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La capitalisation d’expérience de l’Observatoire International des Prisons par une journaliste

Une intervention extérieure difficile auprès d’une équipe qui juge la démarche prématurée

Laurence MARTIN

12 / 1999

L’Observatoire International des Prisons (OIP)est une ONG née à Lyon fin 1991 avec pour objectif d’organiser l’observation, l’alerte et la protection des personnes détenues dans le monde.

Elle s’est structurée autour d’un secrétariat international, basé à Lyon, de délégations régionales (Afrique, Amérique du Sud), de sections nationales (France, Belgique, Sénégal, Cameroun, Tchad...), de groupes locaux et de correspondants dans plus de 90 pays. L’OIP a produit chaque année jusqu’en 1998 un rapport annuel tiré des observations réalisées (55 pays en 1998). Il a édité ou co-édité plusieurs ouvrages thématiques (1).

Le projet de capitalisation sur l’expérience de l’OIP est né à l’été 1997 de la volonté de Bernard Bolze, fondateur de l’OIP, de pérenniser l’acquis théorique et pratique de l’association dans un ouvrage adressé à la fois aux entrants (militants, bénévoles et salariés), aux partenaires financiers et au grand public. Ce projet intervenait quelques mois avant son départ volontaire du secrétariat international et la nomination d’un nouveau secrétaire général, Jean-François Basse.

Souhaitant prendre du recul et estimant que la rédaction d’un tel ouvrage devait être confiée à un professionnel de l’écriture extérieur à l’OIP, Bernard Bolze a consulté plusieurs journalistes ayant cependant une connaissance plus ou moins étendue de l’action de l’OIP.

Connaissant Bernard Bolze depuis une petite quinzaine d’années, ayant suivi de loin le développement de l’OIP, étant moi-même journaliste free-lance dans des secteurs très différents, je lui ai soumis un projet qui lui a convenu ainsi qu’au comité exécutif du secrétariat international et à la FPH. Il a été convenu d’adjoindre à mes compétences celles de Michaël Faure, 28 ans, militant OIP, sociologue de formation et co-auteur de ’ Sexualité et violences en prison ’. Son rôle a été défini comme devant apporter un éclairage historico-sociologique sur l’observation des prisons et les mouvements associés à l’univers carcéral principalement en Europe.

Je me suis retrouvée, dés le départ de Bernard Bolze fin 1997, au coeur de tensions inhérentes à la fois au passé humain, au fonctionnement et aux difficultés financières de l’OIP. Un premier conflit a porté sur le partage du travail. Cet aspect a été abordé début 1998 lors d’une réunion qui a résolu le conflit d’auteur, en faisant de l’OIP l’auteur de l’ouvrage. En parallèle, tout le monde au sein de l’OIP n’a pas adhéré de la même manière au projet. Surtout, je me suis heurtée au scepticisme d’une partie des équipes, mais tous les rendez-vous se sont très bien passés et je n’ai pas rencontré de barrage à l’information.

Comment analyser l’accueil sceptique, voire parfois hostile, d’une partie de l’équipe ?

1)Mon déficit de légitimé : tout le monde n’a pas forcément compris au début l’appel à une personne extérieure dont, par ailleurs, les compétences professionnelles d’écriture n’étaient pas légitimées par l’appartenance par exemple à un grand média ;

2)La difficulté à confier à quelqu’un de l’extérieur une expérience difficile : l’OIP et ses militants travaillent sur un terrain extrêmement sensible et dans des conditions humaines et financières éprouvantes ;

3)On lave son linge sale en famille... et la famille n’est pas toujours soudée ;

4)Un financement mal employé : toujours en quête de subsides, une partie de l’équipe a mis en avant le fait que le financement alloué au projet de livre (100 000 FF environ)aurait dû aller ailleurs, dans l’action même de l’OIP. Ceci malgré mes explications répétées que ce financement, assumé par la FPH, ne pouvait de toute façon se porter sur autre chose qu’un ouvrage. Cet argument a finalement été entendu par la grande majorité de mes interlocuteurs au sein de l’OIP ;

5)Un projet non urgent : le sentiment est resté très mitigé au sein de certaines équipes sur l’intérêt d’un ouvrage sur l’OIP, qui pourrait l’aider dans sa vocation d’alerte mais qui viendrait trop tôt en regard de la fragilité de l’association ;

6)Un déficit d’interlocuteur pilote du projet au sein de l’OIP. J’ai approfondi mes relations avec la section française, représentant le projet à son Conseil d’Administration et à son Assemblée Générale devant les groupes locaux.

Au bout du compte, le projet est sur la bonne voie s’agissant de la rédaction. Le retard pris devient un élément positif : compte-tenu des difficultés rencontrées par l’OIP-section internationale, il aurait été délicat, sur le plan de la promotion, de sortir l’ouvrage en 1998 ou 1999 comme initialement prévu.

Le livre va en outre s’enrichir considérablement de l’énorme et très significatif travail effectué par la section française sur ces deux années, qui actualise parfaitement la problématique de l’action de l’OIP et de sa portée.

Reste le problème d’une validation intermédiaire et finale par l’OIP de l’ouvrage... Cette question pourrait être résolue dès lors qu’un plan de redressement du secrétariat international sera adopté, ce plan étant porté par une équipe favorable au projet.

Key words

prison


, France,

Comments

La fragilité des associations sur le plan humain et financier, surtout lorsqu’elles sont confrontées à des sujets aussi éprouvants et politiquement délicats que la détention, n’exclut pas une capitalisation qui peut s’avérer très bénéfique en interne, et passionnante pour le lecteur.

Le principe d’un rédacteur extérieur me semble, malgré les difficultés, rester fondamental. Mais, principe bien connu en psychanalyse ou psychothérapie, le ’ traitement ’ ne vaut que si le ’ patient ’ est convaincu de la nécessité de la démarche... L’intervenant extérieur, rédacteur ou éditeur, peut être amené à gérer les effets de tensions (et surtout pas les tensions !). Outre les précautions d’usage préalables (valider le concept du projet, son déroulement et l’interlocuteur pilote du projet au sein de l’association), il doit accepter de mettre en oeuvre ses capacités de diplomatie et d’écoute, bref, d’accompagnateur... tout en préservant son regard extérieur, pour garantir la réalisation du projet initial.

Notes

(1)Sexualité et violences en prison, Aléas éditeur, novembre 1996 ; Guide du prisonnier, Les éditions de l’Atelier, 1996, suivi de fiches pratiques parues en 1998, etc.

L’auteur est une journaliste indépendante.

Source

Original text

OIP (Observatoire International des Prisons) - Secrétariat national - 7 bis rue Riquet 75019 Paris, FRANCE - Tél. : 33 (0)1 44 52 87 90 - Fax : 33 (0)1 44 52 88 09 - France - www.oip.org - contact (@) oip.org

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