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Les modes de financement extérieur et la gestion des ressources d’une association paysanne (Yef, Gambie)

Conseils d’un responsable d’ONG gambienne

Lamine FAYENKE, Benoît LECOMTE

06 / 1998

Lamine Fayenke, coordinateur de l’association paysanne YEF (Youth Environment Foundation) a travaillé au ministère de l’agriculture comme agent agricole. Il a également été militant dans une association paysanne, comme animateur, puis responsable de la zone. Actuellement, L. Fayenke est membre fondateur de l’association YEF, au poste de coordinateur, sachant qu’il y a cinq techniciens dans cette structure. Il a quitté le ministère de l’agriculture pour avoir plus de marge de manoeuvre. En effet, dans une organisation paysanne, il peut davantage mettre en oeuvre son expérience car il est en contact avec les partenaires et négocie parfois les fonds. YEF a été créée pour appuyer les initiatives locales. Un appui est apporté à KETA (Kombo East Tessito Association) qui est à la fois une ONG et une association paysanne et à l’AFET (Association of Farmers Educators and Traders) qui est une structure d’épargne et de crédit pour les micro projets de la base. Un projet a été fait avec l’UNESCO pour la mise en place d’un centre de ressources éducationnelles afin de capitaliser l’expérience locale et extérieure. Lamine Fayenke explique ceci :

a) Les aides peuvent provoquer des problèmes internes, des conflits. Le mode de financement est important. Il faut aider à la fois les unités familiales et le groupe. La base doit connaître le mode de financement. Avant l’argent, il faut donner des appuis techniques. Car, si l’on fait l’inverse, quand il n’y aura plus d’argent, les gens vont quitter l’association. « Il faut mettre le piment avant le sucre ».

b) Parfois, le cheminement des fonds est trop long, des bailleurs aux paysans en passant par l’Etat. Il est plus intéressant de donner directement aux bénéficiaires. Parfois, les ONG et l’Etat donnent en nature au lieu de donner en liquide, ce qui correspond éventuellement à une demande des gens. Par exemple, pour avoir un moulin, si le paysan a l’argent, il va l’acheter lui-même, il va négocier, il va faire attention au gaspillage. Il fera une bonne gestion car il aura eu du mal à l’avoir. L’Etat, en Gambie, finance souvent en nature, ce qui favorise le gaspillage. Alors que donner de l’argent aux paysans est une expérience et assure le remboursement car puisque le paysan a lui-même acheté, il ne peut pas dire que c’est de mauvaise qualité. Cela permet de responsabiliser les paysans.

c) Il faut faire cofinancer chaque investissement par les paysans pour qu’ils réalisent que c’est vraiment pour eux. La décentralisation signifie également décentraliser les fonds et la confiance. Les impôts pourraient être considérés comme une participation de la population locale à certains projets. Pour améliorer l’efficacité de l’aide, les gens doivent la transformer en « argent chaud », c’est à dire la faire produire. Pour cela, il faut utiliser le système de crédit. Il est possible que le crédit remplace les subventions au niveau des groupements. Les projets à crédit doivent être basés sur l’expérience familiale, sur ce que les gens font déjà. La motivation des gens permet de rembourser.

d) La gestion du risque est importante pour éviter les conflits. L’Etat, les institutions d’appui technique, les institutions d’appui financières, les consommateurs (ou bénéficiaires) doivent partager le risque. Chacun doit prendre un pourcentage pour gérer le risque et éviter les conflits.

e) Il faut permettre aux associations d’ouvrir des comptes de réserve. Parfois, l’association réalise un programme co-financé par trois ou quatre partenaires. Par exemple, l’association peut présenter un plan quinquennal à plusieurs partenaires et à l’Etat. Le compte de réserve est le reste des fonds non-utilisés dans les programmes, ajouté au revenu des activités et aux prestations de services. Ces fonds seront bloqués pendant les cinq ans du programme. Cela permet d’assurer la continuité du programme après les cinq ans, en attendant de voir si le partenaire continue. Il est également possible d’utiliser cette réserve pour aider les autres membres en cas d’imprévus ou de problèmes et tout ce qui ne se trouverait pas écrit dans le document de projet ! »

Key words

countrymen’s organization, local development, North NGO, South NGO, financing, business management, negotiation


, The Gambia, Brikama Town

Comments

Conseiller d’une association d’animation en Gambie, notre interlocuteur donne cinq conseils aux agences d’aide : commencer par « mettre le piment avant le sucre » c’est à dire former avant de donner; donner directement aux bénéficiaires en les laissant gérer eux-mêmes l’argent; s’assurer que le cofinancement est assuré par les deux parties; prévoir dans l’apport d’aide une partie pour couvrir les risques; enfin permettre aux associations d’ouvrir des comptes de réserve ne serait-ce que pour apprendre à mieux gérer en économisant l’argent de l’aide (au lieu de devoir le dépenser avant telle date !). Mais aussi pour pouvoir innover. Bref son analyse remarquable est au coeur de la difficulté d’aider ce que le thésaurus désigne sous le nom de « Développement autocentré ».

Notes

Notre interlocuteur gambien, ancien agent du ministère de l’agriculture, a une large expérience des relations des organismes du Sud avec les ONG du Nord (dont des anglophones) et les projets d’aides bilatérales. Voir fiche GRAD extraite du même interview n°198. On se reportera aussi aux fiches GRAD n° 120; 139; 160; 168; 177; 185; 206; 401 qui concernent les conseils des représentants d’associations aux partenaires du Nord.

Entretien avec FAYENKE, Lamine réalisé en mai 1998 en Gambie

Source

Interview

GRAD (Groupe de Réalisations et d’Animations pour le Développement) - 228 rue du Manet, 74130 Bonneville, FRANCE - Tel 33(0)4 50 97 08 85 - Fax 33(0) 450 25 69 81 - France - www.grad-france.org - grad.fr (@) grad-france.org

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