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Afrique du Sud : les Casquettes bleues de l’espoir

04 / 1996

Après les "Casques Bleus" de l’ONU ou les "Tuniques Bleues", voici les "Casquettes Bleues" ! Il s’agit des observateurs envoyés par les Eglises pour surveiller le processus de paix en Afrique du Sud. Ce programme lancé en octobre 1992 a pour nom EMPSA (Ecumenical Monitoring Programm in South Africa). Les volontaires aux "casquettes bleues" sont une dizaine actuellement, répartis par groupes de deux dans cinq régions du pays. Ils sont renouvelés toutes les six semaines : bénévoles, ils peuvent difficilement s’engager plus longtemps. Il s’agit de "gens d’Eglise" : des clercs, mais aussi des laïcs croyants, protestants ou catholiques, envoyés par un organisme ecclésial. Ils viennent des Etats-Unis ou du Japon, de Suède ou de Belgique... A leur arrivée, ils suivent deux journées de formation à Johannesburg puis sont envoyés dans les régions. Sur place ils sont accueillis par la structure oecuménique locale et par un coordinateur sud-Africain, ce qui permet de maintenir une cohésion à chaque changement d’équipe. La lecture des rapports détaillés rédigés par leurs prédécesseurs leur permet de se mettre plus vite dans le bain.

L’ONU a également envoyé une cinquantaine d’observateurs en Afrique du Sud, et la Communauté Européenne une trentaine. Les membres de ces missions sont des professionnels qui restent un an ou plus. Plus nombreux et mieux dotés en matériel, ces observateurs peuvent couvrir plus de territoire. Cependant EMPSA a un intérêt spécifique, comme l’explique Christian Mellon : "Par rapport à l’ONU et à la Communauté européenne, EMPSA bénéficie de l’autorité morale des Eglises, qui est très forte en Afrique du Sud. D’autre part nous sommes plongés plus directement dans la population".Toutes les Eglises chrétiennes sud-africaines soutiennent EMPSA. Certaines Eglises blanches qui avaient soutenu l’apartheid avaient été exclues du mouvement oecuménique. Elles viennent d’être réintégrées après avoir renoncé à leurs positions antérieures.

Observateurs et enquêteurs

Comment la journée d’une "casquette bleue" se déroule t-elle ? Il y a plusieurs cas de figures. Par exemple les journées où une manifestation a lieu. S’il s’agit d’une manifestation importante, les observateurs européens, onusiens et EMPSA y vont ensemble. Prévenus à l’avance, ils vont voir la police et les organisateurs, en général séparément, parfois ils arrivent à susciter une réunion commune de préparation. La méfiance entre la police et les organisations noires est si forte qu’elles ne se rencontreraient pas s’il n’y avait pas la médiation des observateurs. Ceux-ci observent la manifestation du début à la fin. En cas d’incident, ils s’interposent, essaient de négocier.

D’autres jours il faut aller là où des réunions de conciliation ont lieu, dans des villes ou des villages. Par exemple Christian Mellon a participé à une médiation officielle dans une petite ville, pour savoir qui allait gérer les fonds d’un projet de développement financé par une organisation suisse. Avant que des rivalités ne s’enveniment, des réunions de conciliation sont organisées par les "Peace structures" mises sur pied dans le cadre des accords de paix depuis un an. 400 à 500 personnes peuvent venir pour faire la palabre. Les observateurs étrangers contribuent à donner de l’autorité morale à la personne qui préside la conciliation, et qui n’est pas forcément connue localement. La présence des observateurs est une sorte de catalyse. Dans le domaine de la médiation, la brièveté de leur séjour ne leur permet de mener que des expériences ponctuelles.

Autre activité des "casquettes bleues" : les rencontres avec des leaders locaux des partis, des syndicats, des journalistes. Les observateurs sont également appelés à enquêter sur des incidents ayant un aspect politique (tentatives d’intimidation contre des militants ou sympathisants de l’ANC...). Le dernier travail consiste à rédiger un rapport détaillé. Ces rapports sont envoyés à EMPSA à Johannesburg, qui en fait la synthèse et les diffuse. Les Sud-Africains souhaitent une augmentation du nombre d’observateurs internationaux à l’approche des élections qui auront lieu en avril. Mais la difficulté est de trouver des gens qui peuvent se libérer et les fonds pour financer les volontaires et leur travail sur place (voitures, hébergement...). Le travail d’EMPSA s’inscrit dans une logique non-violente de résolution des conflits : "Notre tâche est un peu différente de celle des Brigades de Paix Internationales (2)analyse Christian Mellon. Nous ne faisons pas d’accompagnement de personnes en danger (elles sont protégées par leurs propres services d’ordre). Mais notre action illustre le rôle du tiers dans un conflit : le fait de mettre un tiers observateur, surtout s’il représente une certaine opinion publique mondiale, a un effet dissuasif important. Celui qui veut commencer la violence n’aime pas que l’on puisse dire que c’est lui. Si quelqu’un de crédible peut témoigner qu’un incident a eu lieu à tel endroit, qu’il s’est passé telle chose, que c’est untel qui a tiré le premier, cela peut être dissuasif. C’est une façon de réduire le niveau de violence".

Key words

mediation, church, non violent education, citizenship education, mediation for peace, non governmental mediation


, South Africa

Comments

L’égalité des droits, la justice sociale, la démocratie et la paix ne se construisent pas en un jour. Les Sud-Africains sont sur cette voie et la solidarité internationale peut les aider à avancer. Comme quoi, des casquettes bleues peuvent être parfois symboles d’espoir.

Notes

Texte original remanié en accord avec NVA.

(1)Christian Mellon, militant non-violent de longue date, prêtre jésuite, est rédacteur en chef de la revue Projet et membre de la Commission Justice et Paix.

(2)Sur les Brigades de Paix Internationales, lire NVA de juillet-août, p. 16-17.

(3)Bantoustan : Etat noir pseudo-indépendant créé à l’époque de l’apartheid par l’Afrique du Sud dans la logique de développement séparé des "races".

(4)Depuis peu, des tentatives de négociation entre ANC et extrême-droite ont eu lieu en vue de la création d’un Etat blanc indépendant. Même l’extrême-droite compte des gens un peu lucides qui savent qu’une guerre civile serait catastrophique. Mais les plus durs peuvent tout faire échouer...

Source

Articles and files

LE MEUT, Christian in. Non violence actualité, 1993/11 (France), 174

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