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Le cas bulgare : réforme agraire et privatisation dans le domaine agricole

Philippe CACCIABUE

10 / 1994

La forme et l’évolution des transformations en cours dans les pays de l’Est montrent des diversités liées à l’histoire, aux structures de production, et aux choix des réformes et de leur application dans ces différents pays. Il n’est pas envisageable d’étudier globalement le processus de transition vers l’économie de marché sans voir comment cela se passe au niveau local. Ces initiatives locales, évoluent en fonction des contraintes propres, en relation avec les dynamiques prévalant dans les Balkans.

La principale différence entre la réforme agraire bulgare et albanaise est que la Bulgarie poursuit un but politique et social à long terme, sans se préoccuper de la rationalisation des structures de production du moins sur le plan de l’aménagement foncier, à court et moyen terme. La privatisation des terres, restituées à ses anciens propriétaires (quand ils se manifestent, que leur titre de propriété est valable, et que les limites de la propriété sont définissable)résidant en ville pour la plupart, désorganise l’agriculture bulgare et ne se tourne pas suffisamment vers le marché intérieur.

En Bulgarie, on procède au rétablissement de structures agraires anciennes, inadaptées aux moyens et techniques de production existants. Le principal travail effectué est la mise au point d’une méthodologie pour la transformation de coopératives de travailleurs de la terre, en coopératives de propriétaires de terres et de moyens de production.

Première étape : évaluation de la valeur globale (terres, bâtiments, matériel, etc...)de chaque coopérative par des commissions.

Deuxième étape : répartition des valeurs en fonction de la durée de travail dans la coopérative - et ce quel que soit le travail (employé, ouvrier, dirigeant)- durant les cinq dernières années.

Le problème soulevé par la fixation du rapport entre les terres, le bétail, les machines mis à disposition lors de la collectivisation il y a 40 ans, a été résolu en distribuant les valeurs selon la formule 40% pour la terre, 40% pour le travail, 20% pour les moyens de production. Cette réforme semble ne pas tenir compte de la diversité des situations agricoles, d’un point de vue géographique et de développement agricole et socio-démographique des différents espaces ruraux du pays (exode rural, spécialisation de la main d’oeuvre). Les conditions différentes de production et la question démographique font que le passage à l’économie de marché produit des crises dans la commercialisation des productions agricoles, et que l’on assiste à l’émergence de différents types d’exploitations agricoles selon les régions.

Les problèmes de restitution des terres aux anciens propriétaires/Les dispositions liées à l’application de la loi foncière montrent comment les décisions politiques retardent l’avancement de la réforme, ainsi que la formation d’exploitations réelles. Ces dispositions prévoient que tout Bulgare disposant d’un titre de propriété foncière d’avant 1945,retrouve sa propriété, si les anciennes limites et l’ancien plan de distribution existaient. Cela implique bien les retards dans la fixation des limites des propriétés foncières, et donc dans la création de nouvelles structures agricoles familiales. De plus la transposition d’anciennes structures foncières désorganisent les infrastructures collectives et fait émerger une nouvelle agriculture parcellaire.

L’application de la réforme agricole peut donc prendre différentes formes. Si le plan ancien existe,l’ancien propriétaire peut prendre possession de ses terres (il a trois ans de délai au maximum pour formuler la demande)sinon, il doit attendre le nouveau plan de division et de distribution des terres. Si le plan n’existe pas, mais que les titres de propriété sont fondés (par l’existence de documents, par exemple), la propriété est restituée en profitant de l’espace aménagé existant pour regrouper les terres. Cet essai de remembrement se fait afin de regrouper les terres autour du village, rassembleret limiter le nombre de parcelles d’un même propriétaire. Le partage se fait par tirage au sort après le rassemblement de tous les documents disponibles.

On observe différentes formes d’exploitations agricoles selon la répartition géographique :

  • en zone péri-urbaine, les propriétaires, d’anciens citadins, organisent leur production en fonction de leurs besoins, mais aussi du marché de la ville. Ces micro- structures mobilisent l’ensemble de la famille. Les travaux mécanisés sont effectués grâce aux services de la coopérative. Les plus grosses exploitations (2 ha), se spécialisent dans l’élevage.

  • dans les zones de forte démographie caractérisées par la présence importante de jeunes agriculteurs, il y a une tendance à la formation d’exploitations agricoles spécialisées de moyennes et grandes tailles.

  • dans les zones touchées par l’exode rural, à population âgée, on assiste d’une part au besoin de rester protégé par la coopérative agricole, d’autre part, à la formation de grandes exploitations familiales de type capitaliste (nouvelle organisation des anciennes coopératives, associations d’exploitants). Ces exploitations proposent leurs services aux plus petites (approvisionnement, location de matériel, etc...), achètent ou louent les terres des retraités, louent les installations des anciennes coopératives.

Conclusion : dans les différentes régions agricoles bulgares, on retrouve la coexistence de différentes formes d’exploitations agricoles. Ces formes demeurent théoriques pour la plupart, car les limites ne sont pas encore fixées. Cette coexistence, issue de la réforme, apparait comme une adaptation originale à la diversité des structures et des conditions socio-économiques de l’agriculture bulgare. Mais elle porte en elle les germes de la confrontation possible au sein de la communauté villageoise, en raison de l’antagonisme des formes d’exploitation et des systèmes de production.

Key words

agriculture, privatization, land ownership policy, land reform, production, land decollectivization, liberalism


, Bulgária

Notes

Synthèse d’un texte de Dimitris Goussios, professeur de sociologie à l’Université de Thessalia (Contact : Pedion Areos, 38334, Volos/ Grèce). Texte coupé en deux : voir première partie intitulée : "La situation post-collectiviste en Albanie dans le domaine de l’agriculture".

D. Goussios est membre du réseau APM (Agriculture paysanne et modernisation)mis en place par la FPH. Ce réseau avait été sollicité lors de la préparation de la Rencontre internationale sur la reconstruction du Rwanda, dans le cadre d’un recueil d’expériencesdans le monde.

Fiche rédigée à partir d’un document envoyé suite à l’appel international à contribution lancé par la FPH pour l’organisation de la rencontre internationale sur la reconstruction du Rwanda (Kigali, 22-28 octobre 1994)co-organisée par la FPH et le CLADHO(Collectif des Ligues et Associations de défense des Droits de l’HOmme).

Source

Original text

GOUSSIOS, Dimitris

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