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Le tissu associatif rwandais après la guerre d’avril 1994

2 - Les groupements de base

Florence DA SILVA

08 / 1995

Si les ONG rwandaises se caractérisent par un fort niveau d’institutionnalisation, la variété et la dimension souvent nationale de leurs objectifs, les groupements communautaires ou associations de base, eux, sont constitués d’un petit nombre de personnes désirant démarrer ou développer un micro-projet générateur de revenus de façon très localisée. Ces petits groupements communautaires créés sur la base d’un métier, d’un secteur géographique, du sexe ou de l’âge reçoivent l’aide des Ong rwandaises, des autorités administratives locales (bourgmestre de la commune, chefs de secteur...)mais aussi de certaines ONG internationales. C’est un véritable travail de développement communautaire qui doit alors être mis en oeuvre pour éviter l’entrée dans une logique de l’assistance, favoriser les projets intégrés (autosuffisants)et l’autopromotion, gérer les compétences du groupe, former des membres qui agiront ensuite comme "agents multiplicateurs" des savoirs, inciter le groupe à reconnaître et à puiser dans ses propres ressources etc.

1- Groupements de base et développement communautaire ". L action de développement communautaire initiée par le CECI (Centre d Etudes et de Coopération Canadienne)dans le Mutara illustre bien les problématiques auxquelles sont confrontés les groupements de base. Les paysans de cette commune avaient déjà entendu beaucoup de promesses d’aide. En conséquence, ils n’avaient pas eu l’occasion de réfléchir sur la manière dont eux, avec leurs propres ressources, pourraient améliorer leur situation. La première étape a donc consisté à les aider à s’auto-organiser pour résoudre les problèmes collectivement : nombre de ces paysans sont d’anciens réfugiés. Ils n’ont pas de maison. Il est difficile à un seul homme de construire sa maison. Mais si tous fabriquent les briques et se regroupent pour construire d’abord la maison de X, puis celle de Y et ainsi de suite jusqu à ce que chacun ait la sienne, alors la situation pourrait se débloquer. L’idée à faire passer est que, si le groupe commence à travailler au lieu d’attendre passivement l’aide, quand l’aide arrivera elle soutiendra leurs efforts et une partie du chemin aura été fait; et si l’aide ne vient pas, ils n’auront pas perdu leur temps.

L’animateur du CECI leur a donc proposé de lister les problèmes qui les préoccupent, puis de créer des groupes de trois personnes qui seront spécialement chargées d’un aspect de ces problèmes au nom de toute la communauté, et enfin de réfléchir à ce qu’ils pourraient faire avec leurs propres moyens. Pendant ce temps les représentants du CECI allaient prendre les contacts nécessaires avec les autorités communales et avec le représentant du Ministère de la Famille pour obtenir des informations plus précises permettant d’affiner le diagnostic et, bien sûr, chercher les voies de la collaboration avec ces acteurs clés du développement rural.

Les paysans (curieusement sur les 60 à 80 personnes présentes on ne comptait quasiment que des hommes âgés)avaient dressé la liste des problèmes suivants : agriculture et élevage (semences, outils, engrais...); habitat; sécurité (proximité de la frontière zaïroise et infiltrations d’éléments extrémistes venant des camps de réfugiés de Goma en particulier); santé des hommes et du bétail; eau (approvisionnement difficile en saison sèche : il faut parfois faire jusqu’à 8 kilomètre pour puiser de l’eau); les filles, les veuves et les orphelins (moyens de subsistance); la scolarisation des enfants.

A partir de cet état des lieux et des propositions des membres du groupement, le CECI peut alors envisager les modalités de son aide : un crédit pour acheter du matériel agricole ou pour mont er un atelier de couture qui sera à la fois un lieu de production et de formation; la recherche d’engrais d’importation au meilleur prix etc.

De manière générale, la période d urgence étant passée, l’aide aux groupements de base se fait de préférence sous une autre forme que celle du don. On lui préfère la formation et le crédit, qui responsabilise les membres , les rend réellement propriétaires des biens, initie à l’épargne et à la gestion communautaire. Le crédit peut se faire en nature, comme par exemple le crédit rotatif chèvre : on vous donne un petit nombre de chèvres, elles vous procurent une source de revenu et quand elles procréent vous donnez les petits à un autre membre du groupe qui fera de même.

S’il y a une demande importante pour la création ad hoc d’activités génératrices de revenus par ce type de groupements, on relève aussi des sollicitations pour le développement d’activités existantes mais qui stagnent. Ainsi un producteur de légumes divers aura-t-il besoin d’une pompe pour puiser l’eau dans la rivère qui se trouve en contrebas pour irriguer ses cultures.; un producteur de briques cuites désire utiliser du matériel plus moderne pour augmenter sa production ou alors acheter un camion pour la transporter; un vendeur de gravier aurait besoin de massues plus lourdes pour rendre la tâche de concassage des pierres moins fastidieuse. Parmi les nombreux projets que j’ai pu visiter, un des arguments des petits producteurs est souvent le soutien aux veuves et la formation des orphelins : avec des moyens adéquats on peut apprendre un métier à des enfants qui pourront ensuite lancer leur propre affaire.

2- "Promouvoir les activités génératrices de revenus : première étape à toute action psycho-sociale". Les initiatives locales à visée de production foisonnent. S’appuyer sur ces groupements communautaires et soutenir en particulier les projets des femmes et des jeunes est un bon moyen de relancer de façon pertinente la petite économie rurale et urbaine. C’est aussi une des solutions pour soutenir sur le long terme les familles composées de veuves et d’enfants orphelins ou non-accompagnés. Une ONG qui désire monter un projet au Rwanda aujourd’hui doit avant tout penser à intervenir de cette façon : soutenir les initiatives locales en tous genres. Toutes les ONG qui ont eu le projet de lancer des actions psycho-sociales (aide aux personnes traumatisées en particulier)vous le diront : aider une famille à générer son propre revenu est la première étape du soutien psycho-social. Ensuite vous pourrez lui parler du comportement dépressif du cadet, du droit des enfants à l éducation et des normes d hygiène collective et individuelle etc.

Key words

ethnic conflict, association, community development, NGO, transition from war to peace


, Rwanda

Notes

Contact personnel Florence DA SILVA : 89-91 rue Pelleport 75020 Paris, France.

Ces lignes sont le résultat d’observations et d’entretiens avec les associations citées et bien d’autres en juillet et août 1995 ainsi que tirées de l’expérience d’Enfants Réfugiés du Monde au Rwanda. Voir aussi la fiche " 1- Les ONG féminines rwandaises "

Source

Interview ; Experience narration ; Working papers

ERM (Enfants Réfugiés du Monde) - 34 rue Gaston Lauriau, 93512 Montreuil cedex, FRANCE - Tél. : 33 (0)1 48 59 60 29 - France - erm (@) erm.asso.fr

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