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L’influence des langues amérindiennes sur l’espagnol parlé en Amérique latine ou quand le syncrétisme est un moyen de survie culturelle d’identités opprimées

David GAKUNZI

04 / 1993

L’un des outils de conquête de l’Espagne en Amérique latine fut l’imposition de la langue espagnole. Réprimées, dévalorisées les langues amérindiennes vont survivre en secret ou alors en investissant la langue espagnole. L’Espagnol parlé en Amérique du Sud varie d’un pays à l’autre, aussi bien au niveau de la prononciation de certains mots que de la signification d’autres. Si par exemple les chanteurs de tango roulent fortement le r, à Porto Rico le r devient l ; et Porto Rico devient Puelto Lico. A Cuba, le même r est assimilé à la consonne suivante. Ce qui donnera par exemple pour le mot carne, la prononciation canne, pour le mot cuerpo la prononciation cueppo. Pour illustrer les différences au niveau de la signification des mots rien de mieux que cette anecdote d’un uruguayen en visite à Mexico : celui-ci fut fort étonné en voyant une pancarte qui disait "prohibidos los materialistas aparcar en lo absoluto" ce qui signifiait pour lui "interdit aux matérialistes de se garer dans l’absolu". Si un matérialiste ne s’occupe pas de l’absolu, se disait-il, il a encore moins raison de s’y attarder. Trouvant la chose éminemment philosophique il posa la question à des amis mexicains qui lui expliquèrent qu’en fait la pancarte voulait dire qu’il était : "stationnement absolument interdit aux camionneurs. "Materialistas" signifiant ceux qui transportent les matériaux. Pour comprendre l’origine de ces différences il faut aller chercher du côté de la géographie et de l’influence indienne. Les gens des hauts plateaux, boliviens de la Paz, péruviens de la Sierra, équatoriens , colombiens de Bogota, mexicains de Mexico, parlent pointu, bref et sibilant, raccourcissent les voyelles ; ceux de la plaine, argentins de la Pampa, uruguayens , ilaneros du Vénezuela et de la Colombie parlent allongé avec des voyelles qui s’allongent à l’image de l’horizon infini ; et enfin ceux des tropiques parlent les lèvres si écartées qu’aucune consonne ne saurait s’y installer. Si bien qu’à attendre les cubains on dirait qu’ils s’expriment directement avec la gorge sans intervention de la bouche. Ces déterminismes géographiques recoupent en fait la carte des différentes civilisations indiennes. Les indiens parlant en accord avec leurs montagnes et vallées, on peut conclure que les mexicains de Mexico, les boliviens de la Paz, les équatoriens de Quito, les péruviens de Cuzco et les colombiens de Bogota parlent pointu et sibilant par l’influence des langues aztèques, quechua et chitcha elles-mêmes marquées par l’air des montagnes. Cet air froid et sec donne naissance à un parlé bouche fermée, à une gestuelle étriquée, à un caractère biaisé. Dans ce sens, un homme de Bogota toujours cravaté, se tenant la tête basse est aussi proche du mexicain de Mexico que du casteno de Cartagene, colombien caribéen qui s’exprime avec le corps, et qui comme un cubain ne serre jamais les lèvres et relève la tête. Quand au paraguayen, il fait certes partie du bassin de Rio Plata avec l’argentin et l’uruguayen mais il a plus prise avec les caraïbes. Cependant son espagnol doux, lent et chantant est influencé moins par le climat tropical que par le guarani.

Key words

aculturation, cultural change, cultural identity, cultural interdependence, cultural syncretism


, Latin America

Comments

Les influences des langues amérindiennes sur l’espagnol révèlent une des stratégies de survie des cultures réprimées. Celles-ci pour ne pas mourir investissent toujours les cultures dominantes.Les langues amérindiennes , réprimées ont su "survivre" en investissant la langue dominante.

Notes

Fiche de suivi des manifestations du 5° centenaire de la "rencontre des deux mondes". Ces fiches ont été rédigées à partir d’interviews effectués lors de la rencontre "Identité des peuples d’Amérique 500 ans après" organisée par la Fondation Science et Art à Saint Domingue du 13 au 21/11/1992

Source

Interview

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