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Quand la philosophie rencontre l’immunologie

Agnès DE SOUZA

03 / 1996

La science moderne est impuissante à interpréter l’action pourtant réelle du remède homéopathique. Face à ce paradoxe, la philosophe Agnès Lagache a compris que si le paradigme mécaniste de cette science matérialiste convient à l’approche physico-chimique, il est inadapté à la compréhension de ce type d’objet très particulier qu’est le remède homéopathique et à celle, en général, du fonctionnement biologique et de la communication concrète des organismes vivants. Cette dernière, qui obéit à des règles précises, ne doit pas plus à la logique de l’échange d’objet qu’à celle, symbolique, du langage.

A. Lagache a élaboré une nouvelle structure logique, fondée sur les concepts d’information et de communication analogique, qu’elles ont, Madeleine Bastide, immunologue et elle-même, appliquée à l’homéopathie et l’immunologie, avec un succès de laboratoire qui prouve sa validité. Elle nous décrit ici ces expérimentations, nous conviant ainsi à ce "processus" que constitue la familiarisation progressive avec ce nouveau regard sur les choses, la vie, la communication signifiante du corps avec le monde, la signification corporelle du sens... Une révolution de la pensée qui engendre un rare bonheur de la raison -preuve aussi que son exercice n’est pas froid par nécessité- : celui de voir jeter un pont au-dessus du fossé creusé par l’idéologie dominante depuis deux siècles entre le corps et l’âme.

Le corps biologique n’est pas un objet inerte régi par les lois de la mécanique. Structure de communication informée-informante dont "la vie est liée aux échanges signifiants avec le monde", le corps réagit à des systèmes sémantiques qui constituent cette communication sensible spécifique des organismes et des esprits humains. L’esthétique en donne un exemple. Quant à l’homéopathie, la communication d’informations y relève de manière presque exemplaire tant elle est élaborée et riche, de cette logique des signifiants. Elle a donc fait l’hypothèse, "dans la continuité des médiations inconnues" et donc des différents paradigmes correspondant chacun à un type de réalité, d’un paradigme "des signifiants" situé entre l’ordre mécaniste et la symbolique du langage.

Des expérimentations, compréhensibles dans le cadre de cet outil épistémologique, peuvent être classées en catégories d’expériences, toutes "informatives" (on n’est plus dans le domaine de la substance)mais très différentes car fonctionnant selon des niveaux de détermination de l’information de plus en plus subtils. Au nom de cette hiérarchie d’"affinement du mécanisme de l’information", on peut distinguer 4 niveaux :

L’hormesis: par une mithridatisation informative, on protège un organisme vivant (animal, plante, cellule...)d’un poison qu’on va lui administrer, par une haute dynamisation de ce dernier. L’expérience qui réussit dans tous les cas prouve que l’on peut rendre moins nocive une intoxication par l’ingestion préalable d’une dilution du même toxique selon une loi d’identité, qui véhicule une information mais ne comporte plus aucune substance. Une pré-information par la dilution du toxique protège contre l’effet de ce dernier. La loi d’identité (d’objets : toxique=remède)est à distinguer de la loi de similitude (de relations : homéopathie).

Le 2ème niveau consiste à donner en utilisation informative des molécules endogènes. Si l’on procède chez des poussins à l’ablation de la bourse de Fabricius, indispensable à la maturation de certaines cellules du système immunitaire (lymphocytes B), mais qu’on leur administre une très haute dynamisation de l’hormone qu’elle contient (bursine), ces poussins, contrairement aux poulets bursectomisés, conservent normales leurs aptitudes de défense. Là encore, information sans substance. Et, pour A. Lagache, illustration de l’antériorité de l’information sur les objets. Information qui, plus puissante que l’objet, l’encadre, le crée, en enveloppe l’existence, et peut maintenir une structure ou la transformer même en l’absence de l’objet.

Le 3ème niveau -individuel, celui-là- est l’application de ce paradigme au système immunitaire, en particulier à l’existence des anticorps anti-idiotypes Ab2, reproduisant la forme de l’antigène (image interne). On utilise ces anticorps anti-idiotypes Ab2 sans dilution. L’expérience est là aussi probante, ce qui n’est compréhensible que si l’on fait de l’Ab2 un objet sémantique qui joue son rôle comme élément d’information du système. Et qui prouve que le système immunitaire réagit aux signifiants. C’est le "réseau idiotypique" (théorie de Jerne)dans lequel il semble qu’à chaque création corresponde toujours une régulation, et que cette image qui régule l’Ab1 (anticorps), persiste comme mémoire, éventuellement transmise au foetus par la mère. Pour A. Lagache, cet Ab2, image de l’antigène, "information" qui régule l’Ab1, est "un objet purement sémantique" et la "preuve que la vie se sert de mécanismes sémantiques".

Le 4ème niveau est celui de la loi de similitude qui constitue la subtilité et le génie de homéopathie. On soigne ici avec un médicament dont le contenu ne provient plus du corps mais comme tout remède homéopathique, de la nature (végétal, minéral, animal, etc.). A très haute dilution, ce remède est, dit A. Lagache, un objet informatif pur, "un objet physique qui fonctionne dans un monde sémantique". C’est de ce niveau que relève le cas des personnes qui, ayant subi l’ablation totale de la glande thyroïde, vivent en parfaite santé sans apport d’aucune substance thyroïdienne de compensation, avec la seule aide du simillimum, hautement individualisé, d’une précision absolue, en regard de laquelle la médecine mécaniste parait très approximative. Le simillimum réalise la plus parfaite analogie, l’information la plus fine et à ce titre il constitue la meilleure prévention.

L’efficacité stupéfiante du remède homéopathique élaboré à partir du règne animal, végétal ou minéral signifie-t-elle que le corps humain conserverait une mémoire des règnes antérieurs, mémoire que restaurerait ce simillimum?

Key words

philosophy, epistemology


, France

Comments

Les voies philosophiques, scientifiques, morales... que nous ouvre le paradigme d’Agnès Lagache sont encore inimaginables. Voila en tous cas qui fonde logiquement notre intuition que notre corps n’est pas un objet matériel coupé du monde, mais plutôt ce réseau d’informations vivant, en interaction avec d’autres réseaux vivants, cette "manière d’être", "état des choses" dont elle nous parle ailleurs*. Qui fonde aussi la légitimité de notre désir d’avoir une médecine de l’homme total.

Quant à l’homéopathie, elle est une médecine de l’avenir. Elle se situe dans une tradition d’union de la matière et de l’esprit, axe de recherche jusqu’ici ignoré mais que les prochaines décennies pourraient bien explorer.

Notes

* "Echos du sensible"

Source

Book

LAGACHE, Agnès; BASTIDE, Madeleine, Le paradigme du sens, Alpha bleue, 1992 (France)

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