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Basket-ball et lien social d’urgence

Les gangs, clubs sportifs des barrios de Caracas, Venezuela

Yves PEDRAZZINI

12 / 1994

Comme la "débrouille" des habitants des barrios, la passion des gangs pour le sport, le basket-ball en particulier, nous informe sur la sociabilité et les structures actuelles de la métropole. A tel point que nous nous sommes démandé si l’on ne pouvait pas considérer ces gangs comme des "clubs sportifs" et reposer à partir de cette théorie tout le problème de la violence et de la criminalité urbaines. Cette minuscule révolution dans l’approche du problème pourrait nous permettre de travailler concrètement avec les habitants à une "culturation" sportive du barrio, contre la "culture de la mort jeune" qu’annonce la rencontre des cartels colombiens de la drogue avec les pandilleros des quartiers vénézuéliens :

"Ce qui intéresse le plus les jeunes du barrio ces temps, c’est le basket, à cause des personnages comme Jordan, et à cause de la télévision. Ce sont aussi les conditions du barrio qui influent, s’il y avait un terrain de base-ball, ils joueraient au base-ball, une piscine, ils nageraient, mais ici on n’a pu installer qu’un terrain de basket. Dans n’importe quel coin, n’importe quel angle de rue, tu peux installer un panier, et on joue alors pour se changer les idées. S’il n’y a pas de terrain, rien pour faire du sport, alors comme ils idolâtrent le malandro qui passe avec son flingue, ils chercheront à l’imiter lui. En revanche, s’ils ont la chance d’avoir un terrain pour le sport ou au niveau musical, un endroit pour la musique, alors ils idolâtrent un musicien, un joueur de basket ou de base-ball. Après ça, ils font ce qui leur plaît le plus. S’ils aiment le basket, ils en font, s’ils aiment les malandros, alors ils se dédient au malandreo. Les enfants, ils suivent les traces (...). Si un gamin voit un type qui tire sur un autre, ils l’admirent et alors tu entends, "je suis machin, bang, bang", en jouant avec leurs pistolets en plastique. En revanche, s’ils voient jouer au basket, ils vont dire "je suis un tel" et jouer au basket, même chose s’ils voient jouer d’un instrument. Quand on est enfant on va imiter celui qui est le meilleur, quel que soit son champ d’activités. La méchanceté qu’ils mettent dans le malandraje, ils peuvent aussi bien la mettre dans le basket (...)" (Nelson, 23 ans, malandro, Barrio Marín, mars 1993).

"C’est les bandes qui organisent le tournoi, c’est bien, parce que ça signifie la participation des jeunes du barrio. Mais ce n’est pas un tournoi où le meilleur gagne, mais le plus combatif (el más bravo), celui qui applique la méchanceté, la vitesse. "Non, non, c’est moi qui ai gagné" -et comme il n’y a pas d’arbitre dans ces tournois de basket, mais arbitre celui qui est là, ce qui se passe donc c’est que s’applique là aussi la loi du plus dur" (Carlín, 50 ans, dirigeant municipal, Barrio Marín, avril 1993).

Les gangs, grâce à une irruption récente et médiatisée au niveau planétaire (Los Angeles, 1992), font aujourd’hui partie des figures clés de la métropole. Appuyé par l’industrie du disque et du clip, -la gangsta’music, les films noirs (de peau)et les play-off de la NBA- le jeune gangster impose sa culture, son look, sa violence et sa surmodernité dans tous les "non-lieux" (M. Augé, 1992)des Amériques et d’Europe. Malgré ça, le monde entier continue à croire que les gangs ne sont en fait que des marchands de crack. En ce qui nous concerne, nous préférons les considérer comme des promoteurs culturels :

"Nous sommes des malandros. Eh bien, les gens ont vu quand on a organisé le tournoi de basket, que ceux de qui ils espéraient le moins au niveau culturel, pouvaient organiser un truc qu’ils n’avaient jamais été capables d’organiser, tout président, vice-président d’association qu’ils étaient, d’inviter des équipes, etc. Alors ceux de la Fondation Marín se sont rapprochés d’eux et après, on leur a laissé poursuivre. Mais on a continué à les aider, parce qu’ils ne connaissaient rien au basket, et ils n’avaient pas les contacts qu’on avait avec les bandes, les malandros -et malgré l’âge que j’ai- j’ai pas mal de psychologie. Je leur ai expliqué comment il fallait se comporter avec les malandros, comment ils devaient traiter avec les mômes pour qu’il n’y ait pas de lézard, parce qu’il n’aurait pas fallu qu’ils s’adressent aux malandros de manière dépréciative". (Nelson, 23 ans, malandro, Barrio Marín, mars 1993).

Key words

social actor, precarious neighbourhood, social relationships, young person, association


, Venezuela, Caracas

Comments

L’étude présentée prolonge une recherche menée au Venezuela dans les barrios de Caracas entre 1988 et 1994 et portant sur la "culture d’urgence" des malandros et des bandes d’adolescents (Y. PEDRAZZINI et M. SANCHEZ, 1992). On essayera de montrer dans quelle mesure les gangs sont avant tout des associations sportives, dont le lien social est véhiculé par le ballon du basket et inscrit d’abord sur la cancha ("playground").

Source

Colloquium, conference, seminar,… report

PEDRAZZINI, Yves, Institut de sociologie. Université de Zurich, Pratiques sportives et société, 1994

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