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La pêche contre la famine en Somalie

Le récit d’un projet qui n’a jamais vu le jour

Sophie NICK

02 / 1996

Alexis MAHEUT, ancien pêcheur, dirige la coopérative de pêche du Havre et le comité local des pêches. Il a effectué des missions en Somalie pour le compte d’une ONG française.

"J’ai effectué ma première mission en Somalie à l’époque où les journaux dénonçaient la famine. J’ai été contacté par une ONG qui voulait monter un projet de développement de la pêche pour nourrir ceux qui mourraient de faim dans les camps de réfugiés. Les personnes qui avaient eu cette idée ne savaient pas comment s’y prendre, et n’y connaissaient pas grand chose en matière de pêche. Avec des aides de la CEE, ils voulaient que je monte une structure complète d’atelier de construction de bateaux, de coopérative, de circuit de commercialisation : la filière totale. Nous sommes partis avec la présidente somalienne d’une association franco-somalienne à qui l’ONG avait donné l’argent du projet et nous nous sommes vite aperçus qu’elle utilisait ces fonds pour distribuer des bakchichs afin de servir ses intérêts personnels. On a du acheter du matériel au Kenya, les personnes qui devaient nous faire crédit ne l’ont pas fait, moi qui suis pêcheur j’ai eu à choisir du matériel agricole. C’était n’importe quoi. L’ONG n’était pas du tout préparée à cette mission, elle découvrait complètement. Pour 10 jours en Somalie, j’ai perdu 3 semaines au Kenya. Il y a eu un gâchis d’argent lamentable. Je ne parlais pas l’anglais, c’était une grosse lacune.

Lors de la deuxième mission que j’avais préparée moi-même, j’avais embarqué des radios pour être en contact avec d’autres ONG et c’est ce qui nous a sauvé la vie quand on a été attaqué. Après avoir eu l’expérience des galères de la première mission, on avait apporté avec nous tout le matériel dont on avait besoin pour être autonomes. Seulement, nous étions un peu trop préparés cette fois, nous étions autonomes et nous n’avions pas d’argent à donner en bakchich ; alors nous avons été "braqués".

J’ai rencontré des personnes qui travaillaient dans des ONG ou aux Nations Unies, ils avaient parfois 20 ans d’expérience dans l’aide humanitaire mais ils avouaient que la Somalie est un pays où il est très difficile de travailler. Pour être accepté et savoir ce que l’on peut faire dans le pays, il faut être une ONG très riche. La Croix Rouge louait en brousse des maisons à 4500$ par mois et payait 100 gardes du corps à 100$ par mois. C’est le système obligatoire pour travailler là-bas. L’aide humanitaire a apporté une grande richesse aux personnes qui étaient déjà fortunées en Somalie."

Key words

traditional fishing, sea, NGO, cooperation, corruption, food assistance


, Somalia

Comments

A mon retour, je suis allé à Bruxelles pour dire au bailleur de fonds que ce n’était pas possible de travailler là-bas, qu’il fallait arrêter tous les projets en Somalie, que c’était un gouffre financier, que ça ne servait à rien et que les Somaliens concernés par le projet de développement de la pêche nous voyaient seulement comme une tirelire.

Notes

Entretien réalisé par Sophie Nick au Havre dans le cadre de la capitalisation d’expérience du CEASM.

Entretien avec MAHEUT,Alexis

Source

Interview

CEASM (Association pour le Développement des Activités Maritimes) - Le CEASM a arrêté ses activités en 2001. - France

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