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São Paulo, ville corporative fragmentée

David Bodinier

2010

La notion de fragmentation a été popularisée en Amérique Latine, au début des années 90 par le géographe brésilien Milton Santos pour désigner une nouvelle forme de ségrégation urbaine dans l’aire métropolitaine de São-Paulo. Selon cet auteur, les effets de la globalisation et ses conséquences sur la métropole a invalidé le modèle traditionnel centre-périphérie. La thématique de la fragmentation a fortement marqué la recherche urbaine en Amérique latine et a coïncidé avec d’intenses débats internationaux sur la ville tel que les débats sur les « crises urbaines », la diffusion de l’exemple de Los Angeles comme idéal-type de la ville fragmentée, ou encore les travaux de Françoise Navez-Bouchanine les villes du Maghreb . La question de la fragmentation est à évoquer avec prudence car elle laisse parfois supposée l’existence d’une ville idéale, cohérente et unitaire. Il s’agit alors de saisir les effets de la globalisation sur les ensembles urbains tout en prenant en compte l’histoire des systèmes urbains et la diversité des contextes localisés.

En Amérique latine, la fragmentation urbaine se traduit par un paysage urbain où d’immenses quartiers d’habitats informels sont juxtaposés à des quartiers résidentiels fermés et des nouvelles infrastructures urbaines modernes. Les travaux de Milton Santos s’inscrivent dans un courant de la géographie marxiste qui prolonge les analyses d’Henri Lefebvre sur la production de l’espace, en évoquant les spécificités des villes d’Amérique Latine. Le développement urbain des villes latino-américaines, a été fortement marqué par la colonisation puis par la division internationale de l’économie. Conséquence de l’histoire de la création des villes en Amérique Latine, une part importante de la population vit dans des grandes agglomérations notamment portuairess. Au cours des dernières décennies, le déséquilibre démographique, croissance urbaine et solde migratoire, a provoqué une explosion urbaine et l’émergence de territoires urbains, ce que l’on désigne généralement comme phénomène de métropolisation. L’augmentation de la population a entrainé des bouleversements importants car les collectivités locales n’ont pas été préparé aux besoins en logement, infrastructures. De plus, les transformations liées à la globalisation, ont provoqué un renforcement des antagonismes et des séparations des groupes sociaux et une accentuation des frontières urbaines. Selon Milton Santos, le conflit a été accentué entre un espace local, vécu par les habitants, et un espace global régit par un processus rationnel, et un contenu idéologique distant, qui impacte les territoires à travers des processus économiques et normatifs.

São Paulo apparaît comme un exemple frappant d’une « métropole corporative fragmentée » selon l’expression bien connue de Milton Santos. Dans les années 40, on dénombrait 1,3 million d’habitants alors qu’au début du 21ème siècle la population atteint 10,4 millions soit une augmentation de 700% sur six décennies. Dans ses travaux, Maria Adélia Aparecida de Souza a constaté que le développement de São Paulo depuis l’industrialisation a pris la forme de deux processus concomitants : un processus de ségrégation de l’espace qui intéresse les classes sociales les plus aisées et les classes moyennes, ce que Souza va appeler la ville du capital, et la ville de la révolution, c’est à dire l’espace des pauvres qui arrivent à survivre grâce à quelques astuces et à rester dans la métropole . A la fin des années 80, des centaines de grandes tours ont été construites, notamment destinées à une fonction résidentielle pour les catégories favorisées. Par ailleurs, Alphaville, une immense gated communities construite pendant la dictature militaire, a été décrite par Phillipe Haringer en 1988 (!) comme « un chapelet d’immenses quartiers emmures comme Berlin, surveillés comme Checkpoint Charlie ». De fait, les barrières physiques, matériels et technologiques (murs, barrières, caméras…) viennent accentuer la séparation des territoires où vivent à proximité des riches et des pauvres dans des espaces hermétiquement fermés.

Au cours des dernières années, le développement urbain de São-Paulo a été bouleversé par le déplacement du secteur productif industriel à l’intérieur de l’hinterland et un tertiarisation de l’économie. L’axe central des affaires à São Paulo est désormais saturé ce qui provoque un débordement sur d’autres quartiers et une rareté des lieux entrainant une spéculation immobilière et foncière. Comme le remarque Ana Fani Alessandri Carlos, en vertu de la dynamique imposée par le déplacement de l’industrie et le développement d’autres activités, la centralité acquiert, maintenant, un nouveau sens. On observe une diversification des centres, multiplication et différenciation; tout comme la périphérie, la centralité devient inégale et différenciée. L’institut Polis, cité par un article du Monde Diplomatique, signale que dans la périphérie de São Paulo « plus de deux millions de personnes sont dans une situation d’habitat précaire et il manque quelque six cent mille logements. Dans le même temps, l’IGBE [Institut brésilien de géographie et de statistiques] recense deux cent cinquante-quatre mille appartements vides sur la seule ville de São Paulo et cinq cent quarante mille sur l’ensemble de l’agglomération. Il y aurait donc suffisamment de logements vacants pour régler en grande partie le problème des mal-logés. » 

Concernant les habitats irréguliers, un certain nombre de programmes de régularisation ont été menés, sous l’impulsion de la municipalité. On peut souligner le programme de régularisation urbanistique et foncière qui s’insère dans le Programme Quartier Légal de la Préfecture de Sao Paulo mené avec le soutien de l’Institut Polis. Le programme est caractérisé par le fait d’être un ensemble d’actions intégrées comprenant l’urbanisation et la régularisation des bidonvilles. Dans ce cas, les interventions ont lieu de forme intégrée, incluant la régularisation foncière, l’accès aux services et équipements publics (école, dispensaire et transport public), en plus des programmes sociaux de génération d’emploi et de revenu.

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Pour approfondir :

Source

DE Souza Maria Adélia Aparecida, São Paulo: ville mondiale et urbanisme français sous les tropiques, L’harmattan

Ana Fani Alessandri Carlos, « Dynamique urbaine et métropolisation, le cas de São Paulo », Confins [Online], 2 | 2008, posto online em 17 février 2008, Consultado o 05 janvier 2010. URL : confins.revues.org/index1502.html

Du Roy, Ivan, De Paula Irène, La promesse faite au peuple, www.autresbresils.net/ancienne%20version%20du%20site/ANALYSES/saopaulo2.htm, Publié dans Témoignage Chrétien , n° 3045 du 23 janvier 2003.

Helena Menna Barreto-Silva, Logement et gestion foncière à Sao Paulo, Etudes Foncières, n° 79, www.adef.org/site/?p=218

POLIS, Programme de Régularisation de bidonvilles de la Préfecture Municipale de Sao Paulo, Application de la Concession Spéciale d’Utilisation à des fins de Logement, Karina UZZO, 08 / 2005,base.d-p-h.info/fr/fiches/dph/fiche-dph-7028.html

Source photo : www.habitants.org/

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