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Le droit à la terre considéré sous l’angle des droits de l’homme et du développement

Roger PLANT

10 / 1994

En septembre 1993, la Commission Internationale des Juristes (CIJ) lance un projet relatif au droit à la terre. L’objet de ce travail est d’examiner de manière spécifique le droit foncier, les régimes fonciers et agraires d’une part, et la réalisation des droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels, d’autre part. Pour des milliards de ruraux, la sécurité foncière doit être considérée comme une condition préalable nécessaire pour la réalisation des autres droits de l’homme internationalement reconnus.

Les initiatives régionales : La CIJ organise depuis une dizaine d’années des séminaires régionaux sur la promotion et la protection des droits de l’homme en milieu rural.

  • 1979, Colombie : identification de certains facteurs structurels à l’origine de la tendance croissante à l’expropriation des terres et à des violations de plus en plus fréquentes des droits de l’homme en milieu rural : abandon de la réforme agraire, politique agricole impliquant la concentration de la propriété foncière, diminution de l’efficacité et de l’indépendance des tribunaux et des juges agraires…

  • 1981, Malaisie : les objectifs de la réforme (garantir aux pauvres la sécurité de jouissance, la sécurité et la viabilité économique) ayant été détournés pour l’octroi des terres à des groupes privilégiés, le séminaire concluait à l’urgence de prévoir la création d’un tribunal agraire spécialisé et indépendant, doté de procédures rapides et simplifiées.

  • 1982, Inde : une conclusion essentielle : les politiques de réforme agraire ont eu comme principal résultat d’abolir les systèmes d’occupation « intermédiaire » et les régimes fonciers féodaux. Il faut réduire la marge d’influence des élites locales en place et freiner, par des mesures législatives et réglementaires, les nouvelles formes de la propriété foncière absentéiste. De plus, les terres attribuées devraient être détenues en copropriété par les époux, à part égale et avec des droits réciproques de succession. Il conviendrait également de rétablir le caractère collectif des ressources telles que les forêts, les pêcheries et les terres de pâturage, et de réserver en priorité leur usage aux pauvres des zones rurales.

  • fin des années 80, Afrique, Asie et Amérique Latine : série de séminaires consacrés aux difficultés des paysans, des cultivateurs à bail et des population autochtones à se familiariser avec les lois agraires et les procédures juridiques complexes, et à s’assurer d’une représentation juridique adéquate (vulgarisation du droit coutumier et du droit écrit et formation de para-juristes locaux).

Problèmes thématiques : première évaluation

a) Les principes fondamentaux du droit foncier et du droit à la terre : la tendance à la privatisation des terres va-t-elle réduire à néant les perspectives de futures réformes agraires visant à la redistribution, même dans les pays où la question se pose avec acuité comme une nécessité sociale ? Ou bien saura-t-on conserver la fonction sociale de la propriété comme principe utile de limitation du droit à la propriété privée et des transactions foncières spéculatives ?

b) Eliminer la discrimination dans l’usage du sol : la privatisation des terres pourrait intervenir soit par voie de restitution (cas des Pays Baltes et de la Bulgarie par exemple), soit par indemnisation. En Afrique du Sud, sous la pression de l’ANC, la nouvelle Constitution devrait autoriser l’expropriation par l’Etat de droit de propriété dans l’intérêt public, afin de rétablir dans leurs droits les personnes dépossédées de leur terres (souvent antérieur à la législation foncière d’apartheid de 1913)du fait d’une quelconque politique de discrimination raciale. Le principe de restitution est source de problèmes complexes. Jusqu’où peut-on remonter dans le temps ? Comment et sur quels principes peut-on fonder des procédures de règlement équitable des revendications ? Dans quelle mesure et suivant quels critères les revendications des nouveaux occupants ou propriétaires des terres devraient-elles être prises en compte dans le règlement des conflits fonciers ?

c) Droits traditionnels et droits juridiques : nombreuses sont les communautés africaines qui acceptent mal les efforts des gouvernements pour saper l’autorité traditionnelle en imposant des systèmes nationaux de répartition des terres. D’autre part, des craintes se sont exprimées concernant certains systèmes fonciers coutumiers devenus corrompus et qui ne servent plus les intérêts ou les aspirations des membres des collectivités locales.

Un intérêt particulier a été porté à la notion de Conseils ruraux à l’exemple de ce qui ce passe au Botswana. Les Conseils ruraux sont comptables devant le gouvernement et les communautés locales et utilisent aussi bien le droit coutumier que le droit écrit pour l’attribution des terres. Leurs compétences d’attribution couvrent aussi bien le règlement des différends, l’imposition de limitation à l’utilisation des sols, l’annulation de n’importe quel type de droit à la propriété et la mise en oeuvre de politiques et de programmes d’aménagement rural.

d) Droits des femmes à la propriété foncière : aujourd’hui, même lorsque les femmes exploitent, de facto, leurs terres, la loi a tendance à ne pas les reconnaître comme les gestionnaires de ces terres. De plus, la généralisation des cultures marchandes a provoqué la perte à la fois de leurs revenus et de leur héritage. Que ce soit la privatisation ou des régimes fonciers fondés sur le droit coutumier, les femmes n’obtiennent pas la protection minimale de leurs droits fonciers.

Conclusion

Trouver un équilibre entre l’équité et le rendement en matière de politique d’occupation et d’exploitation du sol n’est pas chose aisée. La CIJ dégage trois principes d’action pour les travaux à mettre en oeuvre sur ce sujet :

1- Replacer les question de droits fonciers dans le cadre général des droits de l’homme.

2- Dépasser la seule question des droits des peuples autochtones et étendre la réflexion aux millions de paysans sans terre et de ruraux pauvres.

3- Engager une collecte d’expériences et une réflexion dans toute les régions du monde pour poursuivre la constitution d’un droit international des peuples à la sécurité de jouissance de la terre. La CIJ invite toutes les personnes intéressées à apporter les suggestions, commentaires et critiques utiles à l’avancement des réflexions et des propositions.

Key words

soil right, peace and justice, access to land, alternative law, customary law, awareness of law, land reform, human rights, law, land right


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Ébauche pour la construction d’un art de la paix : Penser la paix comme stratégie

Expériences et réflexions sur la reconstruction nationale et la paix

Notes

Roger Plant est coordinateur du Projet relatif aux droits à la terre au sein de la Commission Internationale des Juristes, dont le siège est à Genève.

Fiche rédigée à partir d’un document envoyé suite à l’appel international à contribution lancé par la FPH pour l’organisation de la rencontre internationale sur la reconstruction du Rwanda (Kigali, 22-28 octobre 1994) co-organisée par la FPH et le CLADHO (Collectif des Ligues et Associations de défense des Droits de l’Homme).

Source

Articles and files

PLANT, Roger, CIJ=Commission Internationale de Juristes in. La Revue, 1993/12 (SUISSE), 51

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