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La nouvelle médecine de la procréation se fonde sur l’amalgame du désir et de la volonté, du conscient et de l’inconscient

Agnès DE SOUZA

1995

Pour aller plus loin dans la compréhension du phénomène social que représente le développement considérable des techniques de PMA et l’engouement qu’elles suscitent, nous nous intéresserons au lien que les femmes entretiennent avec la médecine de l’enfantement, gynécologie et obstétrique. Un autre regard et les mots de la psychanalyse pour approcher l’énigme de la fécondité dans son rapport à l’inconscient et à la sexualité’ rappeler ce que l’instrumentalisation de la procréation fait oublier, faire émerger tout un champ humain obscur, rétif au quantifiable et à la preuve mais qui parle et vaut d’être écouté.

Comment la procréation, qui n’est pas une maladie, peut-elle se retrouver entre les mains de la technique médicale, et le corps féminin tel un "meuble inerte" entre celles des médecins promus seule compétence reconnue? M.M. Chatel raconte, pour l’avoir constaté lors des consultations de PMA auxquelles elle a assisté, le pouvoir de suggestion, sur les femmes, du discours médical, son effet inducteur dans le domaine de symptômes -que l’on voit évoluer avec les années- comme dans celui des demandes formulées par les femmes. Dans le cas des procréations assistées, la femme déclare sa décision d’enfanter, et c’est à cette volonté claire et consciente que s’allie la médecine. La demande est traitée par le système médical qui ne prend en compte que la capacité physio-biologique de la femme, faisant comme s’il s’agissait d’une maladie. Or, cette question qui reçoit une réponse exclusivement somatique est en fait en partie subjective. En effet, la stérilité somatique attestée est inférieure à 5

et ce ne sont pas ces stérilités définitives, légitimant le recours aux PMA, qui sont à l’origine du développpement débridé de ces technologies mais les stérilités "énigmatiques", "psychogènes", celles qu’on nomme infertilité’ hypofécondité, etc. et qui relèveraient plus efficacement d’une écoute psychanalytique. La demande d’enfant non immédiatement satisfaite est appelée stérilité, qui n’a de médicale que d’être adressée à un médecin, dont on pense qu’il peut soigner ce qu’il a constaté.

M.M.Chatel montre comment la contraception et l’avortement légal ont ouvert la voie au succès des pratiques de PMA. Par la disjonction sexe-procréation qu’elles ont opérée, elles ont amené les femmes à demander logiquement l’enfant à la technique médicale qui leur avait permis de le refuser. Et par la liberté qu’elles ont introduite, elles ont donné une impulsion à cette idéologie volontariste de l’enfant qui doit arriver quand on le décide, quitte à trop attendre et ensuite à forcer la nature. L’enfant désiré’ est devenu l’enfant programmé puis l’enfant fait par la technique, la femme étant soit enceinte soit stérile. Or, les enfants se fabriquent mal à coup de décision volontariste. (Le Pr. Frydman, rapportant les paroles de Daniel Silbony "la volonté des deux gaméteurs compte pour du beurre" ne disait-il pas lui-même qu’il n’y a pas de procréation volontaire chez les êtres humains

Cette démarche qui participe d’une escalade -le médecin est fortement demandeur de la demande de la femme, dans une complicité totale du contexte social, puisque la sécurité sociale rembourse à 100

les quatre premières tentatives- méconnaît le "ressort complexe de la fécondité", qui se trouve du côté du symbolisme, du désir, de l’inconscient... A lire M.M. Chatel, on comprend le peu de rôle que joue le hasard dans la survenue d’une grossesse, qui relève de la logique de l’inconscient. Elle est une somatisation, "effet dans le corps d’une nécessité inconsciente", dit M.M. Chatel qui a le mérite de rendre la place qui est la leur, dans la fécondation, au désir et à la jouissance, de rétablir un pont entre la fécondité et l’érotisme, de témoigner du rôle fécondant des symboles, mots ou actes signifiants pour l’autre... Est fécondante la rencontre sexuelle porteuse de sens symbolique, pour la femme le signifiant étant souvent celui qui "réalise une connexion inconsciente avec un sens de père", pour l’homme, le symbole du don créateur. Or la nouvelle logique de la procréation évacue le désir et dissocie la paternité sexuelle de la procréation, supprimant l’effet magique de la part symbolique de ce désir. En faisant croire que la procréation est une affaire de substance chiffrable, elle est subjectivement stérilisante et se trouve à l’origine de la montée de l’infertilité.

La stérilité peut céder à la faveur d’événements agissant à l’insu des sujets, en cours de procédure d’adoption, après un entretien avec un prêtre ou un psy, par l’effet d’une rencontre avec ces "cliniciens éclairés" qui, résistant au pouvoir envoûtant de la maîtrise, poursuivent avec leurs patientes un dialogue qui s’avère parfois fécondant. Le blocage peut aussi résister et M.M. Chatel parle longuement de la problématique relation mère-fille, de l’énigme pour une femme de sa féminité qu’elle soumet au déchiffrement du savoir médical (qui s’en empare illégitimement), et tous ces exemples démontrent la nécessité d’une pluridisciplinarité des compétences. Qui n’existe pas puisque le psy n’est pas sollicité préalablement à l’indication de FIV -qu’il pourrait compromettre- mais en fin de parcours et intégré à la logique médicale, pour humaniser la déception. Ainsi sont démontés les amalgames opérés entre stérilité et infécondité, (médecine du)désir et (médecine du)vouloir, procréations assistées et artificielles. Les fécondations in vitro ne sont en effet pas réparatrices mais palliatives, elles sont un nouveau mode, artificiel, de procréer, en rivalité avec le mode naturel et appelé à se banaliser, puisque la loi qui le légalise, n’interdit (et ne punit)pas ceux qui le pratiqueront sur des femmes à la stérilité non médicalement attestée. Ne s’insinue-t-il pas peu à peu dans les esprits l’idée que les enfants se fabriquent mieux avec l’aide de la technique et de la science que naturellement?

Key words

psychoanalysis, bioethics, sterility, science and society, culture and development


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La procréation assistée est l’un de ces exemples particulièrement frappants de la manière dont la médecine technicienne progresse et se fonde: elle excelle à remédier à des situations qu’elle a créées. Là, elle fabrique l’infécondité qui lui donne l’argument de son progrès. Il y a exploits, mais où est le progrès? En traitant l’homme comme une machine hors communication avec lui-même et avec le monde, en niant la réalité particulière du corps, et de la maladie, qui s’exprime dans le symptôme, la biomédecine n’accroît pas la santé, état de bien-être impliquant l’être tout entier, dans sa communication avec le monde. La réflexion à mener est sur le sens de la maladie, cette "tentative de guérison" (Freud), qu’est aussi le symptôme. Le déni du symptôme qui est au coeur du développement considérable de la procréation artificielle est symptomatique de la logique de cette médecine dans tous ses champs d’action.

Source

Book

CHATEL, Marie Magdeleine, Malaise dans la procréation : les femmes et la médecine de procréation, Albin Michel, 1993 (France)

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