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L’agglomération lyonnaise, un territoire ségrégé ?

2002

La recherche que nous avons menée a un intérêt fondamental : celui d’ouvrir la réflexion sur les inégalités (et surtout en matière des transports) aux espaces peu denses, qui sont actuellement en train de transformer les rapports entre les hommes, l’environnement et la société.

Nous ne reviendrons pas sur l’existence ou pas des inégalités, sur leur conceptualisation et sur leur connaissance

L’agglomération lyonnaise, un territoire ségrégé ? La lecture des documents et les entretiens le montrent et le démontrent. Par contre il n’y a pas démonstration des mécanismes induisant une plus ou moins forte ségrégation. On ne peut pas dire avec certitude s’il s’agit d’un territoire produisant lui-même des ségrégations.

Les « causes », on l’a bien vu, sont multiples, complexes. Elles sont en lien avec les politiques tant nationales que locales, en lien avec les décisions parfois contradictoires des élus locaux lorsqu’il s’agit de s’approprier des enjeux de « mixité », en lien avec une demande ou expression sociale de « ségrégation » ou de « vivre entre soi ».

Mais le problème est : comment « vivre entre soi », sans produire ce que les sociologues appellent la « distance sociale », la ségrégation ? Comment produire de la « mixité » avec certitude, de l’« insertion », de l’« inclusion » dans le système urbain, dans la société… ? Il ne s’agit pas seulement du problème du logement, même si les besoins de logement social sont forts.

Il y a ainsi un retour à l’une des observations fondamentales de cette recherche : la question de la connaissance et de la prospective, mais aussi de l’évaluation des politiques publiques. Nous reprendrons volontiers dans ce cas des observations réalisées par des géographes américains : « Des solutions spatiales aux inégalités sont en elles-mêmes insuffisantes… Elles peuvent être idéales pour réduire quelques inégalités, pour apporter un soulagement relativement rapide à la souffrance, mais elles ne s’attaquent pas aux causes… La planification spatiale devient une composante nécessaire de n’importe quelle politique globale ». Ils critiquent à travers les expériences américaines « le paradigme implicite, souvent appelé à titre incantatoire, qui énonce, par exemple, que le mélange spatial des activités et des catégories sociales suffirait à l’établissement de rapports sociaux moins inégalitaires ».

En fait se pose ici le problème de la confusion, avec de grands risques d’inefficacité, entre les territoires-cibles et les populations-cibles. Ceci handicape l’approche du problème qui est d’abord économique et social.

Du point de vue économique, tout s’accorde pour affirmer que si la crise économique n’avait pas existé, on ne se poserait pas la question de la même manière. Tout repose donc sur ce volet économique, qui est le moins bien développé dans les enjeux d’avenir des politiques publiques, même si le retour à une « économie traditionnelle » est abordé, au même titre parfois que l’économie « solidaire » et « sociale ».

Ceci étant, l’approche des inégalités en termes territoriaux a peut-être permis d’aborder in fine un problème essentiel : celui de la ségrégation par les transports.

Si affirmer l’existence d’une ségrégation par les transports pose des problèmes, du fait de la mesure et de la méconnaissance globale des mécanismes qui sous-tendraient ce phénomène, on peut par contre faire une hypothèse sur la ségrégation effective par les transports en milieu périurbain.

En effet, nous pensons que l’analyse réalisée au niveau de l’aire urbaine permet de bien montrer un problème d’application du « droit aux transports ». Si, dans une agglomération urbaine, il y a de fortes différences en termes de qualité et de quantité de desserte entre le centre et la périphérie (pouvant même poser des problèmes proches de la ségrégation), il y a dans le périurbain disparité totale donc ségrégation, surtout pour ceux qui n’ont pas réalisé un vrai choix résidentiel.

Le « droit au transport », dans ce qu’implique sa version « minimum social », ne joue plus dans ces espaces. Et ceci pose un vrai problème, non seulement d’égalité face au droit au transport, mais d’égalité d’accès.

Si dans les agglomérations denses, la notion de « minimum social » en terme de transport peut être construite (ce qui est en soi un chantier à mener d’urgence), dans les territoires à très faible densité où habitent ceux qui ne maîtrisent pas leur mobilité résidentielle et sociale (ou avec beaucoup de fragilité), cette notion est encore plus importante à travailler.

Et ce chantier est politiquement fort, allant plus loin que la simple volonté politique et juridique de permettre à des demandeurs d’emploi de bénéficier d’une carte orange ou de « désenclaver » des territoires. En effet, ce « minimum social » représente, comme le dit S. Reichman, « l’engagement de la société, vis-à-vis de chacun des membres, de pourvoir un seuil minimal de services et d’équipements indispensables… C’est la décision de transformer les préceptes de justice distributive en normes de justice de procédure. Dans le domaine de la demande de transports, il a été constaté l’existence de privations en termes d’accessibilité et de mobilité, ainsi que leur effet possible sur l’aliénation des individus. Cette aliénation, due aux privations de mobilité, se rapproche des autres manifestations de l’aliénation… » Le même auteur souligne néanmoins la difficulté de la mesure et de la norme : « Le minimum social est difficile, pour la simple raison qu’il n’existe pas de normes de mobilité — bonne ou mauvaise — ni pour la population en général, ni pour des groupes spécifiques, déterminés à partir des caractéristiques socio-démographique, en fonction de leurs situations spatiales, telle que la densité du lieu de résidence ou la taille de la ville de résidence ».

Mais il propose trois options pour déterminer ce minimum social dans le domaine de la mobilité : o « Développer des indicateurs de qualité de vie en les associant spécifiquement aux transports afin qu’ils servent d’avertisseurs dans le cadre d’une dégradation de la mobilité et qu’il soit alors possible de faire appel à une intervention préventive ». Il observe par contre qu’il s’agit d’« indicateurs difficilement désagrégeables et à valeur théorique discutable ».

o Le « droit au transport, qui consiste à déterminer à priori les seuils de transports considérés comme indispensables, afin de les incorporer dans les programmes de développement urbain et régional. » Ceci est une approche normative qui varie beaucoup entre milieux (en milieu rural, le seuil peut correspondre à un minimum de services publics, ex. un aller-retour quotidien, alors qu’en milieu urbain il peut s’agit d’un réseau entier qui permette de ne pas utiliser la voiture particulière). Ici se pose la question du coût élevé car il n’existe pas — a priori — de rapport entre le seuil des services offerts et le volume réel de la demande pour ces services.

o Le « droit à l’accès », approche qui implique aussi des aspects spatiaux de l’aménagement urbain et régional. Les problèmes de mobilité sont associés aux types de territoires mais aussi à la question de l’accessibilité, par tous les modes, aux services et équipements. C’est pour cette option que penche l’auteur.

Propositions de travail et de réflexion Que peut-on proposer en terme de chantier local, suite à cette recherche ? Quelques idées nous semblent intéressantes :

• Développement d’une démarche d’observation des inégalités, mais surtout de mesure et d’analyse. Ceci concerne les aspects liés aux transports et implique une réflexion sur le type de diagnostics, mesures objectivables mais aussi qualitatives

• Développement d’une démarche retro-prospective, pour aider à la connaissance, au suivi et à l’évaluation des politiques publiques

• Développement d’un chantier de mise en transparence (information, synthèses, études, etc.) collective des différences et inégalités, par la construction d’un langage commun

• Développement d’une démarche partenariale de schéma de développement d’économie urbaine « sociale », qui puisse aller plus loin que la notion d’économie « solidaire » et de création des emplois dits « d’insertion », permettant de contribuer à un vrai développement local

• Mise en oeuvre d’une démarche de concertation avec les acteurs concernés sur la base de cette recherche.

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Différences et inégalités territoriales, quel lien avec la mobilité ?

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Tiré de la synthèse de recherche du PUCA

« Différences et inégalités territoriales, quel lien avec la mobilité ? Réalités et perceptions vues à travers la planification et les discours d’acteurs dans l’aire urbaine de Lyon »

Février 2002

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