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Critique des attitudes des agents des ONG (Tchad)

L’opinion d’un paysan trésorier d’une Organisation Paysanne, le Comité d’Organisation pour le Développement de Bédogo (CODEB, Bédogo)

Barmbaye GUELMIAN, Benoît LECOMTE

04 / 1998

Barmbaye Guelmian, paysan et trésorier du CODEB (Comité d’Organisation pour le Développement de Bédogo) :

1/ "Le premier conseil, c’est que s’il veut donner des aides, il faudrait qu’il donne d’abord de la formation. Après la formation, s’il donne l’aide cela peut aller; mais ne pas former la personne et lui donner directement l’aide c’est comme le mettre hors de ce projet. Nous apprécions la manière de travailler et le rythme de l’ ONG ASSAILD (Association d’Appui aux Initiatives Locales de Développement) actuel parce qu’elle cherche à nous former dans tous les domaines. Ensuite peut-être dans l’avenir nous pourrons même gagner, par nos travaux, des revenus de tout ce que nous faisons. Si n’importe quel organisme veut nous aider financièrement, c’est "après la formation". Quand on reçoit la formation puis l’aide après on saura très bien gérer, mais si c’est l’aide qui vient premièrement sans que la personne soit formée, jamais tu ne peux arriver.

2/ Mon deuxième conseil : "qu’ils quittent notre bureau quand ils nous visitent !" Beaucoup d’ONG ou des chefs de services viennent chez nous, mais au lieu de rentrer sur le terrain voir vraiment la réalité de tout ce qui se passe au niveau de l’agriculture, jamais ils ne viennent voir. Ils arrivent, ils restent à la maison et puis cela s’arrête là et à leur retour ils font leurs rapports. Ce n’est pas cela qui nous intéresse. Alors à l’ONG qui vient pour travailler avec nous dans le domaine des cultures, j’aimerais lui conseiller de venir sur le terrain et de voir avec moi ma situation de vie, cela m’aidera; mais s’il faut venir, rester à la maison, poser seulement des questions et faire le rapport, cela ne résout aucun problème, cela ne nous aide pas. Par exemple, la manière actuelle d’ASSAILD nous plaît; les agents de l’ASSAILD viennent souvent chez nous; ils courent derrière nous en brousse, dans nos champs pour nous donner des conseils. Quelquefois, on passe tout notre temps dans la brousse, ils nous montrent comment nettoyer le terrain, à quel moment il faut commencer le nettoyage et tout cela. Cela aide beaucoup plus que de venir et de causer sans aller sur le terrain.

3/ Un troisième conseil : vous voyez, la plupart des gens qui viennent chez nous, nous craignent. Peut-être qu’ils ont peur de notre nourriture. Alors que pour gagner notre confiance, il faudrait qu’ils soient avec nous "dans la même boîte", comme ça on peut très bien s’entendre. Tout à l’heure, lorsque nous avons mangé, vous qui êtes étranger, normalement c’est nous qui devrions vous servir, mais c’est vous qui nous avez donné l’eau pour nous laver les mains. Cela nous montre que vous êtes engagés vraiment sur le terrain pour travailler avec les paysans. Si par exemple un blanc vient, on ne peut pas s’approcher de lui parce que lui il se considère comme supérieur, on ne va pas oser s’approcher de lui. C’est vrai dans le domaine de manger, mais aussi dans le domaine du travail; quand ils viennent pour le travail, il faudrait qu’eux-mêmes touchent le travail. Cela nous montre que la personne a vraiment la volonté de travailler, nous-mêmes nous aurons alors le courage de travailler normalement. Mais si une ONG qui veut travailler dans le domaine des cultures vient et reste les bras croisés ou les mains dans le dos, cela n’arrange rien. C’est là mon conseil à une ONG qui s’engage vraiment à travailler avec les cultivateurs dans le milieu. S’ils prennent la "daba" (houe), c’est un exemple qu’ils donnent, c’est en quelque sorte un enseignement. En ce moment, vous qui êtes là, si vous prenez la daba, c’est toute la population qui va s’engager. Parce qu’ils diront : "Voici le blanc qui se met à travailler" et ils vont s’engager parce qu’ils ont vu le blanc travailler avec la daba; c’est encourageant.

C’est pas seulement le blanc, pour le cadre africain c’est aussi pareil. Si un "Monsieur" vient pour travailler avec moi, s’il se glorifie, s’il se considère, je ne peux pas m’approcher de lui.

4/ Le quatrième conseil, c’est de veiller à notre contribution. La contribution c’est quoi ? Par exemple, une ONG veut m’aider sur mon terrain de cultures car il me manque les moyens et le matériel agricole, mais le fumier ou autres ce n’est pas l’ONG qui va me le ramasser, il faut que je le fasse moi-même : c’est une participation de ma part. Il faut que je m’engage pour ramasser le fumier, il faut que je m’engage pour nettoyer le champ. S’il faut rester les bras croisés et dire : "je vais recevoir l’aide extérieure et cela me permettra de nettoyer mon champ, cela me permettra de ramasser le fumier, cela ne répond pas aux besoins réels". J’aime mieux avoir l’aide extérieure avec une contribution de ma part (que sans). Pour le village, c’est pareil : il y a certaines choses que le village n’est pas en mesure de faire lui-même; l’aide extérieure lui permet de réaliser certaines choses comme des constructions de bâtiments scolaires ou de puits et beaucoup d’autres choses qui dépassent carrément le village. Il demande l’aide extérieure pour pouvoir compléter, mais dans un premier temps, il faudrait qu’il y ait une contribution. S’il y a la contribution, cela peut aller. Mais s’il n’y a pas de contribution, cela ne peut pas aller".

Key words

countrymen’s organization, continuous training, South NGO, solidarity, financing, development strategy, dialogue


, Chad, Bedogo

Comments

"Commencez par nous former avant de financer nos actions, venez dans les champs, restez vivre avec nous et exigez notre contribution financière." Voilà les quatre conseils d’un responsable paysan à un partenaire. En d’autres termes, l’appui efficace à une organisation paysanne de base, ce n’est pas seulement l’argent de l’aide mais l’intérêt porté par celui qui arrive envers les villageois.

Notes

Voir la fiche DPH n° 7459.

Entretien avec GUELMIAN, Barmbaye

Source

Interview

LECOMTE, Benoît

GRAD (Groupe de Réalisations et d’Animations pour le Développement) - 228 rue du Manet, 74130 Bonneville, FRANCE - Tel 33(0)4 50 97 08 85 - Fax 33(0) 450 25 69 81 - France - www.grad-france.org - grad.fr (@) grad-france.org

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