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Etat et paysans au Mexique : une histoire mouvementée

Delphine ASTIER

08 / 2001

La relation entre l’Etat mexicain et les paysans est passée d’un extrême à l’autre. Dans les années 70 l’Etat était omniprésent dans les campagnes. Dans le système priiste - du nom du parti politique, lePRI, Parti Révolutionnaire Institutionnel, qui a régné pendant 71 années consécutives au Mexique - paternaliste et gangrené par la corruption, les paysans constituaient la base sociale du gouvernement et étaient une réserve de votes. En contrepartie, et ce jusque dans les années 80, l’agriculture familiale bénéficiait du soutien de l’Etat.

Aujourd’hui, l’Etat a abandonné son rôle de protecteur des paysans.

En 1992, le président Salinas a radicalement modifié le système agraire : il a mis fin à la réforme agraire et à la répartition des terres. La libéralisation a entraîné la création d’un marché légal de la terre. Auparavant, les propriétaires des "ejidos" n’avaient que l’usufruit de la terre et il n’y avait pas de propriété privée dans ce secteur dit "social".

Aujourd’hui, l’ALENA (Accord de Libre Echange Nord Américain) est défavorable à l’agriculture mexicaine, et ce pour trois raisons : le climat et les terres sont meilleures aux Etats-Unis, les différences technologiques sont énormes et enfin, l’agriculture nord-américaine bénéficie de subventions. Trop pressé de conclure l’accord, le gouvernement mexicain n’a pas cherché à défendre l’agriculture de son pays lors des négociations en 1994. Celles-ci ont donc permis aux Etats-Unis d’imposer leurs conditions, et d’élever des barrières douanières à l’entrée pour des produits comme le sucre, l’avocat, les oranges...

De son côté, le Mexique est submergé par les importations américaines ; pour le maïs, elles ont été multipliées par 2 entre 1992 et 1997. Les importations de blé et de riz ont, elles aussi, beaucoup augmenté. La tactique consiste même parfois à importer trop pour pouvoir faire baisser les prix !

A cette date, des pans entiers de l’agriculture sont sinistrés : le sucre, le café, le maïs, le riz, l’ananas, les haricots, les pommes de terre, etc..

Cette crise a des conséquences désastreuses pour les campagnes, qui souffrent aussi du tarissement des prêts de campagne de la banque du fait de la crise de la dette agricole, qui a dépouillé des milliers d’agriculteurs type "farmer" de leur patrimoine, acculant certains au suicide, et a produit des mouvements de débiteurs contre la banque, comme El Barzón. Aujourd’hui, les manifestations violentes des paysans qui réclament leur dû auprès des industries agroalimentaires se multiplient.

Le mardi 10 juillet 2001, voici ce qu’on peut lire dans le journal La Jornada : "la campagne mexicaine, destinataire traditionnel de promesses non tenues, connaît aujourd’hui une situation critique, sept mois après le début du premier gouvernement non priiste de l’histoire moderne. Les trois conflits les plus notoires sont : celui du sucre, les producteurs, sont venus manifester à Mexico car leur demande de paiement de leur canne auprès des raffineries de sucre n’a pas été entendue ; celui des producteurs de maïs de Sinaloa, qui n’ont pas reçu l’appui promis à la commercialisation et qui ont eu recours au blocage de l’industrie Pémex ; enfin celui des producteurs de riz de Campeche, à qui l’on confisque quarante cinq mille tonnes de produit à cause des dettes qu’ils ont contractées auprès de la Banque Rurale".

Ce qui apparaît clairement, c’est que l’agriculture n’est pas considérée comme prioritaire dans le développement - à la différence de ce qui s’est passé en Asie. Elle n’est pas perçue comme le second pilier du développement et il n’y a aucune vision stratégique à long terme de la part de l’Etat. D’ailleurs, le ministre actuel de l’agriculture, Javier Usabiaga, gros négociant en aïl, n’est pas en faveur des paysans.

Parallèlement à ce désengagement de l’Etat, les organisations nationales paysannes traditionnelles se sont fragmentées. Le mouvement El Barzón s’est essoufflé. L’existence du Consejo Agrario Permanente ( table ronde qui réunit toutes les organisations paysannes et qui est partenaire du gouvernement ) n’est plus que symbolique et l’organisation a perdu toute son efficacité. Mais sont apparues de nouvelles comme le Frente Nacional de Defensa de los Productores del Campo.

Pourtant, l’agriculture est une activité saisonnière et fluctuante qui requiert l’intervention étatique et ce au minimum dans trois domaines : la planification, la recherche et vulgarisation de nouvelles techniques agricoles et les aides à la commercialisation ainsi que la protection douanière sur certains produits.

Key words

countryman farming, influence of market on agriculture, regional integration and agriculture, food supply self reliance, agrarian system, bilateral relations, agricultural policy


, Mexico

Notes

Fiche rédigée par Delphine Astier (5 rue Boisset, 38000 Grenoble - Tél : (33) (0)4 76 43 39 72 / 06 76 84 96 02 - delphine.astier@ifrance.com) dans le cadre de la préparation de l’atelier Etat et développement de l’Alliance pour un monde responsable, solidaire et pluriel. Pour plus d’informations, on peut consulter le site : www.alliance21.org/fr/themes/pol-dev.htm.

Entretien avec MESTRIES, Francis, professeur de sociologie rurale

Source

Interview

FPH (Fondation Charles Léopold Mayer pour le Progrès de l’Homme) - 38 rue Saint-Sabin, 75011 Paris, FRANCE - Tél. 33 (0)1 43 14 75 75 - Fax 33 (0)1 43 14 75 99 - France - www.fph.ch - paris (@) fph.fr

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