. L’inégalité écologique est largement distribuée, redoublant souvent l’inégalité sociale, tout en constituant l’un des défis les plus difficiles à relever en raison de ses composantes économiques, culturelles, sociales, psychologiques, écologiques. L’environnement urbain, c’est aussi des climats, des ambiances, des aménités. Cette inégalité se mesure, ou ne se mesure pas, d’un côté en termes d’exposition aux risques mineurs ou majeurs, d’espérance de vie, de pathologies ou de vulnérabilités, de l’autre, par des formes de bonheur visuel, sensoriel, tacite, silencieux ou rieur.

Les villes, les métropoles surtout, qui arrivent en tête de la performance économique et technologique, n’offrent pas les mêmes atouts au regard de la qualité de vie. C’est un des enseignements du phénomène de périurbanisation, marqué à la fois par un attachement à la ville, à sa sphère d’influence économique et culturelle, et par un détachement de son environnement urbain, une démarcation en termes de critères d’habitation et de modes de vie. La recherche d’un espace à moindre coût, première, ne peut oblitérer le désir, second, d’un environnement « renaturé », offrant quelque calme, air, espace d’épanchement pour les enfants… La ville attire, mais ne peut ignorer la fuite dont elle est simultanément l’objet. Pour endiguer quelque peu cette dispersion, sans doute est-il nécessaire d’opérer un retour critique sur la qualité de l’habitat et de l’environnement urbains. La question de la qualité de vie et de ses disparités peut être posée à toutes les échelles : quartier, commune, agglomération, pays, continent, planète, sans oblitérer les composantes culturelles de l’appréhension de l’espace.

Le développement durable urbain apporte quelques éléments nouveaux de réflexion (changement climatique, risques émergents, inégalités écologiques, …), mais il introduit surtout, pour les villes qui se prêtent à cette démarche, un questionnement d’ensemble. L’intégration de ces préoccupations nouvelles ne peut être réalisée en effet de manière compartimentée. D’autre part, le développement durable n’est pas un projet qui se greffe sur une politique. Il se définit au contraire en fonction des situations existantes, des besoins, de la volonté des acteurs locaux et des priorités qu’ils énoncent, ce qui demande de reconsidérer un ensemble de questions urbaines.

Une deuxième méprise possible serait de ne considérer, dans la ville durable, que ses capacités à se maintenir, évoluer, s’adapter. La ville durable, pour reprendre les termes du rapport Brundtland, est aussi une ville qui répond aux besoins du présent. Or, un panorama rapide de l’urbanisation dans le monde, ou même dans une quelconque agglomération, fait état sans ambiguïté de situations critiques pour un certain nombre d’habitants. La propension à ne pas considérer les dimensions sociales du développement urbain durable génère une vision tronquée de la ville durable, qui peut amener des dérives vers une écologie réduite à un nouveau standard ou standing de vie.

La ville durable est un projet, un horizon, en aucun cas une réalité : on peut tendre vers cet horizon, comme l’explique le rapport du groupe d’experts européens conduisant la campagne des villes durables (lancée à Aalborg), mais non réaliser in extenso un développement durable. Une ville durable est simplement une ville qui initie une ou plusieurs dynamiques de développement durable. Elle est d’abord un cadre où prennent sens des projets collectifs. Cette démarche pose des questions politiques et éthiques, relatives au développement humain planétaire et à l’héritage qui sera légué aux générations futures.

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(L’histoire des villes durables européennes)

par Nedialka Sougareva et Nathalie Holec

1. Le temps des idées et de la réflexion Aalborg, 1994 : première conférence des villes durables européennes

1.1. Un contexte porteur pour le lancement d’un projet sur les villes durables : 1990-1993

Le lancement du projet " Villes durables " du Groupe d’experts sur l’environnement urbain et la structuration d’un réseau de villes durables européennes s’effectuent dans un contexte européen et mondial particulièrement favorable au développement durable d’une part et aux questions urbaines d’autre part.

S’agissant de la prise en compte du développement durable à l’échelle de l’Union européenne, plusieurs pas ont été franchi au début des années 90.

Le Traité de Maastricht (1992) introduit la promotion du développement durable comme objectif politique majeur, réclame explicitement l’intégration de la protection de l’environnement dans les autres politiques de l’Union et enfin reconnaît le principe de subsidiarité. Le Livre Blanc « Croissance, compétitivité, emploi » de la Commission des Communautés européennes (1993) préconise quant à lui un nouveau modèle de développement basé sur l’amélioration conjointe de l’emploi et de la qualité de vie. Le cinquième programme communautaire de politique et d’action en matière d’environnement de l’Union européenne intitulé « Vers un développement durable » et adopté pour la période 1993-2000 prône la mise en commun et le partage des responsabilités écologiques et donc l’adoption d’une approche ascendante pour réaliser les objectifs de l’écodéveloppement. Le programme LIFE (L’Instrument Financier pour l’Environnement) est l’un des instruments financiers mis au service de cet objectif. Quant aux fonds structurels dont le réglement a été révisé en juillet 1993, leur attribution tient compte désormais du profil environnemental de la région ou de la zone urbaine concernée et de l’impact environnemental du projet à soutenir.

Les questions urbaines ont elles aussi fait l’objet d’un regain d’attention. La Commission européenne et la Fondation européenne pour l’amélioration des conditions de vie et de travail ont par exemple lancé des programmes consacrés aux questions urbaines dès 1989. L’intégration de la dimension urbaine dans la politique d’environnement a pour sa part fait l’objet d’un effort considérable dès le quatrième programme communautaire d’action en matière d’environnement (1987-1992).

Au niveau international, les Nations Unies d’une part et l’OCDE (Organisation de Coopération et de Développement Economiques) d’autre part ont grandement contribué à placer la problématique du développement urbain durable au centre des préoccupations mondiales.

En 1990, le Centre des Nations Unies pour les Etablissements Humains lance son programme " Cités durables « destiné à accroître les capacités de planification et de gestion environnementales des pouvoirs municipaux des pays en voie de développement. A la même époque, les Nations Unies soutiennent la création du Conseil International pour les Initiatives Locales en Environnement (ICLEI), organisme destiné à sensibiliser les collectivités locales de toute la planète à l’environnement et au développement durable et à soutenir la constitution d’un réseau de villes oeuvrant pour le développement durable. L’ICLEI va lancer dès 1991 deux programmes de travail, l’un sur les projets de réduction des émissions de CO2 en milieu urbain et l’autre sur les Agendas 21 locaux.

Deux ans après, en 1992, les Nations Unies organisent la Conférence sur l’environnement et le développement à Rio de Janeiro. Cette conférence marque un tournant dans la mesure où, pour la première fois, les collectivités locales et les ONG (Organisations Non Gouvernementales), dont les réseaux de villes, ont voix au chapitre dans une conférence des Nations ; elles participent notamment à la rédaction du chapitre 28 d’Action 21, communément appelé Agenda 21, qui reconnaît leur rôle clé en matière de développement durable. Elles s’expriment également dans les forums parallèles à la conférence. C’est ainsi que 45 collectivités locales participant au Forum urbain mondial signent " l’engagement de Curitiba " et déclarent ainsi leur volonté de faire de leur ville une ville viable.

L’OCDE s’intéresse aux questions urbaines dès 1986. Le Groupe des affaires urbaines publie en 1990 un rapport intitulé " L’environnement urbain : quelles politiques pour les années 90 ? " qui fait état des conclusions des travaux menés pendant trois ans sur ces questions. Ce ne sont que des travaux préliminaires à la mise en place d’un programme entièrement consacré à " la Ville écologique " sur la période 1993-1996.

L’intérêt que la Commission européenne porte aux questions urbaines et aux questions de durabilité en milieu urbain s’inscrit dans ce mouvement et se nourrit de ses apports. Il a en fait été impulsé par les Nations Unies dans le cadre de la préparation de la conférence de Rio.

1.2. De l’environnement urbain au développement urbain durable : la Commission européenne met en place les conditions d’un développement durable des villes

La voie des villes durables européennes s’ouvre par la publication en juin 1990 du Livre vert sur l’environnement urbain, rapport commandé par Carlo Ripa Di Meana, Commissaire européen pour l’environnement. Le diagnostic urbain, réalisé pour la première fois à l’échelle de la Communauté européenne, met l’accent sur l’existence d’une véritable culture urbaine européenne mais aussi sur le caractère commun des problèmes auxquels les villes sont confrontées. Le rapport souligne donc l’importance d’une coopération et d’un échange d’informations entre villes européennes et invite la Commission à appuyer l’échange d’expériences et les projets de démonstration. Il préconise également d’adopter une conception holistique des problèmes et une méthode intégrée pour les résoudre qui amorcent le passage de la " ville écologique " à la " ville durable « . Enfin, il propose la création d’un groupe d’experts indépendant travaillant sur les questions d’environnement urbain. A la suite de ce rapport, le Conseil européen adopte en janvier 1991 une résolution approuvant les conclusions du Livre vert et la création du groupe d’experts.

Une conférence de lancement du Livre vert, intitulée " l’avenir européen de l’environnement urbain " se tient en avril 1991 à Madrid, suivie d’autres rencontres-débats organisées dans tous les pays de la Communauté par le CCRE (Conseil des Communes et Régions d’Europe), chargé de présenter et de susciter un débat autour de son contenu. Une réunion est ainsi organisée en France à Avignon

C’est dans la mouvance du Livre vert que la Commission européenne crée le Groupe d’experts sur l’environnement urbain sur la base d’un expert par pays et de représentants des différentes institutions européennes patronales, syndicales, universitaires,…. Il a pour mandat initial d’étudier comment prendre en compte la dimension urbaine dans la politique d’environnement de la Communauté. Sa composition étant jugée insuffisante par rapport à la mission qui lui a été confiée, il est rapidement élargi à des représentants de villes et de réseaux de villes et ouvert à des obervateurs tels que l’OCDE, l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé), le Conseil de l’Europe, l’Académie européenne de l’environnement urbain,….

C’est dans un contexte plutôt favorable aux collectivités locales, dont le rôle est reconnu dans la mise en oeuvre d’un développement durable à l’échelle globale et locale (Agenda 21 issu de la conférence de Rio), que le Groupe d’experts sur l’environnement urbain lance en 1993 et pour trois ans le projet " Villes durables « , élargissant ainsi son mandat. Cette initiative vise à encourager une réflexion approfondie sur la durabilité dans les agglomérations urbaines européennes, à susciter un vaste échange d’expériences, à faire connaître les meilleures pratiques en matière de durabilité à l’échelon local et à formuler des recommandations destinées à orienter les politiques de l’Union européenne. Plusieurs groupes de travail sont constitués, dans le but de préparer un rapport sur les villes durables européennes.

Un certain nombre de villes ont connaissance de l’existence des travaux du Groupe d’experts sur l’environnement urbain. Très intéressées par ce travail, elles proposent d’organiser une rencontre des villes durables européennes, la ville d’Aalborg au Danemark se portant volontaire pour l’accueillir. La première conférence européenne sur les villes durables qui se tient à Aalborg en mai 1994 réunit 67 collectivités locales. Une première version du rapport que prépare le Groupe d’experts est soumise aux participants pour validation.

La conférence d’Aalborg débouche sur la rédaction et la signature par les collectivités locales présentes de la charte d’Aalborg, charte des villes européennes pour un développement durable, marquant leur engagement en faveur de l’établissement d’un programme stratégique local à long terme pour le XXIème siècle, c’est-à-dire un Agenda 21 local. Plus de 200 collectivités locales signent la charte durant les années 1994-1995.

C’est également à Aalborg qu’est lancée la Campagne des villes durables européennes qui se présente comme le réseau fédérant les réseaux de villes. La création de la Campagne est soutenue par la Commission européenne et la DG XI (Direction générale de l’Environnement, de la Sûreté nucléaire et de la Protection civile) qui ont compris l’intérêt d’une approche qui ne soit pas uniquement dictée par les organisations européennes ou internationales mais qui fasse l’objet d’une appropriation par les acteurs locaux, ce qui relève de l’esprit même du développement durable. Par le biais de la Campagne des villes durables européennes, la Commission entend encourager et soutenir les collectivités locales désireuses de se lancer dans un processus Agenda 21 local et ainsi tirer profit des enseignements des expériences de terrain pour orienter sa politique. La Campagne devient d’ailleurs l’un des membres du Groupe d’experts et alimente ainsi ses réflexions.

La Campagne est coordonnée par 5 réseaux de villes : le CCRE, l’ICLEI, Eurocités, le réseau des villes-santé de l’OMS et la Fédération Mondiale des Cités Unies (FMCU). Ces associations de villes ont en fait été mobilisées sur le développement durable par la Commission des Nations Unies dans le cadre de la préparation et de la tenue de la conférence de Rio. Cette mobilisation correspond au souci de la Commission d’ancrer la démarche " développement durable " à un niveau local.

L’objectif que se fixe la Campagne des villes durables européennes est de créer et d’animer un réseau de villes durables européennes. L’une de ces activités consiste à éditer périodiquement un bulletin d’information à destination des villes ou organismes intéressés par la démarche Agenda 21 local.

Le bilan de la conférence d’Aalborg est donc plutôt positif. La charte des villes durables européennes se révèle être une initiative intéressante malgré son caractère un peu rigide qui explique, à l’époque, le faible engagement des pays du Sud de l’Europe. La signature de la charte relève d’une démarche volontaire ; c’est une déclaration d’intention des collectivités locales qui la signent. Le temps de la charte d’Aalborg correspond au temps de la réflexion et des idées, idées qui, à l’époque, ne sont pas communément adoptées. La charte d’Aalborg ne fait notamment pas recette en France, les élus craignant les obligations. Or, la charte laisse une grand liberté d’action aux municipalités et peut, au contraire être source de progrès et d’innovation si la municipalité possède un réel projet de politique urbaine à moyen et long terme.

1.3. La mobilisation s’organise autour des travaux du Groupe d’experts sur l’environnement urbain

En octobre 1994, le Groupe d’experts sur l’environnement urbain remet son premier rapport " Villes durables européennes " à la Commission européenne. Ce rapport affiche clairement des préconisations qui relèvent non plus de l’environnement urbain mais bien de " l’application du concept de durabilité en zone urbaine « . Dans ce rapport, le Groupe d’experts recommande vivement l’élaboration de stratégies de gestion globale pour instaurer la durabilité mais examine l’application de cette démarche dans des domaines politiques clés : l’économie, l’aménagement du territoire, la planification écologique, la mobilité et l’accès et enfin d’autres domaines politiques plus sectoriels. Enfin, le rapport fait certaines recommandations provisoires en matière de politiques relatives à la durabilité dans les villes européennes.

La même année, c’est-à-dire en 1994, la Commission lance, dans le cadre de sa politique régionale, une initiative communautaire qui concerne les zones urbaines : URBAN. Cette initiative vise notamment à accorder un soutien financier à des projets novateurs, conduits dans des quartiers défavorisés et qui entrent dans le cadre de stratégies d’intégration urbaine à long terme. Ce programme constitue un signe supplémentaire de l’intérêt croissant porté par la Commission européenne aux questions urbaines.

A la suite d’Aalborg, les réseaux de villes poursuivent leur travail de mobilisation des collectivités locales principalement sur l’effet de serre et sur les Agendas 21 locaux. L’ICLEI notamment, lance plusieurs campagnes d’Agendas 21 locaux dans différents pays d’Europe ; cela conduit l’association à organiser en partenariat avec la ville de Rome une conférence méditerranéenne sur l’Agenda 21 local à Rome en novembre 1995, présentée comme une contribution de la ville à la Campagne des villes durables européennes. L’objectif de la conférence est d’initier un échange d’idées et d’expériences entre les villes des régions méditerranéennes afin d’encourager le processus Agenda 21 local. La conférence débouche sur " l’appel des villes méditerranéennes en faveur du développement durable « .

Sur le plan politique, les Conseils des ministres de l’environnement et de l’aménagement du territoire qui se tiennent à l’époque à Glasgow et Norwick reprennent les idées défendues par le Groupe d’experts qui préconise une démarche volontaire quant à la mise en place des Agendas 21 locaux. Chaque collectivité locale qui le souhaite peut rejoindre la Campagne des villes durables européennes en signant la charte d’Aalborg soit parce qu’elle adhère aux idées, soit parce qu’elle souhaite simplement s’informer, observer ou échanger. Les experts cherchent avant tout à encourager l’échange d’expériences et les bonnes pratiques.

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2. Le temps de l’action, Lisbonne, 1996 : la deuxième conférence des villes durables européennes

2.1. Le contexte d’une montée en puissance des préoccupations de développement urbain durable : 1993-1996

Sur le plan international, entre 1993 et 1996, les Nations Unies organisent trois nouvelles conférences qui réitèrent l’importance du développement durable et contribuent à lui donner un contenu ; il s’agit de la conférence sur la population au Caire (septembre 1994), de la conférence pour le développement social à Copenhague (mars 1995) et de la conférence sur les femmes à Pékin (septembre 1995).

L’OCDE met en oeuvre son programme « Ville écologique », soutenu financièrement par la Commission européenne (DG XI). Les travaux sont entrepris dans trois directions qui correspondent à trois politiques distinctes : énergie, transports et réhabilitation des secteurs urbains en déprise. Chacune de ces études débouchent sur un rapport . Le troisième et dernier rapport qui clôt le programme est spécifiquement consacré aux politiques de développement urbain durable.

2.2. Des collectivités locales européennes poussées et décidées à agir

De 1993 à 1996, les Nations Unies, l’OCDE et la Commission européenne commencent donc à dessiner un cadre d’action favorable au développement durable des collectivités locales. Cette période peut être considérée comme une première phase de travail et d’engagement dans la voie du développement urbain durable, ouverte par la conférence de Rio et momentanément close par la conférence d’Istanbul. En effet, l’ensemble des travaux et réflexions menés entre ces deux dates a notamment été motivé par la préparation de la conférence des Nations Unies sur les établissements humains, Habitat II, qui doit se tenir en juin 1996 à Istanbul.

La conférence Habitat II devait porter au départ sur tous les types d’établissements humains mais elle se transforme progressivement en Sommet des villes, l’enjeu majeur qu’elles représentent pour le XXIème siècle et donc la nécessité de mettre en place de nouvelles politiques urbaines étant reconnues au cours de cette conférence. Deux questions sont à l’ordre du jour : comment assurer à tous un logement décent ? Comment rendre le développement urbain viable à long terme ?

Comme à Rio, les collectivités locales et les ONG se montrent très actives dans la préparation de la conférence. Quatre associations internationales de villes organisent une manifestation parallèle préalable qui réunit plus de 500 maires et représentants d’autorités locales. Le Groupe d’experts apporte, pour sa part, une contribution écrite à cette conférence.

La conférence d’Istanbul a eu le mérite de souligner l’importance de l’action pour le logement, l’environnement et contre la pauvreté, inscrite dans la Déclaration d’Istanbul et le Programme Habitat adoptés par les Etats membres.

Ce temps de l’action et des réalisations se confirme à Lisbonne, lors de la deuxième conférence des villes durables européennes qui a lieu en octobre 1996. Une participation record de 1000 personnes et 231 représentants d’autorités locales y est enregistrée. La conférence de Lisbonne s’ouvre aux villes situées hors Union européenne ; pour la première fois, la partie sud de la Méditerranée et les pays d’Europe centrale et orientale sont présents ainsi que l’Europe du Nord hors Union européenne. Cette conférence permet de mesurer le chemin parcouru dans la mise en oeuvre des principes de Rio (donc dans l’action) par les municipalités européennes depuis le lancement de la Campagne européenne des villes durables à Aalborg . Elle permet de débattre des difficultés rencontrées par celles-ci dans l’application concrète de ces principes. A l’époque, ce sont 233 municipalités de 27 pays européens qui ont ratifié la charte d’Aalborg et sont donc membres de la Campagne européenne des villes durables.

Deux idées fortes sont défendues par les institutions européennes qui co-organisent la conférence avec la Campagne et la ville de Lisbonne :

  • l’importance de concevoir des Agendas 21 locaux mais surtout de donner une traduction opérationnelle au concept de développement durable par le biais des Agendas 21 locaux ; l’Agenda 21 local ne clt pas un processus mais au contraire ouvre une phase d’expérimentation quant à son contenu. A Aalborg, il n’était question que de diagnostic ; à Lisbonne, il s’agit de parvenir, pour les collectivités locales, à fixer des priorités et ainsi à définir une stratégie urbaine globale ;

  • l’importance de concevoir une méthode et des outils de mise en œuvre appropriés. L’Agenda 21 local est présenté comme un plan stratégique permettant d’intégrer l’ensemble des préoccupations de politique urbaine ; c’est un outil fédérateur pour les villes.

En France, à la lumière des plans locaux et des chartes d’environnement puis des Agendas 21 locaux, la question de la prise en compte des préoccupations d’environnement dans le processus d’aménagement urbain a été mise à l’ordre du jour.

Les expériences présentées à Lisbonne montrent que les collectivités locales progressent à la fois sur les méthodes et les outils globaux mais aussi sur un plan sectoriel (eau, déchets, transports, climat, pollution,…).

La question de la gouvernance est également au centre de la conférence. Il est débattu de la manière de gouverner les villes autrement, en laissant s’exprimer d’autres acteurs que les élus locaux, en étant à l’écoute des messages dont sont porteurs les habitants. Tous les documents issus de la conférence de Lisbonne défendent l’importance de la participation et son caractère volontaire et partenarial ; il a été souligné que c’est aux élus locaux de l’organiser mais c’est à la démarche de développement urbain durable de l’exiger sans en fixer les formes.

La conférence constitue également le lieu choisi pour annoncer la création et lancer un Service d’information sur les bonnes pratiques européennes. Ce nouveau service, développé par Euronet et ICLEI, offre une base de données sur les bonnes pratiques environnementales des autorités locales européennes, des guides thématiques et des documents généraux sur le développement durable.

La séance plénière finale de la conférence est consacrée à la remise des Prix européens des villes durables, concours organisé sous la responsabilité du CCRE . Le prix vise à récompenser les pouvoirs locaux qui ont développé des plans d’action bien définis dans la perspective d’un développement durable et à encourager les municipalités ayant réalisé des projets innovants à poursuivre leurs efforts.

Le prix est attribué en 1996 aux villes de Dunkerque (France), La Haye (Pays-Bas), Graz (Autriche), Leicester (Royaume-Uni) et Albertlund (Danemark) ; des certificats de distinction sont également attribués à 17 autres villes dont Rennes et Montpellier.

La conférence de Lisbonne débouche sur l’adoption du " Plan d’action de Lisbonne : de la charte à l’action " qui articule principes d’action et approches à mettre en oeuvre pour concevoir et appliquer un Agenda 21 local. L’accent est bien mis sur le passage d’une phase de promotion de la charte, de démarchage auprès des collectivités locales et d’information sur le processus Agenda 21 local à une phase d’application des principes, de démarrage du processus Agenda 21 local et d’application des plans d’action. Il s’agit pour les collectivités locales d’appliquer l’Agenda 21 de Rio mais aussi l’Agenda d’Habitat II. Il a en effet été souligné au cours de la conférence que le ralliement à la charte d’Aalborg était plus important que prévu mais que les collectivités locales se montraient attentistes et peu enclines à s’engager dans l’action opérationnelle.

L’année 1996 correspond enfin à l’année de publication du rapport final " Villes durables européennes " du Groupe d’experts sur l’environnement urbain, commandé par la Commission européenne (mars 1996). Il est considéré comme l’un des documents de réflexion essentiel de la conférence de Lisbonne. Le Groupe d’experts recommande une approche écosystémique à l’égard de l’environnement urbain et l’élaboration de stratégies d’écogestion locales. Il examine les outils les mieux à même de permettre la mise en place d’un tel système de gestion urbaine intégrée. Il analyse enfin l’application d’une démarche globale et des outils définis à un ensemble de domaines politiques clé : l’écogestion des ressources naturelles, de l’énergie et des déchets, la politique économique et sociale, la mobilité, la planification spatiale, la régénération urbaine et les activités touristiques et récréatives.

En 1997, l’opération " Prix européen des villes durables " est reconduite. Trois municipalités sont déclarées lauréates en novembre 1997 ; il s’agit des villes de Heidelberg (Allemagne), de Stockholm (Suède) et de Calvia (Espagne). Un prix spécial est créé pour les collectivités territoriales des Pays d’Europe Centrale et Orientale (PECO). Il est décerné à la ville de Veliko Tarnovo (Bulgarie).

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3. Le temps de l’évaluation, Hanovre 2000, la troisième conférence des villes durables européennes

3.1. La Commission européenne met en place un cadre d’action favorable au développement urbain durable

Cette troisième période est ouverte par l’adoption en mai 1997 par la Commission européenne de la communication " La question urbaine : orientations pour un débat européen " qui marque la volonté de la Commission européenne de jouer un rôle plus actif dans le développement urbain. Dans cette communication, l’Union européenne se dit prête à agir pour répondre d’une manière plus efficace aux besoins des villes et les aider à relever un certain nombre de défis. Cette action passe, selon elle, par une plus grande cohésion des zones urbaines et la mise en oeuvre du développement durable dans les villes. Elle demande un partenariat actif avec les autorités publiques de tous les niveaux, les partenaires privés et les habitants. La Commission présente cette communication comme une base permettant d’engager un vaste débat sur les problèmes urbains à l’échelle de l’Union.

Le Groupe d’experts sur l’environnement urbain fait une réponse officielle à cette communication à partir de diverses contributions du groupe, des représentants de la DG XI et d’experts extérieurs ainsi que de responsables politiques et de fonctionnaires locaux.

A cette époque, la Commission européenne évalue les premiers résultats de l’initiative communautaire URBAN. Selon elle, URBAN commence à porter ses fruits, des améliorations sensibles étant perceptibles en termes de qualité de vie et de logement dans les zones concernées et l’approche intégrée ayant montré son efficacité pour traiter de problèmes à la fois sociaux, économiques et environnementaux. La Commission estime que le succès des programmes URBAN est imputable en grande partie à l’implication des citoyens dans leur conception et leur mise en oeuvre.

La Commission prend également l’initiative de lancer " l’Audit urbain « , projet pilote dont la création avait été annoncée dans la communication de mai 1997 et destiné à combler le manque d’information sur les villes de l’Union européenne. Cette étude, menée au sein de la DG XVI (Direction générale de la politique régionale et de la cohésion), vise 1) à créer un outil d’évaluation et de diagnostic permettant de mesurer la qualité de vie dans les villes européennes 2) à le mettre à disposition des villes 3) à réunir les informations utiles à la réalisation de cet audit. Ce projet débouche sur un rapport d’audit dressé pour les 58 villes sélectionnées et qui devrait être actualisé régulièrement, une analyse comparative des 58 audits et un Manuel de l’Audit urbain consistant en une méthodologie généralisable permettant à n’importe quelle ville européenne de s’auto-diagnostiquer.

Suite à l’accueil très favorable réservé par les institutions européennes, les associations et les villes à sa communication de mai 1997 " La question urbaine : orientations pour un débat européen « , la Commission poursuit son travail et rédige un plan d’action en faveur du développement urbain durable intitulé " Cadre d’action pour un développement urbain durable dans l’Union européenne " afin de respecter les engagements contenus dans la communication, à savoir promouvoir des stratégies intégrées de développement durable.

Elle organise en novembre 1998, le Forum urbain de Vienne afin de présenter et de discuter de ce plan d’action avec un large éventail d’acteurs.

Le Forum urbain de Vienne défend l’idée d’avancer dans ces stratégies en développant les bonnes pratiques et en échangeant les expériences.

3.2. Des conférences régionales préparatoires à la conférence de Hanovre

Comme cela a été décidé à la conférence des villes durables européennes de Lisbonne, l’organisation de quatre conférences régionales a été prévue afin de mieux comprendre les problèmes spécifiques rencontrés dans le Nord, le Sud, l’Est et l’Ouest de l’Europe et de trouver des solutions adaptées régionalement à un développement durable. Ces quatre rencontres sont destinées à préparer la troisième grande conférence des villes durables de Hanovre (février 2000). Chacune d’elles est montée par l’un des cinq réseaux de villes, coordonnateurs de la Campagne des villes durables européennes.

La première conférence, Conférence de l’Agenda 21 de la région de la mer Baltique et des villes saines et durables, a lieu à Turku (Finlande) en septembre 1998. Les municipalités et les organisations participantes s’engagent à mettre en place un Agenda 21 de la région de la mer Baltique, le premier programme Agenda 21 local inter-gouvernemental régional de l’après Rio, mais aussi à encourager toutes les municipalités de cette zone à concevoir leur propre Agenda 21 local avant la fin de l’année 2000. Cette région englobe les pays nordiques, les Etats baltes, l’Allemagne, la Pologne et la Russie. Les collectivités locales s’engagent également à créer un Forum de l’Agenda 21 local de la Baltique, réunissant les acteurs de la région, afin de coordonner et de promouvoir les initiatives à cette échelle. L’accent est mis principalement au cours de cette conférence sur le thème de la planification.

La deuxième conférence régionale, organisée par l’ICLEI, se tient à Sofia (Bulgarie), en novembre 1998. Elle réunit les pays d’Europe centrale et orientale et les pays périphériques qui ont des accords d’association avec l’Union européenne (exemples : Turquie, Chypre). Plus de 280 représentants d’autorités locales, d’associations de villes et des gouvernements nationaux sont présents parmi lesquels on compte 80 maires, qui se sont déplacés personnellement. Le thème central est l’intégration de ces nouveaux pays, notamment sur le plan environnemental, à l’Union européenne. Les principales questions traitées sont celles de la période de pré-adhésion, de l’uniformisation des lois et des normes, de la gouvernance, de la démarche globale et des outils. Les pays périphériques de l’Union, prétendant à une adhésion, comme le Kazakstan, la Russie ou l’Ukraine se sont montrés très curieux et intéressés par les réflexions et les pratiques en cours au sein de l’Union européenne.

La déclaration de Sofia " Vers une durabilité locale en Europe centrale et de l’Est " fait le point sur la situation des municipalités dans ces pays, les efforts qui leur restent à fournir à la fois pour être intégrés à l’Union européenne (critères, législation) et pour éviter tout développement " insoutenable " au cours de la phase de transition et sur les avancées enregistrées en termes de développement durable. A l’époque, 29 autorités locales de ces pays sont signataires de la charte d’Aalborg. Dans cette déclaration, les municipalités en appellent à leurs parlements et à leurs gouvernements nationaux pour qu’ils créent les conditions d’un développement durable, de la démocratie, de la société civile et de l’économie. Enfin, les municipalités des pays de l’Est demandent aux pays de l’Ouest et plus particulièrement à l’Union européenne d’apporter leur soutien au développement des capacités de gestion locales à travers la formation et l’échange d’expériences.

Séville (Espagne) accueille en janvier 1999 la conférence euro-méditerranéenne des villes durables, organisée par la FMCU . Il a moins été question de développement durable en tant que concept que de préoccupations d’urbanisme, d’aménagement et de mobilité.

La dernière conférence, organisée par Eurocités, se tient à La Haye (Pays-Bas) en juin 1999 ; elle réunit le noyau dur des pays de l’Union européenne, c’est-à-dire les pays de l’Ouest, et se présente plutôt comme une conférence de synthèse des trois précédentes, préparatoire à la troisième conférence des villes durables de Hanovre. Elle est déjà orientée sur l’évaluation, le outils et la mesure.

Au cours de ces quatre conférences, il est réaffirmé que les villes sont créatrices de richesses, sont le moteur du développement mais l’idée nouvelle défendue est celle de l’évaluation, de la mesure du progrès par le biais de tableaux de bord, d’observatoires ou d’indicateurs, l’un des thèmes centraux de la conférence de Hanovre.

En février 2000, se tient la troisième conférence des villes durables européennes à Hanovre. Elle a rassemblé 1400 personnes parmi lesquelles 250 responsables municipaux de 36 pays européens. Cent trente millions de citoyens sont maintenant concernés par la Campagne des villes durables européennes qui anime le réseau depuis 1994 et qui remporte à Hanovre un succès croissant.

La conférence se déroule sous le signe de l’élargissement de l’Union européenne. Dès la séance d’ouverture, les intervenants soulignent les enjeux de l’élargissement et l’importance du développement local pour réussir l’intégration des pays d’Europe Centrale et Orientale (un tiers des participants représente les futurs pays membres et les pays hors Union européenne).

Les maires et les élus présents réaffirment l’importance de leur rôle et demande le soutien des instances européennes dans leurs actions (Appel de Hanovre).

Les réflexions sont principalement axées sur la gouvernance, les méthodes d’évaluation et les politiques intégrées. Le sixième programme cadre pour l’environnement de la Commission est largement discuté. La Commissaire européenne Madame Margot Walström affiche le développement durable comme une priorité. Hanovre reprend en fait les idées du Forum urbain de Vienne et donc celles du cadre d’action pour un développement urbain durable de l’Union européenne.

3.3. Le Groupe d’experts sur l’environnement urbain poursuit se travaux

Entre la conférence de Lisbonne et celle de Hanovre, le Groupe d’experts sur l’environnement urbain a réalisé un certain nombre de documents thématiques, peu connus en France car ils ne sont pas traduits en français. Il s’agit de synthèses concernant les collectivités locales et de textes thématiques sur la planification, la participation et le rôle des ONG dans le processus Agenda 21 local.

Le Groupe d’experts est reconduit dans ses activités pour une durée indéterminée. La nouvelle formation du groupe se réunit une première fois le 29 octobre 1999 et réaffirme sa mission : formuler des recommandations destinées à la Commission pour la préparation de documents de position sur le développement urbain durable dans les pays de l’Union européenne, notamment pour la définition d’une politique urbaine européenne. De nouveaux thèmes de travail prioritaires sont définis : outils de l’évaluation (indicateurs), législation (traduction des principes du développement urbain durable), planification urbaine et design urbain. Le travail concernant les indicateurs, conduit sous responsabilité française, a été présenté lors de la conférence de Hanovre, celui concernant la planification urbaine, pour lequel le Royaume-Uni est tête de réseau, devrait bientôt sortir.

S’agissant de l’activité des réseaux adhérents à la Campagne des villes durables européennes, elle est en régression par manque de financement spécifique. Il a donc été décidé de mettre au point et de proposer au Parlement européen un cadre communautaire de coopération favorisant le développement durable en milieu urbain. Ce cadre, qui permet à la Commission d’apporter des aides directes aux réseaux de villes, a été adopté par le Conseil et par le Parlement sous Présidence française. Sa démarche se situe résolument dans le domaine de l’innovation et répond aux souhaits des responsables politiques locaux et des professionnels de la ville réunis dans les divers réseaux et particulièrement dans le réseau des villes durables européennes. Il est doté de 14 millions d’euros pour une durée de quatre ans. Les résultats du premier appel à proposition seront connus fin 2001.

Conformément à la mission qui lui a été confiée par le Conseil au moment de sa création, le Groupe d’experts continue à participer à la définition et à l’évaluation des démarches initiées par les instances européennes.

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