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Enfants des Rues en Arménie

Le projet ’enfants en situation difficile’, développé par Médecins Sans Frontières - MSF- en Arménie propose une démarche originale

Maude SIRE

02 / 2002

En 1991, l’Arménie déclare son indépendance et devient un état démocratique autonome. La fin du système soviétique, la rupture des liens industriels et commerciaux avec Moscou contribuent à la chute brutale du niveau de vie. Le tremblement de terre de 1998, le conflit entre l’Azerbaïdjan et le Haut-Karabakh ainsi que l’embargo économique imposé à l’Arménie viennent également aggraver les difficultés sociales et économiques, entraînant un fort taux de chômage (40 pour cent) et une paupérisation des familles. Les plus vulnérables n’arrivent plus à assurer la protection ni l’éducation de leurs enfants. Le nombre d’enfants des rues n’a ainsi cessé d’augmenter parallèlement à celui des enfants placés dans les institutions (on en dénombre aujourd’hui plus de 10 000).

Aujourd’hui, dix ans plus tard, l’Arménie feint de découvrir ce phénomène qui n’est pourtant pas nouveau. Car l’absence d’enfants dans les rues à l’époque de l’Arménie soviétique était artificielle : l’Etat avait mis en place un système d’institutions (orphelinats, écoles de nuit, maisons de correction, colonies pénitentiaires, etc.) permettant de masquer le problème.

"Les enfants des rues mettent en danger la société arménienne" a déclaré à la télévision un représentant du ministère de l’Intérieur. Sujet tabou jusqu’alors parce qu’il s’oppose aux valeurs familiales, piliers de l’identité arménienne, les enfants des rues sont devenus une des préoccupations majeures des autorités.

Malheureusement bien que la République d’Arménie ait ratifié la Convention des droits des enfants, cette préoccupation de traduit surtout par des rafles, des placements abusifs et des menaces.

MSF travaille depuis 1997 à Erevan. Restituer aux enfants leur capacité de choix, protéger leurs droits et leurs intérêts, essayer de rétablir les liens familiaux, leur offrir une scolarisation ou une formation professionnelle, garantir un suivi psychologique et médical sont autant de méthodes nouvelles par rapport aux pratiques héritées de l’époque soviétique. Le programme comporte deux volets: la prise en charge des enfants dans l’institution de Vardashen, où 110 enfants sont accueillis, s’ajoute, en amont, un travail auprès des enfants vivants dans les rues.

Ainsi, en février 2000, l’équipe a ouvert un local d’accueil, d’orientation et d’information dans un quartier de la capitale et assure des permanences itinérantes. Pour atteindre les enfants dans la rue les équipes de MSF sont allées à leur rencontre. Au début surpris voir méfiant (à cause des rafles par les policiers en civil) ils s’enfuyaient ou demandaient de l’argent. Une fois le premier contact établi, le travailleur social donne à l’enfant la carte du local avec les horaires d’ouverture. Il explique à l’enfant qu’il peut venir quand il voudra avec ses parents s’il le souhaite et qu’il pourra y trouver des professionnels qui seront prêts à l’écouter. Les travailleurs sociaux recueillent le récit de l’enfant essayent de retracer son histoire.

En cas de nécessité, les enfants peuvent rencontrer le médecin, la psychologue ou le juriste qui fait partie de l’équipe. Ils peuvent également être orientés vers d’autres structures appropriées. Mais surtout, l’équipe essaie de les aider à devenir - ou redevenir- acteurs de leur propre vie, à pouvoir faire des choix et en être responsable.

Afin de mieux comprendre la place de l’enfant dans son environnement, l’équipe MSF a tenté de définir une typologie des enfants errants :

- les "enfants sans domicile" vivent dans la rue et n’ont pas de tuteur légal ni de lien avec leur famille. Ils dorment rarement dehors et utilisent des chambres à paiement journalier ou sont hébergés par des adultes qui les exploitent dans la plupart des cas.

- les "enfants sans soutien de famille" vivent au domicile familial et s’y sentent bien. Ils sortent dans la rue pour améliorer les revenus familiaux. Ces enfants sont souvent fiers de leurs activités, conscients de leur rôle important dans la famille.

- les "enfants exploités" se trouvent dans les rues par contrainte. Des membres de la famille les obligent à rapporter de l’argent. En cas d’échec ils sont punis sévèrement. Ces enfants éprouvent de la peur et préfèrent fuir leur milieu familial en se réfugiant dans la rue.

- les "enfants travailleurs" vivent de petits boulots pendant, après les cours ou lors des vacances scolaires. Ces enfants travaillent d’abord pour eux-mêmes mais finissent souvent par être "récupérés" par des réseaux d’adultes.

Au 31 mars 2001 l’équipe MSF a rencontré 275 enfants dans les rues de la ville. Actuellement 124 d’entre eux sont en relation avec l’équipe de MSF qui propose aux autorités des alternatives à leur placement ou à leur détention.

L’action de MSF au sein du complexe d’éducation spécialisée de Vardashen a rencontré de nombreux obstacles notamment le système répressif appelé "le régime". Ce système de surveillance spéciale destiné à "réhabiliter les enfants mineurs ayant des altérations du comportement" était basé sur des maltraitances physiques et psychologiques. La présence 24h sur 24 des équipes MSF et les négociations avec le Ministère de l’éducation et la direction de Vardashen ont permis l’abandon du "régime". La Direction a accepté de travailler avec des éducateurs de surveillance et des éducateurs d’activités. Face à l’absence de formation d’éducateur, MSF a fait le choix d’étendre son programme médico-psychologique, en développant un travail socio-éducatif, juridique et récréationnel.

Pour les équipes locales et d’expatriés la confrontation avec les situations particulières de ces enfants nécessite de décoder les dispositifs en place, pour comprendre un minimum les espaces d’humanisation que sont la famille, l’environnement social et institutionnel et la société.

Les professionnels arméniens doivent quant à eux apprendre à porter un nouveau regard sur leur société. Pour la plupart, ils n’ont pas d’expérience professionnelle dans le domaine social et doivent apprendre les techniques d’une profession qui n’est pas la leur et se confronter à des idées nouvelles. A l’intérieur de Vardashen la position de MSF n’est pas neutre. L’objectif pour MSF est de faire sortir le maximum d’enfants de cette institution en les réintégrant dans la société arménienne et en leur donnant une possibilité d’avenir. Se pose alors la question du soutien à une institution dont les attitudes violente et répressive n’ont pas totalement disparues. Est-il raisonnable de penser que MSF aura les moyens de changer définitivement l’environnement des enfants ? MSF tente de créer un contre-pouvoir au sein de l’institution, c’est-à-dire un groupe de pression ayant pour but de défendre les enfants face à l’administration, tout en ne se substituant pas aux autorités en place. Ce difficile exercice nécessite un questionnement constant sur les attitudes adoptées, une démarche empirique qui doit permettre une remise en question quand cela est utile. C’est pourquoi des espaces de parole ont instaurés en interne au sein de l’équipe locale permettant à tous les acteurs MSF de s’exprimer, de soulever des problèmes, de témoigner des situations, d’analyser leur travail.

Key words

street child, instructor, health conditions, social insertion, rights of children, children work, familiar violence, police violence, international NGO, psychology, social exclusion and health, delinquency


, Armenia, Erevan

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Au sein du programme pour les enfants en situation difficile, l’équipe de Médecins Sans Frontières "Prévention" propose une écoute active en construisant une relation de proximité. C’est une médiation entre les enfants et leur environnement familial.

Source

Articles and files ; Working papers

SIRE, Maude, Dossier Arménie, Médecins Sans Frontières in. Messages, 2001/07 (France), 116

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