español   français   english   português

dph is part of the Coredem
www.coredem.info

search
...
dialogues, proposals, stories for global citizenship

Un projet de revitalisation urbaine à Martissant, quartier de la capitale haïtienne

L’aménagement d’un parc pour dynamiser l’économie et créer des emplois dans une zone constituée de bidonvilles

Lucie COUET

03 / 2008

Le quartier de Martissant est situé au sud de Port-au-Prince, entre le morne l’Hôpital et la mer, sur la route de Carrefour. Cette section communale s’est urbanisée très rapidement au cours des trente dernières années, du fait de l’exode rural. Les bidonvilles ont commencé à grimper le long des flancs du morne et vers la mer. Au moins 250 000 personnes vivent aujourd’hui dans ce grand faubourg de la capitale. Depuis le début des années 2000, le quartier a été l’un des théâtres privilégiés des violences qui ont frappé Port-au-Prince, en particulier des exactions des gangs. Ainsi, la population locale est-elle confrontée à une situation grave conjuguant la faiblesse de l’activité économique, des services sociaux de base, de l’approvisionnement en eau et en électricité et la menace permanente de la violence.

Au cœur du quartier, un îlot de verdure subsiste en amont duquel coule une source. Jusqu’aux années 80, y florissait un hôtel de luxe, connu sous le nom d’Habitation Leclerc. Ses suites désormais squattées - moyennant finances ! – voisinent avec la résidence d’une danseuse et anthropologue américaine aujourd’hui décédée, Katherine Dunham. Militante de la cause haïtienne, elle a travaillé tout au long de sa vie sur les coutumes liées au vaudou. Au sud de ces deux ensembles, l’ancienne maison d’Albert Mangonès et de sa famille. Albert Mangonès était l’architecte et sculpteur dont la statue du Nègre marron inconnu est devenue une icône nationale. Aujourd’hui, ces sanctuaires du patrimoine culturel haïtien ne sont plus occupés par leurs propriétaires et la résidence Dunham est à l’abandon. Au regard de la valeur environnementale et culturelle des lieux, les propriétaires ne pouvaient pas se résigner à les laisser à la dérive. Ils ont demandé à être expropriés et ont obtenu, en 2007, que leurs résidences soient déclarées d’utilité publique. Le gouvernement a délégué à la Fondation connaissance et liberté – FOKAL – la gestion, pour 3 années, de ces trois résidences désormais regroupées sous le nom de « Parc de Martissant ».

A ce titre, la Fokal est aujourd’hui coordinatrice, en partenariat avec la municipalité de Port-au-Prince, d’un projet d’ampleur sur la partie sud est du quartier. Depuis 1995, cette fondation haïtienne agit dans le domaine de l’éducation (elle finance l’ONG haïtienne Tipa Tipa pour notamment la formation des maîtres…) et dans le domaine du développement (adduction d’eau à Labadie…). Elle s’est également bâtie une solide réputation en programmation culturelle à Port-au-Prince et subventionne de nombreux artistes, confirmés ou débutants. Parallèlement, elle soutient les activités de la société civile, en particulier les paysans et les organisations de femmes.

Le projet de revitalisation urbaine du sud-est du quartier Martissant, financé en majeure partie par l’Union européenne, intègre six partenaires à l’intérieur et autour du futur parc. Parmi les objectifs prioritaires, la création d’emplois et la dynamisation économique de la zone. Outre la mise sur pied de groupes de dialogues sur la violence, l’ONG irlandaise Concern Worldwide a pour projet de mettre sur pied un incubateur d’entreprises (aide à la création et au renforcement d’entreprises) via une association d’entrepreneurs haïtiens. Oxfam, autre partenaire, souhaite développer la formation professionnelle et l’accès à l’emploi. Les associations partenaires sont également guidées par l’impérieuse nécessité de développer les services de base dans le quartier. Ainsi le GRET Haïti (Groupe de Recherche et d’Echanges Technologiques) interviendra lui, sur l’accès à l’eau, l’assainissement et la création d’espaces publiques. La municipalité de Port-au-Prince doit recevoir un financement pour offrir aux élus de la section un bâtiment qui permette d’accueillir les habitants du quartier pour leurs démarches administratives (Etat Civil…), ainsi que les associations locales. Le volet éducation sera assuré par l’ONG italienne AVSI (Associazione Volontari per il Servizio Internazionale) dans le secteur scolaire. Il sera appuyé par l’action coordonnée de la mairie et de la Fokal qui mettront sur pied des activités à destination des jeunes. Le parc intègrera quant à lui un centre culturel, dont une bibliothèque à destination des enfants, des jeunes et des étudiants.

La problématique environnementale est au centre des préoccupations. La recherche de solutions à la gestion des déchets et la réhabilitation de la source Leclerc s’accompagneront d’activités de sensibilisation et d’intégration de groupes d’habitants par la municipalité, le GRET et la Fokal. Pour sauvegarder la diversité de la flore du parc, un jardin botanique, ouvert au grand public et fondé sur une approche pédagogique, prendra place sur le site de l’ancienne habitation Leclerc et de la résidence de Katherine Dunham.

La première partie du projet a débuté depuis le 15 février. C’est un véritable défi, aujourd’hui, pour l’ensemble des partenaires de parvenir à le mener à bien dans le cadre des 18 mois du financement européen. Un défi d’intervenir dans une zone particulièrement stigmatisée et réputée dangereuse et de coordonner l’ensemble des activités qui se dérouleront dans le secteur. Un défi aussi de parvenir à accompagner les habitants dans leurs démarches et leurs besoins. Un défi, enfin, d’affirmer la présence si souvent rejetée des institutions publiques et de soutenir leur crédibilité dans un quartier généralement laissé à l’abandon.

Mais le plus grand défi reste de parvenir à inscrire ce projet dans la durée. La FOKAL réalise un diagnostic socio-démographique et urbain sur la zone pour dégager, après cette étude, les actions à mener à court, moyen et long termes. Il faudra également organiser la gestion future du parc et de tout ce que les opérateurs seront parvenus à mettre sur pied. Et cet ensemble d’échelons à gravir est porté par l’espoir de permettre aux habitants de la zone d’habiter un cadre de vie à visage humain. L’espoir aussi que le projet acquerra une valeur emblématique en apportant la preuve -s’il en faut encore une- que l’on peut agir pour un quartier populaire en traitant en citoyens ses résidents, si longtemps tenus hors de la cité.

Key words

urban development planning, urban neighbourhood, urban transformation, job creation


, Haiti, Port au Prince

Notes

Lucie Couet, urbaniste, est partie en Haïti en tant que volontaire dans le cadre d’un partenariat entre l’association Echanges et Partenariats, l’Association Française des Volontaires du Progrès (AFVP), l’Association Internationale des Techniciens, Experts et Chercheurs (AITEC), en France, et la FOKAL (Fondasyon Konesans ak Libète) en Haïti.

legal mentions