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Convertis à l’Islam aujourd’hui, à Séville

Pierre Yves GUIHENEUF

04 / 1999

<On me demande souvent si je suis arabe... Je réponds que non, que je suis andalouse, de Séville, quoi ! Alors on me demande pourquoi je porte le voile. Je réponds que c’est parce que je me suis convertie à l’Islam>.

Yasmina, trente-deux ans, s’appelait autrefois Ana Maria. Elle a changé d’identité en changeant de religion. Ils seraient une centaine à Séville à avoir fait ce pas, parmi lesquels une quinzaine ont répondu aux questions de Thérèse Roland-Gosselin, spécialiste des questions de société en Espagne. Leurs témoignages sont rapportés ici, avec leurs hésitations et leurs répétitions, mais aussi avec leur spontanéité et leur richesse. Deux d’entre eux sont particulièrement détaillés, dont celui de Yasmina.

Insatisfaite de l’éducation religieuse routinière reçue dans sa famille catholique, peu sensible au baroque des manifestations du culte en Andalousie, elle est en recherche spirituelle lorsqu’elle rencontre celui qui allait devenir son mari ("en trois jours il avait répondu aux questions que je me posais depuis vingt ans"). Lui-même était Musulman converti.

<Donc, à cette époque, j’allais devenir mannequin. Un beau matin, je me suis demandé sérieusement si j’allais devenir mannequin ou musulmane. Et je me suis rendu compte que l’Islam allait m’éloigner d’un tas de choses qui n’étaient pas bonnes pour moi, qu’il allait me clarifier les idées, qu’il allait me conduire sur un chemin de perfection (...)L’Islam, plutôt qu’une religion, c’est une manière de vivre, un mode de vie. Il y a un livre qui nous donne des lois, qui nous explique tout... tout ce que nous devons faire.>

<C’est vrai qu’au début, ça n’a pas été facile. Tout me paraissait très bizarre, tout me faisait rire... C’est que je n’y connaissais rien. Ça a été vraiment très difficile, j’en ai bavé>

Yasmina porte le voile <pour (se)protéger du regard des hommes, pour ne pas être réduite à un objet sexuel>mais souffre du regard des autres : <Tu sais, je crois qu’un de ses jours je vais m’enlever le foulard. J’en ai tellement marre ! Je ne peux aller nulle part sans qu’on me pose des questions.>. Plus loin : <J’ai des amies à qui on l’a arraché. Donc, pour être tranquilles, elles ne le portent plus. Je sais que les gens de la Communauté les critiquent. Tu te rends compte ! Comme si l’Islam, c’était le foulard ! Comme si ne plus le porter voulait dire abandonner l’Islam ! Quand ce n’est qu’un morceau de tissu...>.

Elle ne renonce pas à son statut de jeune femme moderne dans l’Espagne d’aujourd’hui. Les relations avec son mari sont parfois conflictuelles, mais pour elle, cela tient à la culture et au statut de la femme en général et en Espagne en particulier ("il est très machiste")plutôt qu’aux préceptes de sa religion. <Ce qui se passe dans les pays arabes, c’est qu’ils ont une culture où les femmes sont dominées par l’homme. Mais dans le Coran, ce n’est pas comme ça. Dieu a donné beaucoup à la femme. Ceux qui lui ont enlevé ses droits, ce sont les hommes>.

Cela ne va pas sans accrochages. <Il me dit : "N’oublie pas que tu es musulmane, tu ne peux plus rire comme ça. Il faut que tu sois décente". Moi je lui réponds : "Ecoute, avant tout, je suis andalouse... Et ça tu ne peux pas me changer>.

Plus tard, elle explique : <C’est vrai aussi que l’Islam, il faut que tu le vives comme tu peux. Il faut que tu l’adaptes à tes circonstances. Si tu viens d’une culture complètement différente, tu ne peux pas changer du jour au lendemain. (...)En plus, tu ne vas pas t’arabiser... Moi, on me critique beaucoup. Mais c’est que je continue à être sévillane avant tout ! Par exemple, je parle, je ris avec tout le monde. (...)Je comprends bien les gens, j’ai été comme eux, ignorante pendant de longues années. Ceux qui ne les comprennent pas, ce sont ceux qui sont nés dans l’Islam, qui ont une autre culture>.

Par deux fois, Yasmina se sépare temporairement de son mari et s’éloigne de l’Islam. Puis elle y revient, insatisfaite de la place qui lui est faite dans la société espagnole, seule avec ses questions sur le sens de la vie, manquant de guide pour ses comportements quotidiens. <Ce que l’avenir sera ? Allah le dira... Deux fois déjà je me suis éloignée de ce chemin. Ça a été comme si je faisais marche arrière, comme si je revenais à un vide total, à un monde d’ignorance. J’ai été très malheureuse. Je suis revenue... et je peux dire que maintenant, je me sens très heureuse !>.

Key words

religion, religion and society, culture and development


, Spain

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Tiraillée entre les contraintes de l’Islam (ou de son interprétation)et les carences et interrogations de la vie sans l’Islam, Yasmina cherche une éthique de vie qu’elle ne semble pas avoir complètement trouvée. Son témoignage est touchant, plein de sensibilité et de spontanéité. Plus loin dans le document, les paroles de Vicente et d’autres personnes interrogées donnent des éclairages diversifiées sur les raisons de la conversion et la façon de vivre l’Islam aujourd’hui à Séville. Chaque cas est unique, chaque vie est complète, c’est la raison pour laquelle une synthèse serait futile.

Source

Book

ROLAND GOSSELIN, Thérèse, Charles Léopold Mayer in. Document de travail, 1995 (France), n° 73

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