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Concurrence et synergie entre les intervenants au niveau d’une même région (Louga, Sénégal)

Le système complexe formé par les organisations paysannes et les ONG d’appui

Malick SOW, Benoît LECOMTE

02 / 1998

Malick Sow, Secrétaire Général de la FAPAL (Fédération des Associations Paysannes de Louga) :

1/ Son constat quant aux difficultés de coordination :

"Une difficulté habituelle est le manque d’information au niveau des villages. Les villageois, responsables de l’intervention d’une ONG, reçoivent des informations qu’ils ne transmettent pas toujours. Il y a des choses qu’on amène et qu’on ne voie pas. Il y a des détournements que nous connaissons mais que nous ne dénonçons pas. Au village, nous cotisons pour un appui quelconque amené par telle ONG; si on ne le reçoit pas, pour des raisons culturelles ou autres, on ne se pose pas de problèmes. De telle sorte qu’on démissionne purement et simplement; on ne suit plus, on ne s’intéresse plus à ce que les uns et les autres font. Cependant, il arrive que l’ONG qui avait fourni l’aide convoque tout le village. Nous, membres de FAPAL, alors nous sommes là ! On pose les problèmes, on dit crûment ce que nous pensons : "Vous avez dit que vous avez amené telle aide, tel appui, nous n’avons jamais vu cela. Donc, s’il y a un remboursement à faire, adressez-vous à ceux à qui vous avez remis cette aide ou ce prêt. Mais nous, nous ne sommes pas concernés". Et cela amène des discussions houleuses qui conduisent à un remue-ménage à l’intérieur du village.

Une autre difficulté qui casse un peu le dynamisme de la FAPAL, est que nous formons des animateurs que nous ne payons pas mensuellement. Les ONG qui interviennent ont besoin d’animateurs et elles ont des moyens que la FAPAL ne possède pas. Donc si une ONG intervient pour recruter un animateur villageois de la FAPAL et lui promet 40.000 ou 45.000 CFA mensuels et que la FAPAL ne peut pas mettre cela à la disposition de l’animateur, on le perd. On recommence à zéro. Je peux dire que nous formons pour d’autres, que ce soit sur le plan de l’alphabétisation ou de la sensibilisation. En tous les cas, les animateurs que nous formons sont facilement recrutés par les ONG ! Cela aussi freine la dynamique. Il faut être un vrai militant et avoir une conviction solide pour pouvoir dire "non" à telle ONG : "J’appartiens déjà à une structure qui, même si elle ne me paye pas, fait des choses qui répondent réellement aux préoccupations de mon village et des gens". C’est une question d’opinion !

Une troisième difficulté, plus rare désormais, est la concurrence entre deux activités identiques, l’une financée par une ONG, l’autre par la FAPAL. Par exemple, pour les fonds de crédit que nous avons mis à la disposition de nos membres, des ONG ont fait pareil dans le même village. Alors souvent, tu peux voir un membre qui bénéficie de ces deux fonds. Le problème qui se pose, c’est que les méthodes de gestion et de suivi ne sont pas les mêmes. Il y a alors une confusion puisque ceux qui utilisent l’argent sont les mêmes personnes.

Enfin, nous avons constaté que des ONG avaient "récupéré" des réalisations que nous avions faites. Cela nous a enseigné ! Nous, en tant que FAPAL, ce que nous amenons au niveau des villages, il faudrait que les populations sachent que c’est un appui de la FAPAL et pas de telle ou telle ONG. Si plusieurs acteurs, chacun avec sa philosophie, ses modes de gestion interviennent dans un même village, il y aura un télescopage à l’intérieur même du village. Le résultat est le cafouillage ou l’échec, voire même des querelles qui aboutissent à des choses dont nous ne voulons pas."

2/ Son espoir devant les efforts de concertation.

"Cela va se clarifier parce que nous y travaillons et à ma connaissance, il y a des ONG qui y travaillent aussi. Aujourd’hui, il y a des ONG qui, avant d’aller dans tel ou tel secteur où nous intervenons, nous demandent conseil sur ce qu’il faut faire. Ils nous demandent si la FAPAL ne peut pas suivre pour eux telle activité ou tel programme. Nous sommes également en discussion avec d’autres ONG qui sont sur le point de terminer leur mandat pour voir, après leur départ, comment assurer le suivi et pérenniser ce qu’elles ont déjà réalisé sur le terrain.

La coordination régionale de notre fédération nationale (la FONGS) a initié des "cadres de concertation" entre les associations paysannes et les ONG qui le veulent. La FAPAL a également des relations directes avec telle ou telle ONG pour voir ce qu’il est possible de faire. Par exemple, éviter d’intervenir dans un secteur avec les mêmes types d’activités: là où la FAPAL amène des fonds de crédit ou des activités de boutique villageoise, une autre ONG irait le faire dans un autre village. Nous avons de très bonnes relations avec la Fondation Internationale pour le Développement (FID) qui, à la naissance de la FAPAL, nous a assistés. Elle nous a permis de nous faire connaître. Nous avons utilisé leur téléphone, leur matériel pour la sensibilisation et aujourd’hui, la FID ne fait rien dans la même direction que la FAPAL sans nous demander notre avis. Et c’est nous qui leur indiquons les localités où mener certaines des activités. Il y a aussi l’ONG "Vision Mondiale" à travers ses opérations "semences". Nous avions commencé à discuter avec elle mais cela n’a pas encore abouti. "

Key words

countrymen’s organization, North NGO, conflict, development agent, dialogue


, Senegal, Louga

Comments

Une fédération de groupements paysans promeut parfois les mêmes activités que les ONG locales ou étrangères. Dans les villages, la concurrence s’installe. Elle peut avoir des effets positifs d’ailleurs ; cependant, des efforts pour coordonner sont possibles et utiles : ils commencent quand une Organisation Paysannes et une ONG cherchent à se connaître mutuellement ou à l’occasion d’une querelle dans un village. Plus dure à supporter par l’association paysanne est l’embauche de ses animateurs bénévoles par des ONG qui les salarient.

Notes

Voir aussi issues du même entretien les fiches GRAD n° : 75 à 85; 88; 165 et voir DPH n° : 7.256 (correspondant GRAD n° : 82).

Entretien avec SOW, Malick réalisé à Thiès (Sénégal) en décembre

Source

Interview

GRAD (Groupe de Réalisations et d’Animations pour le Développement) - 228 rue du Manet, 74130 Bonneville, FRANCE - Tel 33(0)4 50 97 08 85 - Fax 33(0) 450 25 69 81 - France - www.grad-france.org - grad.fr (@) grad-france.org

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