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Coup de projecteur sur les gated communities

Dans le contexte de la globalisation néolibérale, les écarts s’accentuent entre d’une part des quartiers délabrés et stigmatisés, et l’émergence de lotissements fermés destinés aux classes moyennes et favorisés.

David Bodinier

2010

«Walls are effective in the short run to keep many (not all) people out, ant to keep many (not all) people in. But they are politically abrasive and magnify injustice, and they are neither friendly not charitable nor a sign of freedom » - Immanuel Wallerstein

 

 

Au cours des années 90, le phénomène de gated communities a pris une importance croissante dans la diffusion des représentations sur les villes contemporaines. Dans le contexte de la globalisation néolibérale, les écarts s’accentuent entre d’une part des quartiers délabrés et stigmatisés, et l’émergence de lotissements fermés destinés aux classes moyennes et favorisés. Si les lotissements fermés demeurent encore marginaux en Europe, elle est devenu une réalité dans plusieurs villes du monde, surtout aux Etats-Unis, devenant même une forme particulière de développement urbain. Nous proposons dans cette fiche quelques éléments sur les gated communities, ainsi que sur les formes de gouvernance privée.

Une gated communities est une zone résidentielle qui possède les caractéristiques suivantes : une zone où l’espace public est privatisé, délimitée par une grille, un mur ou une autre barrière physique et dont l’accès est limité aux seuls résidents. Contrairement à l’idée reçue, le phénomène ne concerne pas seulement les riches mais aussi les couches moyennes et des ménages aux revenus modestes, même si le phénomène se réfère à un idéal de richesse et d’exclusivité. Blakely et Snyder proposent la typologie suivante de gated communities pour le contexte américain : « enclave de sécurité qui se limite à offrir un environnement protégé, avec généralement très peu d’équipements communs, enclave de style de vie où une grille ou un mur assure l’usage d’équipement, le plus souvent de loisir, et enfin enclave de prestige, réservée à l’élite et située favorablement dans la hiérarchie de l’espace urbain. »

Les gated communities sont inspirés par une idéologie libérale. Elles incarnent un ensemble de tensions « entre les aspirations exclusivistes fondées par la peur et la protection des privilèges et les valeurs des responsabilités civiles ; entre la mode vers la privatisation des services publics et les idéaux du bien commun et de l’Etat providence ; entre les besoins d’outils de contrôle personnels et communautaires de l’environnement et les dangers d’exclure les concitoyens ». La volonté de se différencier de l’autre en créant des zones exclusives n’est pas un phénomène nouveau, si l’on en croit les travaux de Mike Davis concernant les municipalités sécessionnistes de Los Angeles, mais l’ampleur du phénomène est devenu particulièrement alarmant. Sophie Body-Gendrot a montré comment la politisation du thème de la criminalité aux Etats-Unis depuis les années 60, a été une stratégie politique qui permet la dichotomie entre les « ins » et les « outs » et rassure la majorité morale sur son statut. Les gated communities répondent ainsi à un besoin de sécurité, et de différenciation, face aux classes laborieuses.

Les gated communities questionnent le rapport entre public et privé. La nature juridique de la gated community est le statut de lotissement en copropriété, tels que ceux-ci se sont développés dans les années 1960 aux Etats-Unis à travers les associations de propriétaires (CID). Le principe français est celui de la subdivision, l’équivalent juridique du lotissement. Il est souvent observé que les gated communities privatisent l’espace public, lorsque par exemple des barrières sont érigées à l’entrée du lotissement. Renaud Legoix nuance : « les rues de desserte résidentielle sont habituellement des rues de voisinage, où se tissent des liens sociaux directs », qu’il différencie de l’espace public fréquenté et traversé par tous. Dans ce sens, la rue résidentielle serait un prolongement de la sphère domestique, ce que l’on retrouve dans d’autres villes du monde. Juridiquement, aux Etats-Unis, la privatisation totale de la rue est incompatible avec la présence d’investissements et d’infrastructures publiques, mais cela n’empêche aucunement le développement, derrière les murs, de services urbains complètement privés et exclusifs gérés et entretenus par un organe de régulation privée comme l’association de propriétaire.

Dans les cas les plus extrêmes, les gated communities peuvent développer des formes de gestion urbaine et de gouvernance privée. Renaud Legoix observe qu’aux Etats-Unis, l’association de propriétaires peut s’arroger des droits sur l’environnement des propriétés situées intra-muros limitant sévèrement l’expression des libertés individuelles, allant jusqu’à des formes de souveraineté locale. Selon cet auteur, les gated communities sont devenues des éléments du système de la croissance métropolitaine aux Etats-unis parfois soutenus par les collectivités territoriales en raison du rapport positif entre les ressources fiscales générées par la taxe foncière, et les équipements financés sur des fonds privés. Dès lors, le développement urbain généré par les gated communities passent d’un système production de « bien public » pour la population à la construction d’espaces juxtaposés et privés, perdant toute les chances pour ces ensembles urbains de faire société.

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Exclusion et fragmentation urbaine

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Source

Body Gendrot Sophie, La politisation du thème de la criminalité aux Etats-Unis, Déviance et société, 1999, vol23, pp75-89

Ségui Anne Marie, Les enclaves résidentielles : des gouvernements privés qui menacent la coéhésion sociale au niveau local, 2002

LE GOIX R. (2001). « Les ‘communautés fermées’ dans les villes des Etats-Unis. Aspects géographiques d’une sécession urbaine ». L’Espace Géographique, 2001, vol.30, n°1. pp.81-93.

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